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05/10/2018

Estelle Faye - Un éclat de givre

Faye.jpgUn Éclat de givre d'Estelle Faye (2014) porte assez mal son nom... enfin d'un premier abord. Car il faut chaud, très chaud dans le futur que ce roman nous propose. La fin du monde a eu lieu, Paris est isolée, son périphérique est devenu un marécage truffé de vieilles mines, et la banlieue, transformée en territoires agricoles, la nourrit péniblement. Ce Paris surpeuplé se veut cependant encore civilisé: on y maintient quelques vieilles institutions, et on y trouve toujours des cafés-concerts, plus ou moins vétustes.

Chet, le soir, est un chanteur de jazz travesti au coeur d'artichaut mais éternel célibataire. Et le jour, il exécute quelques missions plus ou moins dangereuses. Et voilà qu'un frelot, un des cultivateurs de la banlieue, vient justement lui en proposer une: retrouver un dealer. Un dealer qui propose une nouvelle drogue.

Nous voilà donc avec entre les mains un roman post-apocalyptique. Quelque chose de banal, a priori. Mais alors que d'ordinaire dans ces romans, on nous propose un paysage parsemé de villes dévastées et dépeuplées, Estelle Faye, elle, se concentre sur une ville surpeuplée. Et c'est déjà une première originalité. La deuxième originalité est qu'il ne faut pas plus de quelques dizaines de pages pour se rendre compte que ce roman ne s'occupe pas d'être crédible. Paris est isolée, mais on y trouve des raviolis aux crevettes, de même que la Seine coule toujours alors qu'on sait que les environs sont parcourus de failles qui fissurent le sol jusqu'à de grandes profondeurs. On se rend vite compte aussi que certains événements surgissent trop bien, sans raison crédible, comme l'apparition du chef des frelots dans les sous-sols de la ville pile quand les deux aventuriers y passent.

Mais peu importe: le fait est qu'Un Éclat de givre est en fait un roman particulièrement onirique, qui semble écrit au fil de la plume pour coucher sur le papier un rêve chargé d'étrangetés, décomposé en une suite de scène qui nous font découvrir la nouvelle géographie de la ville. Et cette plume est belle, tandis que l'imagination d'Estelle Faye est particulièrement riche. On se retrouve au final avec un roman qui se lit d'une traite et qui laisse de belles images dans dans la tête.

27/09/2018

Franck Ferric et Pierre Le Pivain – Retour à Silence

Ferric.jpgJe suis loin d'avoir tout lu de Franck Ferric, mais jusqu'ici, c'est pour moi un sans faute: Trois Oboles pour Charon est un bijou, et La Loi du désert était un excellent premier roman. Dans Retour à Silence (2014), l'auteur revient justement dans l'univers développé dans La Loi...: le monde est transformé en un vaste désert où ne subsistent que quelques rares villes gangrénées par la violence.
Ici, Alej est un ancien raffineur, autrement dit une sorte de pistolero chargé le plus souvent d'escorter des convois hors de sa ville, et autrement de faire le coup de main pour son patron. Pour son malheur, il est tombé amoureux de la fille de celui-ci, et lorsque le couple fuit la ville, elle est touché par une balle et tuée. Alej se retrouve seul en plein désert, dans un refuge qu'il a nommé Silence. Mais voilà que plusieurs années après, un pisteur, un de ses anciens collègues, a retrouvé sa trace. Pour faire cesser ces poursuites, Alej va devoir taper directement à la source, en tuant son ancien patron. 

Retour à Silence n'est pas une suite de La Loi du désert. C'est un roman tout à fait indépendant, qui peut se lire seul. Mais on y retrouve la crasse, la poussière, le désespoir, la lutte âpre pour garder ce peu de vie qu'on appelle encore "civilisation". On y retrouve aussi la patte de Franck Ferric, avec ce style fort, vif, et en même temps régulièrement poétique. Et pour bien faire, les illustrations de Pierre Le Pivain accompagnent très bien le texte (même si on aurait pu se demander: pourquoi Lucky Luke en couverture?).

Bref, il y a vraiment eu de très bonnes choses aux éditions du Riez, hélas disparues. Mais pour le coup, pourquoi donc ces très bons romans ne sont-ils pas réédités en poche? 

22/09/2018

Christophe Thill et Thomas Bauduret (dir.) - L'Amicale des jeteurs de sorts

malpertuis28-2013.jpgAutant le recueil d'Anne-Sylvie Salzman offrait un fantastique à la fois neuf et personnel, autant l'anthologie L'Amicale des jeteurs de sorts proposée par Christophe Thill et Thomas Bauduret chez Malpertuis (2013), se base sur un thème ancien s'il en est, celui des sorciers et magiciens. 

Ce sont vingt quatre auteurs que l'on retrouve donc au sommaire de ce copieux ouvrage de 350 pages. Copieux, et sans doute hélas trop long. Certes, je n'ai pas grand chose à redire de la qualité littéraire des textes: les deux anthologistes ont fait du beau travail, et on pourra juste tiquer sur un texte ou deux. Mais c'est le caractère très classique de bien des textes qui m'a parfois ennuyé. Il est difficile de faire du neuf avec du vieux. Ceci-dit, le recueil vaut le détour pour un certain nombre de textes remarquables. Robert Darvel nous présente ainsi non pas des jumeaux maléfiques, mais des siamois, en un texte surprenant qui n'est pas sans rappeler une nouvelle sordide d'Alexandre Tchaïanov. Julien Heybroeck est encore plus surprenant avec ses obèses réunis en une sorte de club informel et assassinés les uns après les autres, sans qu'ils sachent pourquoi, par des magiciens. Jacques Fuentealba présente un à-côté de son univers développé dans le roman Retour à Salem. Simon Sanahujas propose une remarquable nouvelle sur la réécriture du réel et ses risques, très bien construite même si ça n'était pas évident du tout. Hong Kong by night de Roman d'Huissier est une fantasy urbaine classique mais diablement efficace. La nouvelle de Franck Ferric est une belle et triste variation du Portrait de Dorian Gray. Et le tout se clôt par un space opera... fantastique de Karim Berrouka: un mélange des genres que l'on croise peu. 

Rien que pour ces textes, cette anthologie mérite d'être lue.