26/09/2021
Mes lectures des six derniers mois ‑ Romans
Même principe que pour les mangas. Voici ici résumés six mois de lectures.
Larry Niven et Jerry Pournelle – La Paille dans l'Œil de Dieu (2007, Le Bélial').
Commençons par du lourd, du très lourd, avec ce classique venu des années 1970. Nous nous trouvons dans un très lointain futur. L'humanité s'est taillé un empire dans les étoiles, un empire sans concurrent, vu que jusqu'ici, aucune autre espèce intelligente n'a été découverte. Elle ne s'est évidemment pas amélioré, et est donc toujours victime de guerres diverses. L'Empire doit notamment lutter contre des séparatistes. Mais voilà que subitement, un étrange vaisseau arrive d'une étoile jusqu'ici inexplorée. On arme alors une expédition. Voilà de la grande SF. Roman passionnant de bout en bout, La Paille dans l'Œil de Dieu confronte une culture humaine, celle de l'Empire, dont la structure sociale semble être calquée sur celle de l'Empire russe du début du XXe siècle, à une autre, celle d'humanoïdes qui au premier abord sont amicaux, mais semblent vouloir à tout prix cacher quelque chose. Sont-ils vraiment inoffensifs? Un excellent roman.
Christian Léourier – Sitrinjeta (2016, Critic).
Christian Léourir est un auteur que je suis depuis bien longtemps avec attention. L'univers qu'il s'est bâti avec le cycle de Lanmeur est vraiment passionnant. Sitrinjeta est un roman qui n'y prend cependant pas place, même si cela reste du space opera. Un capitaine de vaisseau embarque sur une planète plutôt douteuse un équipage tout aussi douteux et une cargaison mystérieuse dont on se doute qu'elle ne doit pas se retrouver là où le vaisseau est censé se rendre. De fait, Hénar Log Korson se lance à la recherche d'un mystérieux vaisseau, le Sitrinjeta. J'avoue avoir été un tantinet déçu par ce roman: il manque en effet de profondeur. Il est rare que je recherche la longueur, mais ici, on sent qu'un univers fouillé a été créé, mais il n'a pas été exploré et ne donne pas tout son potentiel.
Hiroshi Ishikawa – Au Chevet d'une guerrière (2020, Ofelbe).
Étant lecteur de manga, cela fait un moment que je voulais découvrir la SF japonaise littéraire. Mais les traductions sont rares. Découvert au hasard d'un rayonnage de librairie, Au Chevet d'une guerrière est un light novel, autrement dit un petit roman pour adolescents. On y suit le parcours d'un garçon qui vit en grande banlieue. Un jour, toute la population de son secteur tombe malade. Et la plupart des malades meurent. Le garçon se retrouve isolé et tente de survivre dans la maison de ses parents, quand soudain surgissent d'étranges et gigantesques extra-terrestres. Voilà un roman qui aurait pu être bien. Mais on sent rapidement que sa structure est calquée sur celle des mangas et animes: chaque chapitre se pose comme un épisode: le garçon rencontre des gens, combat des extraterrestres avec ses super-pouvoirs, et quand il le peut, mate la culotte et les seins des filles – des scènes d'ailleurs parfois profondément gênantes et grotesques. Heureusement, le roman est court, et sa fin, elle, est vraiment très belle.
Estelle Faye – Les Nuages de Magellan (2020, Folio SF).
Voilà un petit roman que j'aurais dû lire depuis longtemps, puisque le prologue est comme un écho d'une nouvelle d'Estelle Faye que j'ai publiée dans mon anthologie Avenirs radieux, chez Rivière Blanche. Et donc, encore un space opera. Et un lointain futur. L'humanité a colonisé toute la galaxie, mais elle est tombée sous la coupe des toutes puissantes Compagnies. L'ultime sursaut de liberté, mené par des pirates, a échoué. Mais voilà qu'une jeune serveuse, dans un bar paumé d'une obscure planète, alors qu'elle est totalement ivre, entonne un véritable hymne à la liberté, qui se retrouve rapidement diffusé sur tous les réseaux. Contrainte de fuir, elle va se lancer à la recherche de ce qui reste de la piraterie et de ses idéaux. Court roman d'aventure, à la limite de la littérature pour la jeunesse, Les Nuages de Magellan se lit d'une traite et avec beaucoup de plaisir.
Pierre Suragne – Dérapages (1980, Fleuve Noir).
Passons à deux petits Fleuve Noir Anticipation, avec d'abord Dérapages de Pierre Suragne. L'action se passe de nos jours, au Québec, dans une petite ville menacée par l'implantation d'une importante usine qui risque non seulement de bouleversé la vie de tous les habitants, mais aussi de ravager l'environnement. Zèke Paillette, opposant à cette implantation, se retrouve subitement propulsé dans ce qui semble être le futur. Petit roman (et la typographie est très grosse) visiblement rapidement écrit, Dérapages n'est clairement pas ce que Pierre Suragne, plus connu sous le nom de Pierre Pelot, a pu écrire. Cela se lit sans déplaisir, mais au final, à quoi bon?
Paul Béra – Planète polluée (1974, Fleuve Noir).
Je n'avais jusqu'ici lu de Paul Béra, pseudonyme de Paul Bérato, aussi connu sous le nom d'Yves Dermèze, que des romans des années 1950 et 1960. Je ne connaissais rien de ses œuvres plus tardives. Planète polluée est un récit qui porte bien son nom: nous sommes dans un futur relativement éloigné. Le monde est maintenant méconnaissable. L'atmosphère, à basse altitude, est maintenant chargée de CO2, irrespirable, sauf pour quelques mutants vivants comme des hommes préhistoriques. La civilisation a cependant trouvé refuge dans des terriers. Mais elle est proche de s'éteindre faute d'énergie. L'avenir pourrait donc être un de ces mutants, étrangement doté de la capacité de respirer aussi bien dans l'atmosphère polluée que dans celle, oxygénée, des terriers. Voilà qui n'est clairement pas de la grande littérature. Paul Béra se répète souvent (et il en a conscience mais dissimule cela en plaçant le récit dans la bouche de son héros, qui n'est pas un écrivain). Pourtant, on trouve ici une foule d'idée qu'on pourrait qualifier de prophétiques (même si je n'aime pas le terme), notamment pour ce qui concerne le problème très actuel de l'effet de serre et donc du réchauffement climatique. Et pour présenter tout cela, Paul Béra emploie une série d'aventures tout à fait lisible et distrayante.
Ken Liu – Le Regard (2017, Le Bélial').
Le Regard est en fait le premier livre de cette liste que j'ai lu. Et le fait est que j'en ai déjà oublié de larges pans, ce qui n'est pas bon signe. Nous sommes dans un futur proche, dans une ambiance vaguement cyberpunk. Les gens disposent d'implant permettant à volonté de contrôler ses propres sentiments: un appareil indispensable quand on exerce le difficile métier de policier, et plus encore celui de détective privé à qui on demande d'élucider une sordide affaire de meurtre de prostituée. Bref, j'ai oublié les tenants et aboutissants de l'affaire. Tout ce dont je me souviens est que Ken Liu nous propose là une énième variante du thème de la persistance de la vision après la mort. Banal, finalement.
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Mes lectures des six derniers mois ‑ Mangas
J'ai beaucoup lu, ces six derniers mois. Plus que d'ordinaire. Paradoxalement, je n'ai pas eu le temps de chroniquer ces lectures. Je n'entends pas le faire sérieusement ici – là encore faut de temps – mais je vais au moins m'efforcer d'en parler rapidement. Commençons par les mangas. Oui, je lis très peu de BD franco-belge ces dernières années, du moins peu de nouveautés: il n'y a pas grand chose qui attire mon œil, dans le domaine de la SF. En dehors de la série Orbital, on a le plus souvent droit à des scénarios convenus et à des dessins peu originaux. Le tout pour des volumes trop souvent rapides à lire. Passons.
Katsuhiro Otomo – Anthology (Kana, 2008).
Il n'y a finalement pas grand chose de traduit, de Katsuhiro Otomo. Passé Domu, Akira et Mother Sarah. Aussi la publication de ses premières œuvres en un recueil est-elle la bienvenue.
On trouvera ici dix histoires courtes, toutes relevant de la science-fiction, à la foi drôles et tragiques, et datant de la fin des années 1970 et du début des années 1980. Il s'y trouve ainsi la première version de Memories, qui deviendra plus tard un magnifique dessin-animé. Le style d'Otomo est déjà bien affirmé, mais l'influence de Moebius y est particulièrement sensible.
Une excellente lecture.
Inio Asano ‑ Anthology (Kana, 2020).
Encore une anthologie, avec cette fois-ci un auteur que je ne connaissais pas le moins du monde. Mais la couverture de ce livre m'a tout de suite tapé dans l'œil. On trouvera ici treize histoires courtes. Enfin non: onze histoires courtes, dont une est déclinée en trois versions différentes. "Un homme doux" est en effet présentée trois fois, avec les mêmes images. Il s'agit là d'une rencontre romantique. La première fois, on nous la montre de l'extérieur, avec juste les dialogues. La seconde fois, elle est accompagnée des pensées de la jeune femme. La troisième fois, de celles du jeune homme. Et c'est superbe, magnifiquement bien vu. Les autres récits sont très divers: avec des histoires réalistes, d'autres relevant de la science-fiction, d'autre encore de l'absurde. Il y est beaucoup question d'altérité, de capacité à vivre ensemble. Il s'agit là pour moi d'une belle découverte, et il est clair que je vais rechercher les autres productions de cet auteur.
Kenji Tsuruta et Shinji Kajio – Rêveries d'Emanon (Ki-oon, 2020).
J'adore le travail de Kenji Tsuruta: un dessinateur rare, au trait somptueux. Sa série "Emanon", basée sur les récits de Shinji Kajio, démarrait fort bien, avec un premier volume, Souvenirs d'Emanon, qui est sans doute une des plus belles lectures que j'ai pu faire ces dernières années. Emanon est une jeune femme qui possède les souvenirs de toutes son ascendance féminine depuis l'apparition de la vie sur Terre. Un postulat vertigineux, qui était cependant mis en scène d'une façon particulièrement subtile et sensible. Le volume 2 était un peu moins fort, le trois redressait un peu la barre. Las, le quatre, tout en restant très beau, n'apporte rien à l'ensemble. Pour ce qui me concerne, j'arrêterai là.
Akane Torikai – Le siège des exilées 1/2 (Akata, 2020).
Conseillé notamment par Lucie Chenu, lors d'une discussion sur les mangas de SF féministe sur Facebook, Le Siège des exilées d'Akane Torikai se révèle effectivement une bonne lecture. Un dessin particulièrement élégant (quoi que non sans défaut: on y retrouve ces personnages involontairement borgnes typiques des mangas dessinés trop vite), propice à développer une histoire de science-fiction qui ne donne pas dans le spectaculaire, mais plutôt dans l'intimiste: nous avons affaire ici à un monde futur où les femmes constitue la majeure partie de la population, au point que les rares hommes subsistants sont devenus des curiosités. S'agit-il d'un monde meilleur? Oui... et non. Certes, la société semble apaisée, mais les différences de classes sont toujours aussi fortes. J'enchaînerai sous peu avec le tome 2.
Shinji Mito – Alma, 1 (Panini, 2021).
Enchaînons avec un nouveau venu en France: Shinji Mito. Sa série Alma se décline en quatre volumes, dont trois sont déjà parus. Je n'ai pour l'instant lu que le premier. Il s'agit là encore d'un futur lointain, post-apocalyptique. L'humanité a développé des androïdes pour son service, mais ceux-ci se sont révoltés, et la Terre a été ravagée par la lutte qui a suivi. Ray est un adolescent qui vit isolé au milieu des ruines, avec celle qu'il croit être une jeune femme. Mais quand arrivent du ciel des étrangers qui les attaquent, il se sent obligé de partir à la redécouverte du monde.
Il s'agit pour l'instant d'une histoire assez classique, avec son lot ordinaire de bagarres. Mais c'est très bien dessiné, et le récit ne manque pas de rebondissement bien venus. À suivre.
Hiroki Endo – Eden. It's an Endless World!, 1 (Panini, 2021).
Panini a eu l'excellente idée de rassembler les multiples volumes de cette série en une intégrale plus condensée: comme je manque terriblement de place, j'ai donc attendu cette opportunité pour découvrir l'œuvre d'un auteur qui est clairement un émule de Katsuhiro Otomo. Plus d'une fois à la lecture de ces pages je me suis dit que Endo pouvait être un nouveau pseudo du père d'Akira, tant les deux styles sont proches. Eden est aussi une histoire post-apocalyptique, baignant cependant dans une ambiance cyberpunk. L'humanité se relève avec peine d'une épidémie dévastatrice. Les survivants se réorganisent, mais cette organisation ne va pas sans mal, et bien souvent la loi du plus fort règne. Passionnant.
11:00 Publié dans Livre, Planète-SF | Lien permanent | Commentaires (0)