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24/10/2019

Loïc Henry - Loar

Henry.jpgDans bien des millénaires, l'humanité s'est répandue dans l'espace, par le biais de passages que nul ne comprend, mais qui permettent d'aller d'une planète à l'autre. Divers royaumes se sont formés, en marge desquels subsistent quelques mondes indépendants: Kreis, une planète sanctuaire, cœur de la religion commune, et Latar, que nul n'a visité mais qui fournit des mercenaires à l'ensemble des royaumes. Et puis il y a la Périphérie: des mondes que personne ne connaît mais qu'on suppose barbares.

Loar est un planète appartenant à une alliance de neuf royaumes. Elle est menacée par le royaume de Melen, un état autrement plus puissant. La guerre est déclarée, et pendant des semaines l'équilibre est maintenu entre les forces, jusqu'à ce que la Périphérie fasse irruption dans le conflit.

Loar, de Loïc Henry, est construit comme ces gros machins américains qui nous arrivent depuis quelques décennies sur le marché de l'imaginaire. Gros, il l'est, avec ses 640 pages en poche. Mais il apparaît sous la forme d'une succession de micro-chapitres de quelques pages, chacun consacré à un personnage différent. Et il y a plein de personnages différents. Du coup, comme les gros machins américains, ça se lit tout seul, d'autant plus que Loïc Henry est un bon conteur. 

Mais au final, quand arrive la dernière page, l'expression "Tout ça pour ça?" vient aussitôt à l'esprit. Nous sommes donc en présence de quelques royaumes, lesquels sont dirigés par des régents (mot ici clairement employé mal à propos), qui forment la quasi-exclusivité des personnages. Et pour le coup nous avons le droit à d'interminables discussions entre têtes couronnées, avec ou sans leurs conseillers. Les peuples n'existent pas. Ou plutôt si: sous forme de statistiques des pertes, lors des batailles, lesquelles batailles ressemblent à une partie en ligne de Solarmax. C'est joli, Solarmax, et c'est un très bon jeu. Mais raconté sous forme de roman, c'est chiant. "Il y avait 1347 vaisseaux d'un côté, 560 de l'autres, le ratio des pertes fut de 4 contre 1", etc.
Au premier abord, l'univers semble aussi très riche (le contraire eut été étonnant vu le volume), mais cette richesse n'est qu'apparente: comme dans les vieux space opera, chaque planète a sa spécialité, une et une seule. Une produit des mercenaires, l'autre des prêtres, l'autre des espions, l'autre des minerais, l'autre du pétrole (sic! retrouverait-on les vaisseaux diesel des pulps?). Culturellement, on n'a quasiment que des décalques. L'emploi de termes bretons un peu partout permet un faux exotisme, faiblement compensé par des Mongols de l'espace (les Latars). Et le roman manque de s'achever en sombrant dans le ridicule avec l'apparition de druides de l'espace! 
On aura compris que l'auteur est breton. Ça ne s'était pas vu du tout!
Bref, oui, ça se lit tout seul, Loar, mais c'est aussi profondément agaçant. Et je ne peux m'empêcher de penser qu'un bon auteur du Fleuve Noir des années 1970 (les Le May? Jan de Fast?) aurait pu raconter tout ça en 250 pages qui auraient été autrement plus denses.

28/09/2019

Jan de Fast - Le Plan de clivage

Fast.jpgLe docteur Alan, héros récurrent  des œuvres de Jan de Fast, est envoyé par Alpha pour aider un richissime entrepreneur. Cela sort de l'ordinaire, car habituellement, il est supposé aider des planètes entières, mais on lui demande de faire une entorse à la règle car l'entrepreneur en question est à la tête de la principale société de terraformation, et surtout, ça n'est quelqu'un qui a toujours fait preuve de générosité. Alan arrive donc sur la planète privée de l'homme d'affaire, et se retrouve à devoir soigner sa fille. Celle-ci, quelques jours auparavant, a mystérieusement disparu, avant de réapparaître totalement amorphe: vivante, mais sans conscience propre. 

Alan doit donc rester durant quelques jours auprès de la belle jeune femme, en compagnie de sa belle-mère, presque aussi jeune, laquelle n'est pas vraiment humaine: elle vient d'un autre monde, mieux, d'un autre univers, une planète qui par le passé a été mystérieusement projetée au-delà d'un plan de clivage.

L'intrigue de Le Plan de clivage (1978) de Jan de Fast, fleure bon à la SF ancienne, celle à la Star Trek, et a tout pour être plaisante. Sa structure est astucieuse et repose sur des problèmes spatio-temporel qui n'auraient pas déplu au capitaine Picard. Mais hélas, ce roman est sans doute écrit un rien trop vite, et la psychologie des personnages n'est que survolée. Pire: on savait le docteur Alan un tantinet fleur bleue, lui qui tombe amoureux dans chacun des romans dont il est le héros. Mais là, il se surpasse: il couche avec quasiment tout ce qui a une paire de seins et une belle chevelure, en amoureux sincère. Ce n'est pas en soit pas bien gênant: on est dans une SF post-soixante-huitarde, qui prône une liberté totale de mœurs. Le hic, est qu'il fait la même chose avec la fille inconsciente de l'homme d'affaire. Celle-ci, véritable pantin, s'offre inconsciemment à lui, et lui ne résiste pas, au contraire. Pire: il est même carrément dépité... parce qu'elle ne participe pas vraiment et se contente de se laisser faire. Bref, il s'agit clairement d'un viol. Voilà un véritable faux pas de la part d'un auteur d'ordinaire plutôt progressiste.

Au final, au-delà de cet aspect dérangeant, Le Plan de clivage est un roman plus que mineur, qu'on peut oublier sans regret.

21/09/2019

Olivier Bérenval - Nemrod

Bérenval.jpgDans un futur très lointain, l'humanité a essaimé d'une étoile à l'autre. De gigantesques vaisseaux, pilotés par des IA, ont permis la colonisation de chaque monde habitable rencontré en y adaptant sa cargaison d'humains aux conditions locales, créant ainsi des "variants", des populations humaines au physique très variable. L'ensemble de ces mondes est placée sous la coupe d'une Communauté. Humains et IA vivent en harmonie. Mais voilà qu'un monde lointain est littéralement dévasté par une force inconnue. Cette même force repousse la flotte militaire de la Communauté et peut alors s'attaquer à n'importe quel monde colonisé.

Basé sur un tel univers, Nemrod d'Olivier Bérenval (Mnémos, 2017), nous invite à suivre les aventures de trois personnages principaux: un jeune colon d'une planète agraire reculée, une militaire appartenant aux Forces de la Communauté, et un vidocq, autrement dit une sorte d'homme de main / détective / agent de sécurité. Tous les trois n'ont rien en commun, mais leurs parcours respectifs vont nous permettre de prendre connaissance d'un univers particulièrement riche, un univers menacé d'effondrement par l'Adversaire.

Second roman de l'auteur, Nemrod est un étonnant projet littéraire. Volumineux space opera, le texte est cependant truffé de références à des poésies et des chansons du XIXe siècle, notamment de Victor Hugo. Préciosité? Pas le moins de monde: ces inclusions, qui n'ont pas valeurs de citations car elles sont souvent adaptées à l'univers développé ici, font sens. Olivier Bérenval a visiblement eu de saines lectures. Son Adversaire a tout du Titan de l'espace d'Yves Dermèze. On sent aussi le poids d'Hypérion, de Dan Simmons. Sans doute aussi la série Andromeda a-t-elle été une source d'inspiration. Pour autant, il ne s'agit pas d'un patchwork boiteux, mais bien d'un bon roman, bien construit, bien écrit, et pour le coup passionnant. 
Je me permettrais cependant de relever deux petits défauts. L'auteur n'est visiblement pas scientifique, aussi emploie-t-il parfois des expressions et des concepts mal à propos. Non, quand on vit sur une planète jovienne, on acquiert pas un physique plutôt courtaud comme celui de Czar Santo: on devient une crêpe, tout bonnement. Et non, il est peu recommandé de passer à plusieurs dizaines d'UA d'une nova. À quelques années lumières, pourquoi pas, mais à quelques UA, on grille. 
Ce reproche est à rapprocher d'un second: Olivier Bérenval jargonne terriblement. Je sais bien que c'est le propre de la SF que d'inventer son vocabulaire spécifique. Mais encore faut-il que cela soit utile. Ainsi les "câbles titanotressés" sont tout bêtement des câbles en titane, puisque les câbles sont toujours tressés.
Mais peu importe ces détails, qui peuvent agacer sur le coup, ils n'empêchent pas la lecture. Il règne sur Nemrod un souffle épique et poétique indéniable, qui fait de ce livre un très bon roman.