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21/09/2019

Olivier Bérenval - Nemrod

Bérenval.jpgDans un futur très lointain, l'humanité a essaimé d'une étoile à l'autre. De gigantesques vaisseaux, pilotés par des IA, ont permis la colonisation de chaque monde habitable rencontré en y adaptant sa cargaison d'humains aux conditions locales, créant ainsi des "variants", des populations humaines au physique très variable. L'ensemble de ces mondes est placée sous la coupe d'une Communauté. Humains et IA vivent en harmonie. Mais voilà qu'un monde lointain est littéralement dévasté par une force inconnue. Cette même force repousse la flotte militaire de la Communauté et peut alors s'attaquer à n'importe quel monde colonisé.

Basé sur un tel univers, Nemrod d'Olivier Bérenval (Mnémos, 2017), nous invite à suivre les aventures de trois personnages principaux: un jeune colon d'une planète agraire reculée, une militaire appartenant aux Forces de la Communauté, et un vidocq, autrement dit une sorte d'homme de main / détective / agent de sécurité. Tous les trois n'ont rien en commun, mais leurs parcours respectifs vont nous permettre de prendre connaissance d'un univers particulièrement riche, un univers menacé d'effondrement par l'Adversaire.

Second roman de l'auteur, Nemrod est un étonnant projet littéraire. Volumineux space opera, le texte est cependant truffé de références à des poésies et des chansons du XIXe siècle, notamment de Victor Hugo. Préciosité? Pas le moins de monde: ces inclusions, qui n'ont pas valeurs de citations car elles sont souvent adaptées à l'univers développé ici, font sens. Olivier Bérenval a visiblement eu de saines lectures. Son Adversaire a tout du Titan de l'espace d'Yves Dermèze. On sent aussi le poids d'Hypérion, de Dan Simmons. Sans doute aussi la série Andromeda a-t-elle été une source d'inspiration. Pour autant, il ne s'agit pas d'un patchwork boiteux, mais bien d'un bon roman, bien construit, bien écrit, et pour le coup passionnant. 
Je me permettrais cependant de relever deux petits défauts. L'auteur n'est visiblement pas scientifique, aussi emploie-t-il parfois des expressions et des concepts mal à propos. Non, quand on vit sur une planète jovienne, on acquiert pas un physique plutôt courtaud comme celui de Czar Santo: on devient une crêpe, tout bonnement. Et non, il est peu recommandé de passer à plusieurs dizaines d'UA d'une nova. À quelques années lumières, pourquoi pas, mais à quelques UA, on grille. 
Ce reproche est à rapprocher d'un second: Olivier Bérenval jargonne terriblement. Je sais bien que c'est le propre de la SF que d'inventer son vocabulaire spécifique. Mais encore faut-il que cela soit utile. Ainsi les "câbles titanotressés" sont tout bêtement des câbles en titane, puisque les câbles sont toujours tressés.
Mais peu importe ces détails, qui peuvent agacer sur le coup, ils n'empêchent pas la lecture. Il règne sur Nemrod un souffle épique et poétique indéniable, qui fait de ce livre un très bon roman.

20/09/2019

William Camus et Jacky Soulier - Le Péril vient de la terre

Camus.jpgDans un futur qui pourrait être proche, le monde est toujours divisés en deux blocs politiquement opposés. Grâce au nucléaire, il n'y a plus de crise énergétique, mais en raison de l'emploi de sur-générateurs, on observe une augmentation considérable de la production de déchets non-recyclables. Une solution a donc été trouvée: on les enferme dans de gros cylindres de bétons que d'immenses barges vont déverser au-dessus des fosses océaniques, dans des mers déjà si polluées qu'on n'ose plus y pêcher le moindre poisson. Basile est le capitaine d'une de ces barges, mais son métier le dérange de plus en plus, d'autant plus que pour manipuler les cylindres, on utilise des servants, des créatures humanoïdes d'une docilité remarquable.

Au fond de la mer, Argo est un jeune Tlante qui va bientôt se marier. Mais voilà qu'on découvre non loin de sa cité des quantités phénoménales de cylindres visiblement manufacturés. Après une phase d'étonnement, on se décide à employer ces cylindres comme matériau de construction...

William Camus est un auteur qui a publié dans les années 1970 et 1980, seul ou avec d'autres auteurs tels que Jacky Soulier, une dizaine de romans pour la jeunesse dans lesquels le message écologique était déjà très fort. J'avoue d'ailleurs avoir été profondément marqué, lors de mon arrivée au collège, par la lecture de son Robots. Historique de la robotique mobile du XXIème au XXVème siècle. Mais je ne connaissais pas ce petit roman, Le Péril vient de la terre (1981, Bordas), qui est en fait le premier tome d'un diptyque. Et ma foi, c'est fort sympathique. Le récit est bien construit, et s'il ne contient aucune réelle surprise, il amène les choses de façon intelligente. Trente huit ans après sa première parution, il est hélas toujours d'actualité. Il me reste donc à me procurer le deuxième tome.

04/08/2019

Jean Hegland – Dans la Forêt

Hegland.jpgElles sont deux soeurs, Eva et Nell, encore adolescentes et vivant dans une forêt de Californie, avec leurs parents. Lui est professeur dans une école, elle est une ancienne ballerine qui pratique maintenant l'art de la tapisserie. Mais le système économique américain s'effondre petit à petit. Régulièrement l'électricité est coupée, avant de disparaître complètement. Puis vient le tour du téléphone. Et quand finalement il n'y a plus d'essence, la petite famille se retrouve coincée à cinquante kilomètres de la ville la plus proche. 

Puis la mère meurt d'un cancer. Vient ensuite le tour du père, victime d'un accident de tronçonneuse. Et voilà les deux jeunes femmes isolées dans une maison en bois devenue trop grande pour elles. Deux soeurs qui durant les premiers mois vont vivre sur les réserves constituées par leur père, ne faisant qu'espérer le retour de l'électricité. Un retour qui ne viendra jamais.

Joliment écrit, Dans la Forêt de Jean Hegland est un roman apocalyptique atypique. Il est peut-être aussi l'un des plus réalistes que je connaisse. Foin ici de zombies, de radiations, de gangs ultraviolents en moto. Ici, on est dans l'intime, la forêt constituant une barrière quasi-impénétrable grâce à laquelle Eva et Nell finissent par ne plus recevoir le moindre écho du monde. 

Le portrait dressé de ces adolescentes est lui aussi réaliste. On ne trouvera pas ici de ces sempiternels adolescents rebelles qui sauvent le monde. Non. Eva et Nell sont des modèles de ces adolescentes typiques qui ne vivent que pour elles-mêmes, promettant sans cesse de l'aide à leurs parents sans jamais finalement se bouger. L'une passe son temps à danser, même s'il n'y a plus de musique, et l'autre à rester collée à son encyclopédie, ne désespérant pas d'intégrer un jour Harvard. Rien d'autre n'a d'importance. Et tant pis si le toit fuit, tant pis si le potager devient un bordel sans nom. Plus d'une fois, je me suis pris à me demander: "mais quand donc vont-elles enfin se sortir les mains des poches, ces deux idiotes?" Mais qu'aurais-je fait, moi, dans cette situation? N'aurais-je pas pensé non plus sans cesse "Ils vont remettre le courant", avant de continuer à écrire sottement des articles de mythologie comparée? Bref, ce qui est agaçant au départ, car assez peu romanesque, est en fait une réalité.

Ce qui l'est moins, ce sont certains artifices utilisés par l'auteur pour faire progresser son récit. Tout d'abord l'apparition temporaire d'Eli, le chéri fantasmé de Nell, puis le viol d'Eva par un inconnu. Tout cela tombe un peu comme un cheveu sur la soupe, et aide l'auteur à bâtir une sorte de rejet des hommes quels qu'ils soient, et à pousser ses personnages à un retour à la terre aussi stupide que vain. 

Mais au-delà de ces défauts de structure et de fond, il reste de belles qualités d'écriture, qui font de ce premier roman quelque chose d'intéressant.