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23/11/2019

Richard Morgan - Carbone modifié

Morgan1.jpgJe souffre d'un retard monstrueux, concernant la science-fiction contemporaine, avec tout ce que j'ai déjà à lire de livres stockés depuis plus de vingt ans parfois, en attendant d'être lus. 

Alors de temps en temps, j'essaie tout de même de combler mes lacunes, et cette fois-ci, c'est tombé sur Carbone modifié de Richard Morgan (Bragelonne, 2003). 

Takeshi Kovacs est un ancien des Corps diplomatiques, le bras armé du Protectorat des Nations Unis, une troupe d'élite capable d'effectuer sans remords toutes les basses œuvres. Mais une fois libéré du service, Kovacs n'a rien trouvé de mieux que de tremper dans diverses affaires sulfureuse, la dernière se terminant par sa mort et celle de Sarah, sa compagne et associée. 

Une mort temporaire, toutefois. Car dans l'univers futuriste de Carbone modifié, tout le monde est porteur d'une pile corticale, qui enregistre votre esprit. Et si vous venez à mourir, on peut très bien vous réintrégrer dans un nouveau corps, ou dans l'ancien qu'on aura réparé. On peut aussi vous mettre en sommeil et vous stocker dans une banque de données, ou vous intégrer dans un univers virtuel et vous y torturer indéfiniment. 

Ainsi, dans cette société où tout le monde est potentiellement immortel – à l'exception des catholiques qui refusent de considérer que cette enregistrement est réellement une âme, il n'y a plus de prison, mais les criminels sont enregistrés, leur corps vendus. On les stocke pour une centaine d'années, et lorsqu'ils reviennent à la vie, ils n'ont plus rien. 

Kovacs, cependant, n'est pas réintégré après son siècle de peine. Il l'est très vite, et non plus sur sa propre planète, Harlan, mais sur la vieille Terre. Un riche homme d'affaires, vieux de plus de trois siècles, requiert ses services pour une enquête officieuse sur sa propre mort. L'homme se serait suicidé, avant d'être réincarné. Mais lui ne croit pas en ce suicide. 

Diable. Sacré morceau que Carbone modifié. Bâti comme une sorte de croisement entre Cablé de Walter Jon Williams et Le Faiseur de veuves de Mike Resnick, il s'agit sans doute d'un roman bien trop long (comme toute la production moderne ou presque), mais vraiment bon. L'univers développé au fil des pages est vraiment fouillé et intéressant – il n'y manque qu'une dimension politique, totalement absente ou presque. Le personnage de Kovacs est moins primitif qu'il n'y paraît au premier abord, même si l'on reste avec un archétype du privé solitaire et aux méthodes musclées. On pourrait critiquer aussi les personnages féminins, qui se ressemblent tous, finalement. 

Mais les réflexions portées par ce roman, sur ces "mathusalems", ces personnes richissimes, sans cesse réincarnées, sont passionnantes. Elles aident à faire Carbone modifié autre chose qu'un énième roman cyberpunk.

09/11/2019

Cyril Kornbluth et Judith Merril – Le Fusilier Cade

Kornbluth.jpgCade est un Homme d'Arme, un vrai, un dur, un bas du front. Stationné en France, auprès de l'Étoile locale, il sert avec fidélité l'Empereur du Monde, et pour cela il défend vaillamment son Étoile contre les incursions des autres. Depuis l'âge de six ans, il ne connaît qu'une vie monastique, durant laquelle on lui a enseigné que seul l'Empereur est bon, qu'il lui faut fuir les femmes, que les civils sont vils et mous. Son rythme quotidien, entre deux phases de combats, n'est qu'ascèse et méditation sur la philosophie de Klin, une philosophie millénaire, apparue aux origines du monde, il y a dix mille ans, avec le premier Empereur.

Mais voilà que lors d'un combat pour reprendre un village tombé aux mains de l'Étoile de Moscou, il est drogué par une civile, et porté disparu. Pire, lorsqu'il parvient à échapper à ses ravisseurs, il se rend compte qu'il a été donné pour mort, et lorsqu'il tente de se faire reconnaître, on le considère comme un usurpateur d'identité. Il devient alors un paria. 

Qu'à cela ne tienne: buté et conscient que l'ordre doit être rétabli, surtout que visiblement un complot menace l'empereur, il ne va cesser de vouloir contacter ses supérieurs, puis les supérieurs de ceux-ci, jusqu'à réclamer une audience à l'Empereur lui-même, chaque étape lui permettant de se rendre compte du degré de corruption de l'Empire du Monde, et du caractère totalement vain de sa vie.

Bien que publié initialement en 1952 (et en France, au Masque, en 1979), Le Fusilier Cade de Cyril Kornbluth et Judith Merril a franchement bien vieilli, au point qu'on retrouve un de ses principes, à peine modernisé, celui de la guerre factice, dans le film Sky Crawlers de Mamoru Oshii. Kornbluth et Merril décrivent à la perfection, dans un récit linéaire, le parcours mental d'un homme totalement endoctriné depuis la plus tendre enfance, serviteur fidèle jusqu'à l'absurde d'un système politique dystopique d'une stabilité remarquable, mais si stable qu'il ne peut être que dégénérescent. Seul un incident, un imprévu, pourrait le faire basculer. Sans doute que Le Fusilier Cade est un roman mineur, mais il est tout de même d'excellente facture, intelligent dans son propos (même si l'on pourrait critiquer l'ultime solution proposée pour clore le récit), et donc d'une lecture encore tout à fait recommandable de nos jours.

02/11/2019

Richard-Bessière – Les 7 anneaux de Rhéa

Bessière.jpgJe n'avais jamais lu jusqu'ici de romans de Richard-Bessière, auteur officiellement bicéphale, qui fut longtemps un des piliers du Fleuve Noir Anticipation. Curieux de savoir ce que pouvait bien valoir l'œuvre de cet écrivain prolifique. Alors j'ai jeté mon dévolu sur Les 7 anneaux de Rhéa (1962), présenté par le préfacier anonyme de la réédition chez J'ai lu comme son chef-d'œuvre. 

Il y a trois cents ans, le surface de la Terre a été victime d'un cataclysme qui a obligé l'humanité tout entière à émigrer sur Vénus. Ce choc a entraîné pour un temps une régression de la civilisation. Mais maintenant, une fusée va être envoyée sur Rhéa, le nouveau nom de la Terre, afin de découvrir ce que l'ancien monde est devenu. Un pilote et tout une équipe de scientifiques montent à bord et découvrent quelque temps plus tard que la Terre est devenue plus petite que par le passé, et que sa surface, loin d'être ravagée, est recouverte d'une végétation luxuriante. Mais un incident provoqué par d'étranges créatures éthérées.

Que dire... D'abord que le roman est très court (160 pages dans cette édition), ce qui est déjà une qualité. Parce qu'autrement, on se trouve face une science-fiction qui relève plus du merveilleux scientifique d'avant-guerre que de la SF moderne, du moins dans la construction du récit, dans la psychologie (ou plutôt l'absence de psychologie) des personnages, et surtout dans l'imagination totalement débridée dont fait preuve l'auteur, qui brasse une quantité de thèmes différents de façon absolument ahurissante. Tout y passe: pouvoirs psychiques, savant qui veut créer des surhommes, terre creuse, civilisations mystérieuses, invasion de créatures divines venues de l'espace, etc.

Ceci-dit, cette accumulation d'idées et de rebondissement ne suffit pas à faire un bon roman. Le style reste très plat, et, je l'ai dit, la psychologie des personnages est particulièrement sommaire. Mais cela reste intéressant à lire, pour l'histoire du genre.