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23/07/2019

Henri-Luc Planchat – Derrière le néant

Planchat.jpgJ'ai dans ma bibliothèque un stock assez important d'anthologies anciennes, et il faut bien avouer que je suis loin d'avoir tout lu. De temps en temps, je tente un rattrapage et ma pioche de ces derniers jours m'a fait découvrir Derrière le néant, dirigée par Henri-Luc Planchat (1973, Marabout). 

Sous une très belle couverture (comme d'ordinaire concernant Marabout à cette époque), on découvre ainsi une sorte de best-of du fanzine L'Aube enclavée, et à ce titre la préface pourrait sembler prétentieuse, tant Henri-Luc Planchat semble fier de ce qu'il a fait. Cependant, la lecture du volume lui donne clairement raison. Il faut qu'il est allée puiser aux bonnes sources: la revue New Worlds, de Michaël Moorcock, ou encore l'anthologie Dangerous Visions d'Harlan Ellison, qui n'était alors pas encore traduite.

Bien sûr, certains textes ont vieilli. "Autodafé" de Roger Zelazny est même carrément mauvaise. Mais on trouve aussi une belle poignée de bijoux, voire de chef d'œuvre. Les deux nouvelles de Cordwainer Smith, bien sûr, extraites de ses Seigneurs de l'Instrumentalité. Celle de Ballard, extraite de Vermillion Sands. Celle de Gordon Eklund est particulièrement touchante, de même que celle de Joe L. Hensley. 

Tous ces textes reflètent une SF alors en pleine mutation et dont on commençait alors à prendre connaissance en France. Une SF qui a mes yeux est restée la meilleure, et qu'on peine de nos jours à dépasser.

Vill Lipatov – Fedor Aniskine, détective de Sibérie

Lipatov.jpgDans ma quête du polar soviétique, j'ai cru tomber sur quelque chose de plus ancien que les romans des Weiner, avec Fedor Aniskine, détective de Sibérie, de Vill Lipatov. Mais il ne s'agit pas ici de polar, et la couverture rigolote offerte par les Éditions du Progrès à ce volume aurait dû me mettre la puce à l'oreille.

Fedor Aniskine, certes, fait partie de la Milice. Mais il est garde-champêtre, dans un petit village de Sibérie, dont il est de fait le seul gardien de la paix. Il a soixante ans, il a combattu durant la Guerre Civile, puis durant le Seconde Guerre mondiale. C'est un parfait communiste, un ancien héros. Mais il est aussi un géant, et gros, très gros. Sa journée de travail, entrecoupée de repas et de siestes, le pousse à arpenter le village et à se tenir prêt à résoudre tous les problèmes. Et des problèmes, il y en a: on a volé l'accordéon du président du Club, on a volé des matériaux à la forge, on a tué un élan dans la taïga. Et Fedor Aniskine, toujours, découvre le coupable. Car, étant un peu la mémoire de l'endroit, il connaît tout le monde jusqu'au fond de son âme. Il ne lui faut guère de temps pour résoudre les énigmes qui se posent à lui.

Cependant, Fedor Aniskine est plus qu'un détective. C'est un personnage, un bonhomme. Un genre de Don Camillo rouge, qui veille sur ses ouailles comme s'il s'agissait de ses enfants. Et il le fait à sa manière, sans forcément respecter les directives qui viennent de la ville. Pour cela, il est respecté de tout le monde, "papa" Aniskine. 

Ainsi découvre-t-on, au fil des nouvelles qui composent ce volume, un personnage attachant, haut en couleur, qui nous mène du rire aux larmes, et décrit par Lipatov avec beaucoup de tendresse, de finesse. Si Aniskine a de prime abord l'air d'un rustre, il n'en est rien, et le dernier récit, qui occupe à lui seul un tiers du volume, porté qu'il est par une véritable enquête policière, finit par achever son portrait: celui d'un homme simple, en effet, qui a vécu quarante ans au même endroit, servant avec fidélité ses concitoyens et l'État, mais qui finit par se rendre compte, avec désarrois, à l'aube de la retraite, que son petit monde (y compris sa famille) va bientôt changer.
Fedor Aniskine, détective de Sibérie, s'avère ainsi un petit bijou, une véritable découverte pour moi, et la preuve que l'on peut produire une oeuvre à la fois marquée par l'idéologie dominante et brillante malgré tout. 

18:37 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0)

Arkadi et Gueorgui Weiner - Les Rendez-vous du Minotaure

Weiner-Rendez.jpgJe ne suis pas un lecteur de littérature dite «blanche», et je lis fort peu de romans policiers: ceux-ci me rappellent trop souvent le réel, un réel qui ne m’intéresse pas en littérature. Cependant, ayant appris qu’il existait des romans policiers soviétiques, j’ai voulu y jeter. J’en ai donc acheté quelques uns, et j’ai jeté mon dévolu, pour une première lecture, sur Les Rendez-vous du Minotaure (Визит к Минотавру, 1972), des frères Arkadi et Gueorgui Weiner.

Ceux-ci sont connus en France avec leur nom orthographié «Vaïner», et notamment pour leur roman L’Évangile du bourreau. Peu de gens cependant savent que d’autres textes ont été traduits, sous le nom de Weiner, aux éditions Radouga, des éditions soviétiques en langues étrangères, qui furent actives durant les années 1980 et le début des années 1990.

La base de l’intrigue des Rendez-vous du Minotaure est fort simple: un cambriolage a eu lieu chez un célèbre virtuose du violon, et l’on a dérobé chez lui un Stradivarius. Aussitôt, la Criminelle est sur le pied de guerre, car le violon, qui est déjà en soit un trésor, est aussi et surtout la propriété de l’État. Un inspecteur et son adjointe doivent donc mener l’enquête.

C’est déjà ici une première surprise: l’enjeu est un simple vol. Pas de meurtre, pas de complot terroriste, non, le vol d’un violon. Mais très vite l’inspecteur va se sentir mal à l’aise dans cette affaire. Car au fil des interrogatoires, il va se retrouver confronté à une série de personnes qui semblent être autant d’incarnation du mal. Des personnes rusées, mais mauvaises. Et lui-même va devoir affronter son monstre intérieur, son Minotaure, pour ne pas se retrouver perdu au coeur du labyrinthe que forme cette énigme. On comprend vite que ce qui fait tout l’intérêt de ce roman n’est pas vraiment l’énigme, même si sa résolution est bien tordue, mais plus la galerie de portraits de tout ce que la société soviétique de pire sous un regard idéologique. Car bien évidemment, l’inspecteur, lui, est un parfait soviétique, vivant en appartement communautaire, dévoué à la tâche. Parfait, mais hésitant.

On notera aussi que pour rythmer leur roman, les Weiner ont eu la bonne idée de faire débuter chaque chapitre par des fragments d’une vie romancée d’Antonio Stradivari, fragments qui non seulement son remarquable, mais aussi font écho à leur intrigue.

Bref, un très bon roman.

18:22 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0)