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11/10/2020

Robert Merle - Malevil

Malevil.jpgNous sommes dans un petit village du sud de la France. Un village comme il en existait beaucoup dans les années 1970, avec son maire, son curé garant de la tradition, sa poignée de communistes prêts à comploter contre le maire, ses gros paysans, bref, tout une communauté solide où tout le monde se connaît et s'apprécie plus ou moins.

Parmi eux, l'instituteur, Emmanuel, ou plutôt l'ex-instituteur, car celui-ci a préféré démissionner pour faire prospérer le domaine de son oncle et son élevage de chevaux, dont il a hérité. Devenu riche, il a racheté un château médiéval, Malevil, dans lequel il a passé une bonne part de son enfance. A force de travaux patients, il a rendu celui-ci habitable. Et c'est alors qu'il est avec ses proches et une poignée d'amis dans la cave, à tirer le vin pour le mettre en bouteille, qu'arrive l'impensable: la bombe, l'apocalypse nucléaire. Lorsqu'ils ressortent, choqués, de la cave, ils découvrent que tout a brûlé. Par miracle, quelques animaux ont survécu, et les réserves de grains ont été préservées. Mais c'est tout. La nature est dévastée, il n'y a plus personne de vivant dans les environs. Du moins le croient-ils...

Malevil, de Robert Merle, publié en 1972, est un grand roman. Présenté comme étant le journal d'Emmanuel, mais agrémenté des commentaires de son plus proche ami, Thomas, il nous présente la vie et l'évolution d'une petite communauté rurale qui croit initialement être tout ce qui reste de l'humanité, mais qui s'organise et veut aller de l'avant, arcbouté sur le bon sens paysan qui lui permet de survivre à l'aide de moyens simples mais efficaces. Emmanuel installe tout ce petit monde dans son château, qu'il partage, refusant pour lui-même le rôle de châtelain, préférant mettre en place une sorte de communisme primitif qui veut qu'on partage tout, y compris les rares femmes, sous réserve que ce soit basé sur le volontariat. Et malgré quelques grincements de dents, quelques rancoeurs, présentées essentiellement dans les notes de Thomas qui offrent un contrepied bienvenu au point de vue d'Emmanuel, cela fonctionne. Et quand la menace d'une tyrannie venue de l'extérieur sous la forme d'une bande de pillards survient, la petit communauté apprend à faire face et à s'en sortir sans perdre son idéal.

Aussi, malgré le fait que que Malevil soit un roman post-apocalyptique, il est aussi un roman qui s'avère optimiste. Peut-être même un peu trop: les habitants du château ont tout de même beaucoup chance. La chance qu'Emmanuel possède un compteur geiger. La chance que le château soit remarquablement situé, protégé par une falaise. La chance qu'on y trouve une accumulation formidable d'outils et de victuailles. Toutefois, malgré ces petits détails qui font un peu tiquer, Robert Merle compense par une exploration psychologique sans faille de ses personnages, qui n'ont rien de surhommes, qui ne sont que des gens comme vous et moi, et qui pourtant parviennent à s'entendre malgré leurs différences, et qui survivent.

Malevil est un classique, qu'il faut lire.

Adrian Tchaikovsky - Dans la toile du temps

Tchaikovsky.jpgDans un lointain futur, la Terre est entrée dans sa phase de crise ultime: une nouvelle guerre est imminente. Mais à des années lumières de là, une équipe d'exploration a terraformé une planète. La dernière étape doit commencer: le largage sur ce monde de quelques dizaines de milliers de singes, et d'un virus censé les faire évoluer vers une espère intelligente qui aménagera ce monde le temps que les arches de l'humanité arrivent.

Las: le conflit éclate, la cargaison de singes s'écrase, et le virus échappe au contrôle. Quand à la scientifique en chef de l'expédition, elle se retrouve coincée dans un satellite qui peut la maintenir en vie durant des millénaires.

Et à défaut de singes, le virus va faire évoluer d'autres créatures: des invertébrés, et notamment des araignées.

Lauréat du prix Arthur C. Clarke en 2016, Dans la toile du temps d'Adrian Tchaikovsky a été présenté comme un roman ambitieux. Pourtant, il m'a clairement déçu. Certes, ce n'est pas un mauvais roman. Mais cependant il démarre très mal, avec un postulat à peine tenable. De tous temps, lorsque l'humanité est en crise, la vie d'être humain vaut moins cher que celle d'un singe. Alors embarquer des singes vers un autre monde, développer un virus supposé les rendre intelligents pour qu'ils travaillent ensuite gentiment à l'aménagement de ce monde, c'est un peu léger. C'est malheureux à dire, mais je ne doute pas un instant que quelque soit l'époque, il soit très facile de trouver quelques milliers de colons prêts à vivre dans des conditions même extrêmes.

Mais il fallait à l'auteur une bonne excuse pour installer son virus. Lequel virus est lui-même un ratage complet. Je ne suis sans doute pas un très grand expert en biologie, mais je ne connais pas de virus qui franchisse aussi facilement la barrière des espèces... surtout quand il s'agit de sauter du singe aux araignées. Tchaikovsky aurait eu mieux fait de penser à des araignées ET: ça aurait été plus crédible. Mais, cependant, contentons-nous le lever un sourcil et de continuer: après tout, le roman se lit tout seul.

Au final, toutefois, on a l'impression de lire un hybride entre Les Fourmis de Werber et Destination ténèbres de Franck M. Robinson. Autrement: rien de neuf sous le soleil. Dans la toile du temps se révèle être d'une lecture agréable, mais sans plus.

14/06/2020

Brian Stableford - Rhapsodie noire

Grainger2.jpgIl y a bientôt deux ans déjà, j'entamais la lecture de la série Grainger de Brian Stableford, en concluant que ma foi le premier volume était fort bon. Il était plus que temps que je m'intéresse au second, Rhapsodie noire, même si je ne cache pas qu'une fois encore, l'affreuse couverture de Romain Slocombe (qui d'ailleurs n'a rien à voir avec le contenu), a été un obstacle.

Grainger et le vent qui hante son esprit, sont maintenant au service de la Nouvelle Alexandrie, pilotant un formidable vaisseau. Son patron, Charlot, demande à l'équipage de se rendre sur un monde, Rhapsodie, où l'on aurait découvert quelque chose qui vaudrait une fortune? Quoi donc? On ne le saura que très tard. Grainger n'a de toute façon pas son mot à dire: il doit encore deux ans de travail à la Nouvelle Alexandrie. Le voici donc sur Rhapsodie, un monde où les colons, des fanatiques religieux, vivent dans une pauvreté extrême sous la surface du globe, dans des tunnels à peine éclairés. Leur seul but est de se couper du reste de l'univers. Ils ne commercent avec l'extérieur que parce que leur planète n'est pas autosuffisante. Autrement, tout étranger est invisible. Réellement: toute personne qui n'a pas leur foi n'est jamais considérée, les gens font comme si elle n'existait pas.

Mais cette découverte, faite par des mineurs, peut changer la donne. Quand une source de richesse surgit sur un monde où tout le monde officiellement a fait vœu de pauvreté, cela ne peut déboucher que sur un conflit.

Rhapsodie noire abandonne pour un temps le space opera pour le planet opera, et la découverte d'une société sombre, physiquement comme idéologiquement. Dans ce cadre, Grainger se révèle être un personnage toujours plus attachant, qui s'efforce d'être juste, même s'il se croit seul et désintéressé. Sans être un chef d'œuvre, cela reste un très bon petit roman. 
Du coup, lisez-le dans l'intégrale publiée chez Critic. Parce que cette couverture, tout de même...