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24/12/2014

Nonzee Nimibutr - Pirates de Langkasuka

Queens.jpgTiens, c'est la vacances, j'ai envie de réveiller ce blog, avec un film de fantasy venu de Thaïlande. Difficile de faire plus improbable, et pourtant... Même si on s'attendrait à un navet asiatique plein de kung fu, il faut bien avouer que ce Pirates de Langkasuka (en fait Les Reines de Langkasuka) est une réussite dans son genre. Quel genre? Je n'en sais rien. Film de pirate, de kung fu, d'action basique, de fantasy, d'aventures, tout cela à la fois. 

Nous sommes au XVIe siècle. Le sud de la Thaïlande et la Malaisie forment une zone à la croisée des civilisations. Si le secteur est encore hindouiste, l'Islam frappe à la porte, les commerçants chinois sont fréquents, et les aventuriers hollandais tâchent de développer les activités de la Compagnie des Indes. Langkasuka est un petit royaume maritime, dirigé par une reine, et perpétuellement l'objet d'attaques de pirates dû à un certain Rawai, secondé par un sorcier nommé le Corbeau Noir. Ce sorcier est adepte d'une magie qui permet de contrôler les forces de la mer. 

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La reine de Langkasuka obtient d'un Hollandais deux puissants canons qui doivent rendre sa citadelle imprenable, mais le navire de celui-ci est coulé, et seul survit l'assistant chinois du Hollandais, véritable Léonard de Vinci asiatique. Celui-ci s'installe dans un petit village côtier, et s'y amuse durant des années à travailler à diverses inventions, telles qu'une sorte de deltaplane ou des palmes de plongée.

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Mais voilà que l'activité des pirates reprend. Aussi le Chinois emmène-t-il son neveu auprès d'un ermite, maître de la magie de la mer, pour que celui-ci en fasse son disciple.

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Quelques années plus tard, la situation n'a que guère changé. Le Chinois et son neveu participe à une sorte de guérilla contre les pirates, mais le village finit massacré par ceux-ci. L'heure de la vengeance a sonné.

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Vous l'aurez compris, ce film n'est pas un fleuron de psychologie. Mais son intérêt se place ailleurs. C'est un film de pure détente, qui, durant deux heures, produit efficacement son lot d'aventures et de dépaysement. Le cadre et l'époque, déjà, sont pour nous, Occidentaux blasés, originaux. Mais surtout, ce film se place dans la lignée des anciens péplums hollywoodiens ou italiens des années 50/60. L'image est superbe, très colorée – quand les homologues américains actuels de ce genre de films sont grisâtres. On en prend plein la vue.
Alors oui, c'est plein de défaut. C'est une évidence: ce film n'a pas le budget d'une production hollywoodienne, et cela se ressent parfois dans les effets numériques. Le propos est souvent naïf, et un brin manichéen, même si un personnage, le maître magicien, se révèle très intéressant.

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Mais peu importe: comme je l'ai dit, c'est là le strict équivalent des anciens péplums. Vous avez aimé le Colosse de Rhode de Sergio Leone ou même, soyons fou, Jason et les Argonautes de Don Chaffey, vous avez de bonnes chances d'aimer ce Pirates de Langkasuka.

09/01/2014

Robert C. Wilson - La Cabane de l'aiguilleur

Mysterium.jpgParmi les choses notables ayant subi ma frénésie de lectures de vacances, il y eut le gros omnibus Mysterium, de Robert Charles Wilson, paru chez Denoël "Lunes d'Encre". Mais comme je ne me sens pas de taille à tout critiquer d'un coup, autant y aller roman par roman, en finissant par les nouvelles. Et donc, d'abord, La Cabane de l'aiguilleur, premier roman de l'auteur, datant de 1986. Nous sommes pendant la grande dépression, qui frappa les USA durant les années 1930. Travis Fisher est le fils d'une prostituée. Sa mère étant décédée, il est contraint de se réfugier chez sa tante et son mari, une baptiste rigoriste. Le mari, lui, dirige une fabrique de glace qui bat de l'aile, tout en entretenant chez lui une étrange maîtresse, une jeune femme à la beauté sans pareille, mais sur laquelle il est difficile d'apprendre quoi que ce soit. Isolé dans un milieu réactionnaire qui l'étouffe, Travis a pour unique soutien Nancy Wilcox, une jeune femme libre penseuse, qui croît en l'amour libre.

A des kilomètres de là, L'Os est un clochard parmi tant d'autres. Son aspect étrange, noueux, aux muscles placés là où nul humain n'en aurait, n'a qu'un seul but: rejoindre la source d'un appel, auquel il ne peut se soustraire, une source qui n'est autre qu'Anna, la mystérieuse hôte de l'oncle de Travis.

Il paraît donc que c'est un premier roman. On ne le croirait pas, tant, d'un point de vue structurel, ce récit ne souffre guère de défauts. On sent que Wilson s'est d'abord fait la main sur des nouvelles, et de fait, cette Cabane de l'aiguilleur en a souvent la saveur: on a plus l'impression d'une longue novella que de ces romans fleuves à multiples fils narrateurs que l'on produit actuellement. Et c'est tant mieux! Sobre, La Cabane... en est diablement efficace pour décrire les effets de la crise de 1929 que la vie au sein d'une petite ville baptiste, où la religion tient lieu de seul et unique mode de vie convenable. Un mode de vie qui ne propose que deux voies aux gens: s'y plier, ou s'enfuir. Ce fond culturel, finalement, est bien plus intéressant que l'énigme que nous propose Wilson, même si ici il esquisse des thèmes qui reviendront régulièrement dans son oeuvre, comme la communication avec d'autres univers, totalement étrangers. L'auteur nous offre un portrait saisissant d'une société qu'il aime visiblement explorer: l'Amérique profonde (et pas seulement les USA), dont il reparlera dans Mysterium et dans Julian, une Amérique religieuse, façonnée en profondeur par des interprétations rigoristes de l'Ancien Testament.

La Cabane de l'aiguilleur est pour le coup un excellent roman, immersif et passionnant.

08/01/2014

Christopher Priest - La Fontaine pétrifiante

Priest.jpgIl est plus que temps que je rattrape mon retard en chroniques de lectures: et c'est peu dire que j'ai beaucoup durant les dernières vacances. Une boulimie salutaire. Si La Fontaine pétrifiante de Christopher Priest (lu ici dans son édition Folio SF) n'est pas la première de ces lectures, elle n'en est pas moins une des plus intéressantes, et des plus décevantes.

Peter Sinclair est un Londonien victime de la crise, crise durant laquelle il perd tout: son emploi, sa petite amie, et même son père, qui décède tout en lui léguant cependant un petit pécule. Se faisant un brin associable, il se fait cependant prêter un cottage, à charge pour lui de le restaurer et de l'entretenir. Mais voilà qu'il se pique d'écriture, et se lance dans la rédaction d'une pseudo-autobiographie prenant place à Jethra, en Faiandland.

Peter Sinclair est un habitant de Faiandland, mais il est surtout l'un des heureux gagnants de la Loterie Collago, dont le prix est un traitement rendant immortel, au prix d'une perte totale de la mémoire. Par chance, il a rédigé auparavant son auto-biographie, un récit qui cependant le fait vivre... à Londres.

Bien que régulièrement publié au sein de collection de SF, La Fontaine pétrifiante n'est pas un roman de SF. Et s'il n'y avait pas le recueil contemporain de L'Archipel du rêve, rien ne permettrait vraiment de le rattacher au genre. Car ce que décrit Priest avec un immense talent semble ici plus un cas de schizophrénie particulièrement sévère. Mais peu importe, car au passage Priest livre justement bien des choses sur la perception - faussée ou non - que l'on peut avoir du monde, sur le rapport de l'écriture au réel (un texte narratif est-il le reflet fidèle de la réalité), et sur la mémoire. Mais curieusement pas la mort, pourtant au centre du propos, sujet qui justifie pourtant le titre français: le traitement de la Loterie Collago obligeant à figer sa mémoire, comme la fontaine pétrifiante immortalise les objets qu'on y plonge tout en les figeant définitivement.

Priest est un stylise remarquable, sa plume est tout en finesse, il joue aussi facilement sur le premier que sur le second degré, bref, ce roman est particulièrement riche. Et pourtant au final il ne m'a pas plu. Car à mes yeux Peter Sinclair est un personnage particulièrement ingrat: un indécis, nombriliste, obnubilé par sa petite personne pourtant de peu d'importance. Autrement dit, je n'ai jamais rien eu à faire des états d'âme de ce personnage. Je suis resté aussi étanche à ses pensées que que je le suis à celle de nombre d'écrivains français pratiquant l'auto-fiction.

Cela-dit, ça ne m'empêchera pas de continuer à lire Priest, assurément. C'est un grand écrivain.