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12/08/2012

Clark Ashton Smith - Zothique

Zothique.jpgVoilà une relecture qui me faisait un peu peur. Clark Ashton Smith est un auteur que j'avais déjà abordé, encore adolescent, à la suite de Lovecraft, à un moment où ledit Lovecraft commençait à m'ennuyer ferme (il faut dire qu'avaler les trois tomes de chez Bouquins à la suite, ça n'était pas une bonne idée car un descendant un tel fleuve on se rend vite compte des facilités d'écriture du "maître"). Mais voilà, qui dit Lovecraft dit Smith, et Smith, ça m'avait bien plu.

Et ça me plaît toujours.

Ce petit recueil coordonné par Jean-Baptiste Baronian, a le mérite d'être très cohérent, à la différence des recueils publiés plus tard par NéO, en ce sens qu'il ne contient que des textes concernant le continent fictif de Zothique. 12 textes. De l'aveux même de Baronian, il en manque trois, plus deux "évocations poétiques". J'imagine que si ces derniers n'ont pas été intégrés, c'est juste pour respecter le format standard des éditions du Masque, dont le volume est réellement calibré. Dommage. Mais que cela n'empêche pas de goûter à ce qui reste.

Au premier abord, on serait tenté de ne voir dans ces contes qu'un décalque des Mille et Une nuits. Des déserts, des caravanes, des palais, des momies, des goules, tout est là. Mais dans cet univers orientale chatoyant, Smith infuse une dose non pas vraiment d'horreur - même parfois on en est très proche - mais de ce truc intraduisible qu'on a à l'époque appelé weird. De l'étrange, mais de l'étrange noir, voire macabre. Rares sont les textes à avoir une fin heureuse. Tous sont court, mais grâce au talent évocateur de l'auteur, tous permettent malgré tout une immersion profonde dans cet univers étrange où le surnaturel est naturel et attendu. Et dans tout cet ensemble, il faut réserver une mention spéciale à "L'Idole noire", au "Jardin d'Adompha", au "Dernier hiéroglyhe" et au "Dieu carnivore", autant de textes qui préfigurent avec brio la fantasy - je dis bien fantasy et non fantastique - moderne.

John Wyndham - La Machine fantôme

Wyndham.jpgCela faisait longtemps que je voulais me refrotter à un auteur classique de la SF, et quand ma main est tombée au hasard sur ce petit recueil de John Windham, paru en 1976, j'ai souri intérieurement, tout content de ma trouvaille. Hélas, le résultat n'est pas à la hauteur, car ce recueil de l'auteur d'un paquet de romans importants du genre s'avère disparate et ne mérite pas son titre original (The Best of John Wyndham). En effet, non seulement on n'a le droit qu'à une bien légère sélection (seulement sept textes), dont l'essentiel est composé d'oeuvre d'avant-guerre, lesquelles ont singulèrement mal vieilli. Ainsi, "La machine perdue" (une banale histoire de naufragé ET sur Terre, 1932), "Le Troc des mondes" (où quand nos très lointains descendants nous forceront à échanger notre monde contre le leur, 1931) et "La Perfection même" (une simple variation assumée de L'Île du docteur Moreau, 1937) s'avèrent affreusement écrite, dotée d'un humour balourd, et farcie, pour ce qui est du "Troc des mondes", de défauts logiques. Datant de cette époque, seul "Le Survivant", avec son postulat peu banal et son arrière plan social, peut être sauvé: sur Vénus, planète dotée de sa propre civilisation, il existe une vallée dont l'atmosphète a la propriété étrange de figer et conserver pour toujours tout être vivant qui y pénètre. C'est ainsi un musée en plein air de la préhistoire locale. Sauf qu'on y a trouvé un Terrien, unique en son genre.

Les histoires d'après-guerre sont tout de suite plus lisible. Sans doute l'auteur a-t-il fini par suivre le mouvement campbellien de la SF anglo-saxonne, qui a produit des oeuvres plus profondes, mieux bâties, bref, plus littéraires. "Adaptation" (1949) raconte le destin tragique d'une petite famille de pionniers sur Mars: le père travaille dur pour se faire une place, la mère est malade et ne parvient pas à s'adapter, la fille, un bébé, risque de mourir si elle reste sur Mars. On décide donc de l'envoyer sur Terre... mais le vaisseau disparaît en vol. Une nouvelle qui pourrait prêter à sourire, mais finalement poignante. "Les murs de Jéricho" (1951) reprend le postulat de "La Machine perdue", à la différence près qu'il s'agit-là d'une véritable expédition qui vient s'échouer lamentablement sur Terre. Si les ET sont dotés d'un intellect semblable au nôtre, ils ne parviennent cependant pas à nous comprendre du fait de différences physiques insurmontables... et surprennantes, pour dire vrai.

Reste le meilleur texte de l'ensemble: "Le Vide de l'espace" (1960). Assurément un petit chef-d'oeuvre. Dans un futur pas si éloigné que ça, la guerre nucléaire a éclaté en Europe et laissé de vastes zones inhabitables, les colonies spatiales ont pris leur indépendance, et de nouveaux états dominants apparaisent dans l'hémisphère sud. Un homme travaillant à la recolonisation des espaces contaminés est envoyé en vacances en Nouvelle-Calédonie, ultime coin de France vivant comme fossilisé culturellement. Là, il fait la rencontre d'un ancien spationaute qui prétend avoir perdu son âme et chercher quelqu'un qui l'aiderait à la retrouver. "Le Vide de l'espace" est un texte court, mais particulièrement riche, avec un arrière-plan solide et crédible et surtout une surprenante réflexion religieuse sur la mort. Le tout donnant un récit beau et touchant.

29/07/2012

Jean et Doris Le May - Les Trésors de Chrysoréade

Chrysoréade.jpgChrysoréade est un monde mort. Entré en collision avec une autre planète et depuis soumis à une pluie permanente d'astéroïde au niveau de son équateur, il n'est plus qu'une coquille vide, sans atmosphère, abandonnée de sa population depuis des décennies.

Mais Chrysoréade est aussi un monde-musée, car les Chryséens furent autrefois des artistes libres et universellement reconnus. Aussi vient-on en croisière visiter les monuments qu'ils ont laissés, parfois intacts, derrière eux. Et dans un des batiments on exibe à la curiosité des visiteurs quelques uns des joyaux créés par les plus fameux des artistes chryséens. Jusqu'à ce que deux d'entre eux soient volés au nez et à la barbe de la sécurité, et bien sûr d'Interco...

Les Trésors de Chrysoréade (1973), de Jean et Doris Le May, fait partie de leurs romans dont il est difficile de dire du mal, et dont on sait en même temps qu'ils ne sont pas parfaits. Comme cela leur arrive trop souvent, ils ont bâti leur structure narrative en deux parties, la première étant totalement différente de la seconde, tant par le ton que par le style, ce qui a pu me faire penser (notamment dans le cas de Vacances spatiales, mais le roman Il était une voile parmi les étoiles a le même défaut), que les deux parties péexistent puis qu'elles sont collées ensemble artificiellement.

Ici la première partie est remarquable. Les Le May procèdent efficacement en donnant d'abord un descriptif du cadre - Chrysoréade, puis le vaisseau de croisière - avant de passer à la description des personnages principaux, en une série de portrait hauts en couleurs, brillants et parfois drôles. Une mise en place vraiment intéressante - et qui n'est d'ailleurs pas sans faire penser à Valérian, la BD de Christin et Mézière, notamment à l'épisode Sur les Frontières dont on peut se demander si le style des Le May ne l'a pas un brin inspiré...

Cependant, suite au vol, on passe rapidement à une deuxième partie qui évacue l'essentiel des peronnages présentés auparavant, pour mettre en valeur des enquêteurs d'Interco pour une fois plutôt fades. Pire, cette partie est terriblement bavarde, sans éclats, malgré l'idée remarquable qui la soutend.

Malgré cela, on lit ce petit roman sans déplaisir, pour passer le temps, ce qui n'est déjà pas un mal. Mais ça n'est pas un grand Le May.