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03/12/2011

Jean et Doris Le May - L'Odyssée du Delta

Et voilà. C'est donc parti pour un cycle de lecture consacré à Jean et Doris Le May, ce couple d'auteurs qui produisit parmi les meilleurs pages de la collection Anticipation au Fleuve Noir durant les années 70. Je n'ai hélas pas leurs trois premiers romans, et c'est donc par cette "enquête galactique" qu'il m'a fallu commencer, enquête qui porte fort mal son nom, L'Odyssée du Delta (1968), puisque du Delta en question, un gigantesque vaisseau de croisière, on ne verra que peu de choses.Delta.jpg

Nous sommes donc dans un futur très lointain, dans lequel l'humanité prend part à une Fédération Galactique, organisation pacifique règnant sur de multiples mondes. Et cette Fédération dispose d'un tout-puissant service d'investigations, Interco, lequel fait travailler ses employés en binômes. L'un de ces binômes, celui de Jeln Davril et de Veldro Olsen, se voit un jour confier une mission d'importance: le Delta a été détourné, et ses ravisseurs demandent en rançon plus de cent tonnes d'une matière particulièrement dangereuse. Ils doivent donc rassembler la rançon, puis se rendre au point de rencontre fixé par les mystérieux ravisseurs. Mais ceux-ci semblent être particulièrement redoutables: la façon dont ils se sont emparés du Delta, et dont ils s'y sont pris pour envoyer ensuite leurs messages montre qu'ils disposent d'une science et d'une technologie bien plus avancées de celles de la Fédération.

Pour cette nouvelle enquête, Jeln et Vedro devront s'associer à un autre binôme, formé de deux femmes, Joris Hagmar et Paule Riva.

Pour ce quatrième roman en moins d'un an, les Le May font déjà preuve d'une remarquable maîtrise. Certes, la taille des chapitres, variable à l'extrême, pourrait laisser penser que l'on a à faire à un roman déséquilibré: il n'en est rien. L'intrigue étant linéaire, les chapitres ne servent finalement pas à grand chose. Mais si linéaire qu'elle est, cette intrigue n'en est pas moins parfaitement construite, sans faille. On regrettera peut-être que la profondeur des personnages sonnent un peu artificielle, mais leur comportement, leurs réactions, sont elles toutes naturelles. Enfin, il y a l'histoire elle-même. Nul conflit, nulle guerre stellaire ici (une chose encore rare dans le domaine du space opera populaire), mais un premier contact, avec quelque chose d'énigmatique. Quelque chose qui, toute proportion gardée, n'est pas loin du Solaris de Lem. Le tout dans un petit roman parfaitement lisible par tous. On peut alors sans crainte avancer une comparaison avec Star Trek (la série originelle ou la nouvelle génération).

Clairement, les Le May pouvaient d'ors et déjà être considérés comme de vrais et bons auteurs professionnels. On attend alors plus que les belles images poétiques qu'ils introduiront par la suite dans leurs oeuvres.

27/11/2011

Roger Zelazny - Le Maître des ombres

Avant toute chose, je préciserai que je n'ai pas lu ce roman dans la traduction de Bruno Martin révisée par Thomas Day et parue en 2003 chez Folio-SF, mais dans l'édition précédente chez Presse Pocket, en 1978. J'ignore si cela change grand chose à la donne, si le texte avant sa révision avait subi des coupes ou non. Mais je n'allais pas racheter le livre pour vérifier.Zelazny.jpg

Bref, imaginons un monde dont une face est perpétuellement plongée dans l'obscurité, et l'autre, dans la lumière. La face éclairée est le domaine de la science, la face obscure, celui de la magie. Pourtant, cette face obscure est protégée du froid par un vaste bouclier entretenu par sept puissances, les sept maîtres de cette moitié du monde. On devine ainsi que cette situation est tout à fait artificielle.

Jack est l'une de ces puissances. C'est un voleur, le meilleur de tous. Il tire son pouvoir de l'ombre. Non pas de l'obscurité, mais de l'ombre. L'apparition d'une lumière provoque toujours celle de l'ombre. Jack peut s'y réfugier et y devenir invisible, invulnérable. Il veut épouser une jeune issue d'un mariage mixte. Son père vient du côté obscur, sa mère de la lumière. Mais la condition de ce mariage est le vol d'un objet précieux, mis à concours. Durant sa tentive, Jack est capturé, et exécuté. Mais comme tout habitant du côté obscur, il revient, après de longues années, à la vie, et se lance alors dans une quête de vengeance, qui dépassera toutes ses espérances.

Le Maître des ombres n'est pas un grand roman de Zelazny. Il souffre en effet d'être bâti sur une construction très similaire à Seigneur de Lumière (1967), et le traducteur ne s'y est d'ailleurs pas trompé en intitulant sa version ainsi quand le titre original est Jack of Shadows. Mais là où Seigneur de Lumière est l'objet d'une véritable ambition littéraire, gorgé qu'il est de littérature bouddhique indienne ancienne, cette ambition est absente du Maître des ombres, qui se contente de quelques bonnes idées. Les personnages secondaires n'existent pas (en ce sens qu'ils n'ont aucun personnalité); le monde lui-même, dans sa structure, n'est qu'esquissé: tout repose en fait sur un personnage qui pourrait être l'équivalent zelaznien d'Elric. Or Elric, ça n'est pas trop ma tasse de thé.

Bref, une petite déception.

C'est la crise!

Les temps sont durs... Je vous le dis franchement, mes braves dames, mes bons messieurs: les temps ne sont plus ce qu'ils étaient.

Lorsque j'étais étudiant, je mangeais des knacks et des nouilles tous les soirs, et en même temps, j'achetais des livres au kilo. Je n'exagère pas. Entre 10 et 20 livres par semaine. Un peu de neuf, beaucoup d'occasion. En ce temps-là (pas si lointain: 1992-1998), Emmaüs à Caen faisait les livres à 1F ou 2 (j'ai pu y acheter une collection de plus de dix années de Fiction à 150FF), Memoranda (un célèbre bouquiniste de la ville), faisait les Fleuve Noir Anticipation à 8FF et les autres poches à 10FF (parfois bien moins). C'est comme ça que j'ai bâti toute ma culture SF, en achetant en masse des tas de livres, de revues, mélangeant allégrement toutes les décennies de parution, sautant sans problème d'un Van Vogt des années 40 à un Williams des années 80. Pas de problème: pour moi, c'était de la merveille en barre. Alors j'étais sans doute maigre comme un clou, mais j'espère que j'avais la tête bien pleine.

Mais trouvez-les, de nos jours, les occasions à 2€. EH bien non, on a converti les francs en euros. Le livre coûtait 10FF? Il coûtera donc 10€.

Et le neuf, dans tout ça? Le neuf n'est pas cher. Non. Par rapport au prix que l'ouvrage en question coûte à l'éditeur, il n'est pas cher. Et pourtant tout le monde se plaint de son prix. En SF et en fantasy, rares sont les livres à moins de 20€, et la norme est sans doute plus autour des 25€. C'est cher, pour le lecteur, c'est cher. La faute à qui?

En revenant à ma bibliothèque ancienne, soigneusement conservée chez mon père qui désespère pourtant de me voir vider la pièce en question une bonne fois pour toute, je n'ai pu que constater une chose: dans les années 50, 60, 70, un roman de plus de 200 pages était un gros roman. La norme oscillait grosso modo autour de 150/170 pages. Regardez le volume moyen d'un PDF, d'un FNA, d'un Masque-SF, d'un Galaxie-bis, d'un Presse Pocket et vous comprendrez. Les choses exceptionnellement volumeuses sortaient en CLA ou en Ailleurs et Demain, et elles n'étaient certainement pas la norme.

Et puis à partir des années 80, suite à une mode venant des USA, les livres ont commencé à enfler, à se boursoufler. Ca a sans doute pris du temps, et je serais incapable de donner des chiffres et des stats. Mais maintenant un roman des années 60/70 s'appelle "novella", et les romans eux-mêmes font au minimum 400 pages.

Et pourquoi donc? Je ne sais pas. J'ai tendance à penser qu'au départ, l'éditeur en tirait un certain profit. Mais aussi que ces boursouflures flâttent les mauvais penchants des lecteurs hard core, de ceux qui veulent s'assurer que dans l'univers de l'auteur, les fourmis ont bien six pattes et les mouches un anus bien rond, de ceux qui veulent des intrigues parallèles, même si elles sont rarement utiles au propos, des personnages secondaires, pourtant souvent superflus, etc. Le pire est que ces gros livres représentent pour l'éditeur français un investissement considérable, en impression et surtout en traduction, mais comme le lecteur hard core, soi-disant, en veut, eh bien l'éditeur tire la langue, mais le fait quand même, et tant pis si l'auteur, cette vedette américaine, demande au passage un à-valoir pharaonique.

Sauf que les lecteurs hard core sont de moins en moins nombreux. Tous les éditeurs le disent: les ventes de SF, et maintenant même de fantasy, sont calamiteuses, ou au mieux médiocre. A la fin des années 70, J'ai lu a stoppé la parution mensuelle de la revue Univers pour cause de lectorat trop faible (13000 si je me souviens bien); de nos jours, les revues pro font les fières avec 700 abonnements.

Et on en comptera un lecteur de moins à partir de ce jour. Eh oui: les impôts et le rachat d'un ordinateur sont passés par là. Il n'y a plus de sous dans la caisse. Mes achats de neuf étaient déjà rares; et jusqu'à nouvel ordre, ils seront tout simplement nuls.

Paradoxalement, cette situation m'a invité (si l'on peut dire), à aller chercher tout ce que je n'avais pas encore lu dans ma réserve. Et je redécouvre avec joie ces romans courts, secs, nerveux, et surtout qui ne donnent pas l'occasion d'avoir des regrets: si l'un d'eux est mauvais, je  n'y aurai perdu que quelques heures et quelques sous. Pas quelques jours et une trentaine d'euros.

Au programme donc de mes lectures à venir, une petite réserve de choses récentes (quand même), mais surtout, des FNA, des Pockets, des Galaxies-bis, des Masque. Et une palanquée de Jean et Doris Le May, donc je compte bien me faire petit à petit l'intégrale.