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06/05/2011

Laurent Poujois - L'Ange blond

La collection Icare, chez Mnémos, se veut ouverte à de bons romans d'aventures, pas forcément dotés d'une grande profondeur psychologique ou philosophique, mais bien fichus. Le genre qui peut m'attirer pour sortir la tête de lectures scientifiques parfois un brin barbantes (en ce moment Histoire des archevesques de Roüen, par Pommeray, publié à Rouen en 1667, mais on s'en fiche...). N'étant pas foncièrement intéressé par l'oeuvre de Michel Robert, mon regard s'est porté sur L'Ange blond, de Laurent Poujois, un auteur qui avait déjà fait ses classes en littérature jeunesse.

Ange-blond-BD.jpg

Diantre. Une uchronie. Un art difficile à mes yeux d'historien. Un genre où les textes intelligents sont rares. Tout part ici du règne de Napoléon et de sa conquête de la Grande-Bretagne. Evidemment, la face du monde en a été changée et Laurent Poujois s'empresse de nous démontrer que ces changements ne sont pas seulement d'ordre socio-politique, mais aussi d'ordre scientifique et technologique. Point d'interdit (religieux ou autre) ici, en dehors d'une loi écologique avant l'heure - enfin, notre heure - rationnant les dérivés de pétrole, mais un non développement de l'informatique, au profit d'une industrie biologique qui produit des organismes semi-intelligents, les biones. Et ces biones sont dans l'environnement de l'Ange blond ce que que les puces électroniques sont chez nous: des petites choses envahissantes, super quand elles marchent bien, pénibles la plupart du temps.

Mais qui est donc l'Ange blond? Une jeune femme, française, qui a fait six ans de Légion pour fuir un secret familial, puis, à la suite d'une opération militaire qui a viré au désastre, qui s'est reconvertie dans la musique. L'Ange blond n'est que le nom de scène d'Aurore Lefèvre, une nana un brin pénible puisqu'elle sait TOUT faire: programmer des biones, cambrioler une villa, monter une opération commando, composer comme Mozart...

Et du fait de ces capacités multiples, on l'embauche manu-militari afin qu'elle intégre le groupe d'artistes chargé d'organisé les cérémonies du bicentenaire de la conquête de la Grande-Bretagne; groupe au sein duquel on soupçonne la présence de comploteurs qui pourraient bien profiter de l'occasion pour éliminer l'Impératrice.

Alors quoi, L'Ange blond serait un roman un peu trop facile, avec une intrigue qui pourrait sembler banale d'un premier abord? Absolument pas. Laurent Poujois est doté d'un solide talent de conteur. On sent le passage par la littérature jeunesse: une écriture fluide, un propos clair, une action enlevée, sans perte de rythme. Bref, L'Ange blond est une mécanique bien rodée, et on enchaîne les chapitres avec grand plaisir, surtout que l'auteur a évité le piège de l'Histoire: il ne s'attarde pas à dresser de vastes panoramas explicatifs, mais se contente de petites touches, d'allusions (parfois à des éléments bien de chez nous, comme les pauvres oreilles du prince Charles) suffisamment bien senties pour que le lecteur, absorbé par l'action, n'en soit pas frustré.

Au final, donc, un bon roman, passionnant.

01/05/2011

Technotise: Edit i ja

Je sais, le titre de cette note peut sembler un peu barbare, mais il s'agit tout simplement de celui d'un film d'animation serbe d'Aleksa Gasić sorti en 2009 (en Serbie du moins), et qui est pour le moins intéressant.

Technotise_i_Exit_Small1.jpg

 

Nous sommes en 2074. Edit est une étudiante qui peine à réussir ses examens, malgré ses multiples tentatives de tricherie. Parallèlement, elle est employée par un centre de recherche: elle doit veiller sur un ancien mathématicien, qui, suite à un incident, semble être plongé dans une forme d'autisme. Sauf que petit à petit, Edit a le sentiment d'être victime d'allucinations. Est-ce en rapport avec le programme de prédiction du futur qu'Abel, le mathématicien, était censé développer?

Technotise est l'adaptation à l'écran d'un comic serbe du même titre (oui il existe des comics serbes, et même que l'ex-Yougoslavie a donné au monde de la BD pas mal de bons dessinateurs). C'est sans doute ce qui explique l'apparence des personnages, très américaine. C'est sans doute aussi pourquoi on a souvent l'impression d'être face à une bande-dessinée animée. La faute à l'animation? Sans doute un peu, car ce film souffre du même défaut que nombre de dessins-animés français par exemple (qui ont le même niveau de production), à savoir que les décors sont souvent somptueux, mais l'animation des personnages parfois déficiante (qu'on songe dans le genre à l'autrement très bon Corto Maltese).

Bref, nos camarades serbes ont usé pour ce film d'un technique qui se rapproche de celle de certains films d'animation japonais, notamment ceux de Mamoru Oshii, à savoir l'incrustation de personnages en 2D dans un univers en 3D. Et ici le résultat est très surprenant: il faut bien avouer que c'est souvent très beau et imaginatif. Alors peut-être que le scénario manque un peu d'originalité, mais il est cohérent et bien mené. Technotise: Edit i ja reste au final un bon film, qui permet régulièrement d'en prendre plein la vue sans avoir la sensation de perdre son temps, bien au contraire.

Et cerise sur le gâteau: a défaut d'avoir un DVD en distribution internationale (hélas!), l'équipe serbe a mis son film en libre accès sur Youtube, en haute définition, et avec plusieurs choix de sous-titres dont l'anglais (mais pas le français, hélas encore).

C'est ici, et c'est vraiment à voir:

http://www.youtube.com/watch?v=FcGTUaG930U

Le site officiel du film (avec la BO à télécharger gratuitement):

http://www.technotise.com/index.html

29/04/2011

Zhang Xiaoyu - Sombre futur et Au Fond du Rêve

Je vous parlais il y a déjà quelques temps déjà de Zhang Xiaoyu, du plaisir que j'avais eu à lire L'Envol. Pour le coup, je me suis commandé deux autres albums de ce dessinateur chinois, Sombre futur et Au Fond du rêve, tous deux chez Xiao Pan.

Commençons donc par Sombre futur, puisque c'est le plus petit des deux... et aussi le plus mauvais.

sombre_futur.jpg

Dans un lointain futur, manifestement ravagé par une guerre nucléaire, un homme tente de survivre parmi divers groupes, plus ou moins barbares, nomades ou sédentaires. La découverte d'une carte menant à l'un des refuges antiatomiques conçus avant la guerre fait renaître l'espoir, mais aussi les tensions. Du banal, de l'archirevu, du gore trop évident, un scénario qui saute vite sur les péripéties sans donner la moindre profondeur à ses personnages, et par dessus tout, un dessin bâclé, mal torché à grand coup de photoshop pas toujours heureux. Bref, du sous Ken le Survivant, déjà que Ken, ma foi, c'est aussi de la crotte. Passons.

Pour le coup, j'avais un peu peur en ouvrant Au Fond du rêve, un album en grand format, tout en couleur.

au_fond_du_reve_01.jpg

Des couleurs affreuses, d'ailleurs: là aussi j'ai peine à retrouver le dessinateur de L'Envol. Mais il faut savoir aller au-delà de cette première impression. Dans un futur proche, cette fois-ci, un auteur de fantasy (et non de science-fiction comme il est indiqué partout), est depuis longtemps plongé dans un coma profond, parfois ponctué cependant de crises de violences auto-destructrices, potentiellement mortelles. Dans le but de le sauver, un psychiatre, qui a plus des allures de bouffon en blouse blanche que d'un professeur à Harvard, va tester une machine qui lui permettra de s'insérer dans les rêves de l'auteur, et donc de tenter de le ramener à la réalité.

Et dans ces rêves, il retrouve l'homme, normalement chêtif, devenu un redoutable colosse passant son temps à combattre moultes créatures fantastiques. Le docteur opposera à ces créations de l'esprit des éléments rationnels. Mais qui l'emportera? Les CRS sur les hordes de gnomes sanguinaires? Les missiles sol-air sur les dragons? Le rationel du docteur sur la fantaisie de l'écrivain?

Raconté comme cela, le récit a l'air très basique. Il n'en est rien. Bien que très bref, il fait preuve d'une grand profondeur, et l'humour balourd qu'on trouve à chaque page n'est en fait que le masque d'un trouble évident, dont le sujet est la notion de "réel". Un album qui n'est donc pas parfait, mais cependant diablement intéressant. Et qui mérite la relecture.