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27/02/2012

Jack Moik - Star Cruiser

A l'origine de cette note se trouve une envie de détente, de plaisir cinématographique facile, de film pas trop bête quand même, mais qui délasse. Un bon navet rigolo l'aurait bien fait, par exemple, mais aussi un blockbuster qui ne prenne pas trop ses spectateurs pour des courges. A défaut de blockbuster, j'ai jeté mon dévolu sur Nydenion, alias Star Cruiser, rendu curieux par l'argumentaire associé au film: cette production allemande est l'aboutissement de plusieurs années de travail d'un maquettiste, spécialiste en trucages cinématographiques, Jack Moik, lequel a porté pendant près de 15 ans son projet de space opera avant enfin de pouvoir le boucler avec des moyens professionnels. Alors pourquoi pas, jetons-y un oeil.

Star-cruiser.jpgJack Moik est donc le producteur originel, réalisateur, scénariste, directeur de la photographie, du montage, de la bande-son, compositeur de la musique et acteur principal. Rien que ça. On peut alors commencer à se demander si l'on n'a pas affaire à un projet de mégalomaniaque.

Qu'en est-il exactement? 2630. L'empire Sykon et la confédération se livrent une guerre sans merci depuis 57 longues années. Le monde est vidé de ses ressources, les troupes sont épuisées, et la rumeur d'un soulèvement populaire se propage comme un virus. Seule issue possible : la Paix. Désormais en marge de l'Armée, l'ex-capitaine Rick Walker est devenu le mercenaire le plus doué de l'Empire. Engagé pour une simple mission de transport, il est loin d'imaginer que le sort de l'univers se trouve à bord de son vaisseau. Au milieu du chaos laissé par des années de guerre, il est notre seul espoir.
Ca, c'est le pitch officiel. Ca fait un peu peur, tout de même. Pompage impressionnant du pitch de base - déjà fort maigre - du jeu Total Annihilation. Et donc ce fameux Rick Walker, sort de Han Solo du pauvre, s'en va convoyer une diplomate vers un vaisseau aux coordonnées tenues secrètes, à bord duquel ont lieu des négociations de paix. Elle doit s'y rendre car une bombe y a été pausée par des méchants bellicistes qui évidemment vont tout faire pour saboter la mission de Walker.
Bon. Déjà, une évidence apparaît: Moik n'est pas scénariste. Il n'y a strictement rien de neuf dans tout cela. L'histoire de Star Cruiser est une mise bout à bout de divers pompages: Star Wars, Titans AE, Battlestar Galactica (l'original), un brin de Star Trek. Des plans entiers, des éléments de design sont repris d'un peu partout. Les répliques sont du même calibres: jamais le spectateur n'est surpris. Il faut dire que tout cela devait être mis au niveau des acteurs, afin de leur éviter de trop montrer leur absence complète de talent. Moik a en effet recruté des parfaits amateurs - passionnés eux-aussi, n'en doutons pas, mais dont la bonne volonté n'arrive pas à effacer leur totale nullité. Moik lui-même, non plus n'est pas acteur: il est totalement mono-facial.

jack_moik_2.jpg

Jack Moik est: content, angoissé, craintif, exhalté, en colère, tout ce que vous voulez, au choix.

Reste la mise en scène. Oui, je passe directement à la mise en scène sans trop m'arrêter sur l'image et les trucages. L'image est hideuse, tout bonnement. Quand aux trucages, ils vont du moyen au lamentable.

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Oh, la jolie incrustation de la mort qui tue! Et la pixellisation n'est pas due à la capture d'écran.

 

 

 

 

 

 

On peut donc difficilement dire que Jack Moik ait été directeur de la photographie...

La mise en scène donc. Bof, c'est tout ce que l'on peut en dire. Les scènes spatiales ne sont pas trop mal, mais dès que Moik a la mauvaise idée de faire des gros plans faciaux sur ses acteurs... voir ci-dessus pour les acteurs: on comprend vite qu'au lieu d'intensité dramatique, il développe chez le spectateur d'abord une irrépressible envie de sourire (mais pas de rire: il ne faut rien exagérer), puis une poussée de mauvaise humeur. La volonté de s'arrêter et de déclamer haut et fort "Mais qu'est-ce que c'est que cette merde" revient souvent.

Vous l'aurez compris: Space Cruiser est de ces films de passionnés qui peuvent obtenir bien des louanges au festival du film amateur de Trifouillis-les-Perpettes, mais qui par contre n'auraient JAMAIS du être commercialisés.

Par chance, je me suis contenté de l'édition en DVD, que j'ai d'ailleurs déjà réussie à revendre, mais je plains tout ceux qui ferons l'acquisition de la version Blueray: un Blueray pour un truc à l'image digne d'une VHS démagnétisée, c'est presque de l'escroquerie.

12/08/2011

Vladimir Khotinenko - 1612

En France, lorsqu'on subventionne le cinéma, c'est le plus souvent pour faire des FFCAJBD - Films Français Chiants Avec Jeanne Balibar Dedans, variante moderne du FFCAERR, Film Français Chiant Avec Eric Rohmer Réalisateur. Du film faussement intellectuel, ennuyeux au possible. En Russie, tant qu'à faire du vide de sens, on préfère subventionner des choses à grand spectacle. Cela donne des choses parfois ratées, comme le Tarass Boulba dont j'ai parlé récemment, et puis parfois d'authentiques réussites de cinéma populaire, comme le 1612 de Vladimir Khotinenko, une production de Nikita Mikhaïlkov (2007 en Russie, sorti en 2011 en DVD en France).

1612.jpg

C'est juste histoire de vous montrer ce que c'est que je poste ici la jaquette du DVD, et je ne mettrai pas de lien vers la bande annonce en français: l'un comme l'autre sont trompeurs, voire mensongers, une fois encore: 1612 est présenté comme un pur film de guerre, ce qu'il n'est absolument pas. Mais voilà, il faut vendre. La trahison du distributeur français est cependant moindre que dans le cas de Tarass Boulba.

1612, donc. Andreï est un serf, chargé avec tout un groupe d'esclave, de haler des navires sur un fleuve. Cinq ans aupavarant, il était page à la cour des Godounov, lesquels furent massacrés sous ses yeux par des Polonais. Or voilà que sur un des navires qu'il tire, chargé de mercenaires, il retrouve la princesse Xenia Godounov. Avec audace, il parvient à se faire racheter par un condotière espagnol sans foi ni loi, et se lie d'amitié avec son serviteur tatar. Mais voilà que bientôt l'Espagnol est tué lors d'une ambuscade. Andreï, qui a été racheté sans contrat, peut dès lors être considéré comme un serf en fuite, et donc être condamné à mort. Qu'à cela ne tienne: il va usurper, avec la complicité active du Tatar, l'identité de son maître. Ce qui va bien sûr l'entraîner fort loin...

Car Andreï doit assumer son rôle, celui d'un puissant mercenaire, payé fort cher par les Polonais, et devant donc prouver sa valeur. Mais il jouit de deux atouts: tout d'abord une mémoire extraordinaire, qui lui permet de répéter à la perfection les rares mouvements d'escrime qu'il a pu voir chez l'Espagnol; mais aussi sans doute la protection conjointe des mânes de celui-ci, qui l'accompagnent et semblent le soutenir tout le long de ses aventures, et d'Indrik, la Licorne, l'animal fabuleux qu'il s'est choisi pour "totem". Andreï est donc chanceux, très chanceux, et culoté au plus haut point. Il parvient sans cesse à se sortir des situations les plus rocambolesques.

Et c'est là le point fort du film: non content d'être un récit d'aventures picaresques (et non un film de guerre), il est aussi fort drôle. En cela, il rappelle singulière Pirates des Caraïbes; et le rôle principal, tenu par Piotr Kislov, aurait fort bien convenu à un Johnny Depp!

Bref, de l'aventure, de l'action, du panache, beaucoup d'humour, un brin de fantastique et même de fantasy, mais aussi quelques aspects trash (il faut bien mériter la mention "version intégrale non censurée"), car les scènes de guerre sont tout de même décrites dans toute leur cruauté. Ce cocktail fait de ce film une oeuvre appartenant au grand cinéma populaire. Une réussite, à laquelle on aurait tort de reprocher, comme on a pu le faire, ses quelques accents nationalistes: un nationalisme bien fade, et pas plus fort que dans Les Aventures de Robin des Bois de Michael Curtiz ou dans l'Ivanhoe de Richard Thorpe.

1612, c'est donc 2h23 de bonheur. Quel dommage qu'il soit sorti directement en DVD: il méritait clairement d'être distribué en salle, bien plus que nombre de productions hollywoodiennes!

06/08/2011

Vladimir Bortko - Tarass Boulba

Oui, vous avez bien lu: j'ai écrit Tarass Boulba. Le titre du fameux roman de Nicolas Gogol, mais accolé à un nom totalement inconnu sous nos contrées, Vladimir Bortko. Car il s'agit d'un film, sorti en 2009, et disponible cette année en DVD en France.

Comment? Vous ne l'avez pas vu dans les bacs? C'est normal. Un obscur commercial, autrement dit un crétin décérébré, en tout cas une pauvre larve sous cultivée a cru bon de le sortir sans nom de réalisateur sur la jaquette et sous le titre infâme de Barbarians. Oui, là encore vous avez bien lu: Barbarians, pour un film adapté de Tarass Boulba de Nicolas Gogol. Parce que Gogol, n'est-ce pas, c'est juste un obscur écrivaillons que personne ne lit plus. A peine mieux que La Princesse de Clèves, quoi?

Bref, passons. Ici je ne vous parlerais pas de Barbarians, d'autant plus que ce titre était déjà collé à un affreux navet des années 80...

Barbarians.jpg

... mais bien de Tarass Boulba, parce qu'autrement j'aurais trop mal à ma culture.

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Ce film de Vladimir Bortko est déjà la quatrième adaptation du roman de Gogol, et elle est clairement ambitieuse, et raté. Amibitieuse car, jouissant d'un très gros budget (grâce à une grosse subvention étatique), Bortko s'est donné les moyens d'une reconstitution historique visuelle remarquable. Costumes, décors, tout y est. C'est visuellement somptueux, et on a maintenant plus l'habitude de ce genre de choses dans le cinéma asiatique que dans le cinéma européen. Mais il faut dire que Sergueï Bodrov avait déjà ouvert la voie avec le médiocre Nomad, et le bien plus intéressant Mongol.

Mais en plus de ces décors somptueux, Bortko s'est payé de très bon acteurs. Bogdan Stoupka est absolument fabuleux dans le rôle de Tarass Boulba. Les deux fils sont très bien joués par Igor Petrenko et Vladimir Vdovitchenkov (qu'on a tous deux plus l'habitude de voir dans les films de gros bras: The Interceptor pour le premier; Contagion - Paragraph 78 pour le second). Quand a la fille du gouverneur polonais, elle est incarnée par l'actrice polonaise Magdalena Mielcarz, si lumineuse malgré qu'il ne s'agit que d'un second rôle, qu'on comprend bien qu'Andreï Boulba se soit damné pour elle...

Voilà. De très bon ingrédients: un scénario en or, des acteurs parfaits, des décors et costumes impécables. Mais...

Une musique à chier. Il n'y a pas d'autres mots. C'est proprement atroce de mièvrerie, à grands coups de pseudo ocarina synthétique. Le pire est que dans le film, on célèbre régulièrement les kobzars, ces chanteurs interprètes d'épopées à la gloire des cosaques. On aurait au moins pu s'attendre à des airs de bandura. Mais c'était peut-être trop demander.

La réalisation aussi est un brin souffreteuse. Si Bortko a été capable de filmer des scènes de combats ayant vraiment beaucoup de panache, ses intérieurs sont juste dignes d'un bon téléfilm.

Enfin, il faut absolument pointer un problème majeur: le nationalisme du film, et un nationalisme mal placé. Les héros sont des cosaques zaporogues. Les ancêtres des actuels Ukrainiens. Mais tous les personnages n'ont à la bouche que leur sacro-sainte terre russe. Or les cosaques du XVIe siècle n'en avaient strictement rien à faire de la Russie, c'est-à-dire alors la Grande Moscovie. Il faut dire que Bortko, réalisateur lui-même d'origine ukrainienne, revendique l'absence de division entre les deux nations. C'est proprement stupide. Mais bref, c'est tout de même un tantinet agaçant. Quand on voit sur la jaquette française que c'est recommandé par Historia, on comprend bien pourquoi ce magazine est décidément médiocre.

Concluons toutefois par une bonne note: la scène relatant la défaite de Taras Boulba. Une scène totalement incompréhensible pour le spectateur français s'il ne connaît pas un minimum les chants épiques slaves, et spécialement ukrainiens. On y voit en effet Tarass en bon chef de guerre, qui, régulièrement, demande: "Seigneurs, reste-t-il assez de poudre pour nos fusils" ou bien une question approchante. Alors un cosaque répond oui, puis tombe sous les coups adverses tandis qu'un narrateur en voix off narre ses exploits passés. C'est là un artifice propre aux dumy, les chants épiques ukrainiens. Or Gogol lui-même avait participé au XIXe siècle à la collecte de ces chants: il en avait envoyé quelques uns à Hilferding, le grand collecteur de chants épiques de Russie (qui a lui même édité des bylines). Je peux concevoir donc que cette scène puisse passer pour ridicule auprès d'un spectateur français peu habitué à cela, mais pour moi l'effet est saisissant. On y retrouve des expressions entièrement calquées sur les dumy, et cela m'a singulièrement donné le frisson, comme j'imagine cela le donnait aux auditeurs des kobzars.

Tarass Boulba est donc un film raté. Pas nul, ni mauvais, mais raté. Car pas à la hauteur de ses ambitions. Il reste qu'il n'est pas déplaisant à voir, qu'on n'y perd absolument pas son temps.

 

Et si vous voulez découvrir les chants épiques ukrainiens, tâchez de trouver ce livre:

Marie Scherrer, Les Dumy ukrainiennes. Epopée cosaque. Textes ukrainiens et traductions intégrales avec une introduction et des notes, 1947, Paris, Klincksieck.

Il contient des merveilles.

 

Le cosaque s'aperçoit que la faim et la soif ont épuisé ses forces,

Il arrive au Mont Savur,

Y monte puis redescend,

Se couche au pied du tertre, prend du repos,

Médite longuement.

Il est sans force pour ouvrir ses yeux,

Pour se dresser debout,

Pour lever sa tête de cosaque.

21:49 Publié dans Film | Lien permanent | Commentaires (0)