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23/02/2012

Frank M. Robinson - Le Pouvoir

Bill Tanner, professeur d'anthropologie aux Etats Unis, travaille au sein d'un Comité dont le but est de déterminer pourquoi certains survivent mieux et plus longtemps à une situation de conflit. Un questionnaire est mis au point et testé anonymement sur les membres du Comité eux-mêmes. Or il se trouve qu'un des questionnaires rendus est clairement hors-normes. Alerté par un certain Olson, clairement inquiet, tous se réunissent autour d'une table et tentent un test de télékinésie. Et l'un d'entre eux, sans se dévoiler, fait tourner le petit « parasol » en papier objet du test. Il y a donc un mutant, un surhomme, au sein du Comité. Robinson.jpg

A partir de là, tout le monde commence à prendre peur. Tanner essaie de découvrir le surhomme en question, avant de découvrir Olson mort sans cause apparente. Et petit à petit, son univers s'effondre : ses dossiers universitaires disparaissent (il est alors viré), ses dossiers bancaires aussi (il se retrouve sans fonds), etc. Tanner semble être l'objet d'une traque, mais décide finalement de traquer le traqueur, pourtant supposé largement supérieur à lui-même.

Roman écrit dans les années 50, révisé dans les années 90, Le Pouvoir de Frank M. Robinson (Folio SF, 2004) pose problème. Alors que l'on pourrait être tenté de le voir comme une parabole du Maccarthysme, on voit assez rapidement que quelque chose cloche : le traqué est maléfique. Jamais cette place n'est remise en cause. Il est un ennemi de la société et la traque est donc justifiée. Si Tanner essaie de l'étudier, ça n'est pas réellement pour le comprendre, mais pour l'abattre. De ce point de vue, Le Pouvoir s'avère très binaire, très manichéen.

De plus, ce texte est censé avoir été révisé en 1999. Cela transparaît dans quelques allusions à des événements historiques (la guerre du Vietnam), tout en ne changeant rien au style, très années 50. Cependant, est-ce de cette révision que vient parfois la sensation de coupes, d'éléments manquants ? Par deux fois j'avoue m'être demandé d'où sortait un personnage.

Pour autant, Le Pouvoir n'est pas un mauvais roman, loin de là. On se laisse happer assez rapidement par l'écriture de Robinson, qui a produit-là un bien agréable thriller, classique, mais efficace. Idéal pour quelques heures de détente.

09/02/2012

Jean et Doris Le May - Les Landes d'Achernar

C'est à partir de 1971 que l'on peut réellement dire que Jean et Doris Le May deviennent des auteurs avec lesquels il faut compter. Et notamment avec Les Landes d'Achernar, signalé à l'époque par une longue critique de Jean-Pierre Andrevon dans Fiction (n°216), une longueur inusuelle pour un simple Fleuve Noir. LeMay1.jpg

Cinq adolescents, bientôt des adultes, vivent isolés sur un monde dangereux, recouvert d'une jungle aux arbres millénaires et peuplé d'espèces toutes potentiellement mortelles. Quatre garçons et une fille, installés dans ce qui semble être les vestiges d'un vaisseau spatial, vestiges dispersés dans la forêt et dont ils ont fait des « Temples ». Ils ignorent tout de leurs origines, et ensemble, ils travaillent à la construction de l'Œuvre, un engin dont les plans leurs sont dictés par les Puissances, des entités qui ne peuvent communiquer qu'avec Zetha, la fille. Mais Delten, un garçon que rien ne semble favoriser dans ce monde cruel, se pose des questions : quel est le sens de cette Œuvre ? Que sont les Puissances ? Pourquoi finalement nombre d'entre eux ont été tués lors d'épreuves imposées par ces Puissances ? LeMay2.jpg

Évidemment on peut considérer le personnage de Delten comme un personnage facile : celui de l'adolescent-type qui se rebelle contre l'ordre établi. Le cadre de l'intrigue aussi était déjà bien balisé : les paysages de jungle sont des poncifs des romans populaires. L'histoire – la survie d'un groupe de naufragés – n'est pas moins banale. Mais il y a clairement un plus, dans ces Landes d'Achernar. Contrairement à la plupart des romans des Le May précédemment publiés, son intrigue est remarquablement ficelé, sans faille : les auteurs nous en donnent la clé à peu près au milieu du roman, sans pour autant que cela entraîne une perte d'intérêt pour le lecteur, bien au contraire. Cette clé est si surprenante qu'en soit elle fait se poser bien des questions supplémentaires, voire même entraîne un certain vertige. Tout cela étant servi par un style maintenant bien rodé, à la fois efficace et poétique, d'une grande clarté. Le lecteur est littéralement plongé dans le paysage que les Le May veulent nous décrire. On vit aux côtés de Delten, et même si l'on en sait plus que lui sur ce qui se passe, on ne peut s'empêcher de trembler sur son sort.

Clairement, Les Landes d'Achernar mérite le titre de classique de la science-fiction française. Une réédition serait la bienvenue, que les lecteurs actuels puissent redécouvrir ce petit chef-d'oeuvre.

06/01/2012

Veronika Görög - Miklos Fils-de-Jument. Contes d'un Tzigane hongrois

Les ouvrages publiés par CNRS éditions entrent en général dans deux catégories: ceux qui sont d'un coût qui les rend inabordables, et ceux qui sont tout simplement indisponibles ou épuisés après seulement quelques petites années d'exploitation.

Miklos Fils-de-Jument. Contes d'un tzigane hongrois. Janos Berki raconte..., de Veronika Görög entre dans la deuxième catégorie. Publié en 1991 (en partenariat avec la Maison d'édition de l'Académie des Sciences de Hongrie), il est introuvable depuis plusieurs années, et il m'a fallu attendre longtemps pour enfin en trouver un exemplaire pas trop cher.

Pourquoi patienter autant après un livre? Après tout ce ne sont pas les recueils de contes populaires qui manquent... Eh bien simplement parce que celui-ci est excellent. Il s'ouvre d'abord sur une longue introduction (47 pages) qui met bien en contexte son sujet: les contes en question sont dus à un seul est unique informateur, un Tzigane hongrois, qui fut suivi durant les années 70 et 80. Aussi Veronika Görög nous présente-t-elle la situation des Tziganes en Hongrie avant 1991, dresse un état des études ethnographiques et folkloristiques concernant les Tziganes dans ce pays, puis fait le portrait du conteur et de son village, de son auditoire. Elle ne cache pas, par exemple, que Janos Berki est un des rares Tziganes lettrés, et a donc lu des contes dans des livres, contes qu'il a parfois incorporé à son propre répertoire.

S'ensuivent les contes en eux-mêmes: 37 récits plus ou moins développés, dont un bon nombre de contes merveilleux, mais aussi des récits dit "para-bibliques", de ce qu'on a parfois appelé des Evangiles populaires. Et ce répertoire est fantastiquement riche, ce qui en fait sans doute un des meilleurs recueils de contes hongrois. Oui, hongrois et non tziganes. Car on voit bien à la lecture des commentaires placés à la fin de l'ouvrage, que le répertoire de Berki est essentiellement hongrois, même si certains récits semblent originaux. Nombre d'entre eux ont d'ailleurs été collectés directement en hongrois, et non en tzigane.

On notera que les commentaires en question, très pertinents, sont accompagnés de la classication des contes selon le répertoire international d'Aarne et Thompson, ce qui en font un outil précieux.

11:03 Publié dans Histoire, Livre | Lien permanent | Commentaires (0)