31/03/2012
Lunatique 82
Allez, une revue pour changer, avec le numéro 82 de Lunatique (éditions Eons, 2011), une revue à laquelle j'ai eu l'heur de collaborer le temps d'un numéro. Comme d'ordinaire, le gros du sommaire est constitué de nouvelle, la plupart dues à des auteurs débutants ou encore peu connus.
"L'enlèvement du soleil" par Baldomero Lillo - un auteur chilien du tournant du XXe siècle - est une curiosité venue du fin fond des âges, pas sans défauts, mais intéressante et originale, sur la mégalomanie royale.
Suivent deux reliquats du Galaxies hors série spécial "41"; deux textes mal fichues et qui ne vont pas jusqu'au bout de leurs ambitions: Noé Gaillard et "L'Académie mise à nue" nous propose une Académie française portée à 41 membres avec comme enjeu une immortalité réelle; Yann Quero et "Les quarante et un sarcophages de titane" présente un univers de space opera qui aurait pu être intéressant s'il avait pris le temps de le développer un minimum et de donner de l'étoffe à ses personnages.
A la fin de ma lecture du volume, je n'ai gardé strictement aucun souvenir de "Chloé", d'Alain Fillion: ça doit être un signe. En revanche, "K" de Mathieu Baumier est excellente: une ambiance dystopique parfaitement crédible, un arrière plan symbolique (chrétien) subtil, une maîtrise de la langue vraiment bonne. Bref, on sent que l'auteur a déjà de la bouteille. Il faudra que je vois les romans et recueils qu'il a pu publier par ailleurs. En tout cas, on en redemande.
Autre bon texte, "Nouveau départ", d'Yves-Daniel Crouzet, un auteur que j'aime bien pour ses nouvelles doucement satiriques. Mais il a souvent le défaut de les laisser en plan sur quelque chose d'inachevé, comme ici par exemple, et c'est bien dommage car l'idée est excellente.
"Terraformer la Terre" de Jean-Pierre Laigle est lourd, long, bâti sur une idée intéressante mais malmenée par une narration qui laisse en plan plein de choses.
Fallait-il ressortir de l'oublie "Les Démiurges" de Nathalie Henneberg, un texte qui fut publié dans la précédente version de Lunatique? J'ai beaucoup d'admiration pour l'oeuvre d'Henneberg, mais il faut bien avouer que ce texte-là, datant de 1964, ne va pas loin: tout y va trop vite et on peine à comprendre l'intérêt de la chose.
Le dossier sur Alain Paris est intéressant, même si l'on sent bien que l'interview est en fait un questionnaire: les réponses d'Alain Paris sont souvent allusives et les interviewer ne rebondissent pas sur celles-ci pour creuser les sujets abordés. Dommage. Les deux nouvelles qui l'accompagne nous font passer du très bon ("Le Lâche", encore une réédition d'ailleurs puisque ce texte date de 1968), au très mauvais ("L'Aigle de sang", qui est tout juste un synopsis même pas développé).
Même s'il est donc très inégal, il serait toutefois malhonnête de dire que ce Lunatique est mauvais: Baumier et Crouzet sont vraiment des auteurs à suivre, et Lillo mériterait visiblement qu'on se penche sur son cas. Trois textes seulement, mais vu le prix de la revue (9€80), ça en vaut la peine.
22:08 Publié dans Livre, Planète-SF | Lien permanent | Commentaires (0)
Jean et Doris Le May - Les Cristaux de Sigel Alpha
Continuons notre exploration de l'univers des Le May avec Les Cristaux de Sigel Alpha (1971), un roman qui prend place dans le cycle des enquêtes galactiques. Somelekan Greer est un prospecteur: doué d'un talent rare, il n'a pas son pareil pour détecté dans toute roche ou tout terrain les cristaux les plus précieux. A ce titre, il est admis à prospecter sur la très fermée Sigel Alpha, une planète dont la géologie particulière a justement pu engendrer des cristaux de tous type d'une valeur immense. Contrôlée par la Ligue des Gemmologues, Sigel Alpha est en fait une prison pour prospecteurs malchanceux: la Ligue en effet se réserve l'intégralité du commerce des pierres, et rachète celles-ci aux prospecteurs à un prix dérisoire, les empêchant ainsi de repartir. Pourtant, des traffics existent, et la famille d'Arne Viggen, le commandant d'un petit vaisseau de commerce semi-clandestin, semble bien y être mêlée.
Somelekan Greer, avec l'aide de deux Adamalones - sorte de fourmis géantes intelligentes mais que tout le monde prend pour des animaux - va tenter d'échapper à ce piège, secondé Sheen Viggen, la fille Arne, coincée avec lui lors d'une tempête mortelle dans l'abri du prospecteur.
Les Cristaux de Sigel Alpha est un roman qui n'a pas les qualités poétiques et philosophiques des Landes d'Achernar, autant le dire d'emblée, mais il offre malgré tout un excellent petit space opera, un western sidéral bien troussé, à l'intrigue basique, mais intelligente. Et pour pimenter cela, les Le May y ont ajouté une confrontation qui leur est chère: celle du baroudeur et de la jeune femme intrépide. Sheen et Somelekan passent leur temps à s'envoyer des piques, et, alors que parfois les auteurs échouent à faire de ce type de passage quelque chose de digeste (cf. Vacances Stellaires dont je parlerai plus tard), ici il n'en est rien. Bref, on tient entre les mains de quoi donner au lecteur quelques bonnes heures de détente: de l'action, de l'amour, un scénario pas trop linéaire et réservant quelques surprises. Un bon cru du Fleuve Noir Anticipation!
21:45 Publié dans Jean et Doris Le May, Livre, Planète-SF | Lien permanent | Commentaires (2)
27/02/2012
Jack Moik - Star Cruiser
A l'origine de cette note se trouve une envie de détente, de plaisir cinématographique facile, de film pas trop bête quand même, mais qui délasse. Un bon navet rigolo l'aurait bien fait, par exemple, mais aussi un blockbuster qui ne prenne pas trop ses spectateurs pour des courges. A défaut de blockbuster, j'ai jeté mon dévolu sur Nydenion, alias Star Cruiser, rendu curieux par l'argumentaire associé au film: cette production allemande est l'aboutissement de plusieurs années de travail d'un maquettiste, spécialiste en trucages cinématographiques, Jack Moik, lequel a porté pendant près de 15 ans son projet de space opera avant enfin de pouvoir le boucler avec des moyens professionnels. Alors pourquoi pas, jetons-y un oeil.
Jack Moik est donc le producteur originel, réalisateur, scénariste, directeur de la photographie, du montage, de la bande-son, compositeur de la musique et acteur principal. Rien que ça. On peut alors commencer à se demander si l'on n'a pas affaire à un projet de mégalomaniaque.
Qu'en est-il exactement? 2630. L'empire Sykon et la confédération se livrent une guerre sans merci depuis 57 longues années. Le monde est vidé de ses ressources, les troupes sont épuisées, et la rumeur d'un soulèvement populaire se propage comme un virus. Seule issue possible : la Paix. Désormais en marge de l'Armée, l'ex-capitaine Rick Walker est devenu le mercenaire le plus doué de l'Empire. Engagé pour une simple mission de transport, il est loin d'imaginer que le sort de l'univers se trouve à bord de son vaisseau. Au milieu du chaos laissé par des années de guerre, il est notre seul espoir.
Ca, c'est le pitch officiel. Ca fait un peu peur, tout de même. Pompage impressionnant du pitch de base - déjà fort maigre - du jeu Total Annihilation. Et donc ce fameux Rick Walker, sort de Han Solo du pauvre, s'en va convoyer une diplomate vers un vaisseau aux coordonnées tenues secrètes, à bord duquel ont lieu des négociations de paix. Elle doit s'y rendre car une bombe y a été pausée par des méchants bellicistes qui évidemment vont tout faire pour saboter la mission de Walker.
Bon. Déjà, une évidence apparaît: Moik n'est pas scénariste. Il n'y a strictement rien de neuf dans tout cela. L'histoire de Star Cruiser est une mise bout à bout de divers pompages: Star Wars, Titans AE, Battlestar Galactica (l'original), un brin de Star Trek. Des plans entiers, des éléments de design sont repris d'un peu partout. Les répliques sont du même calibres: jamais le spectateur n'est surpris. Il faut dire que tout cela devait être mis au niveau des acteurs, afin de leur éviter de trop montrer leur absence complète de talent. Moik a en effet recruté des parfaits amateurs - passionnés eux-aussi, n'en doutons pas, mais dont la bonne volonté n'arrive pas à effacer leur totale nullité. Moik lui-même, non plus n'est pas acteur: il est totalement mono-facial.
Jack Moik est: content, angoissé, craintif, exhalté, en colère, tout ce que vous voulez, au choix.
Reste la mise en scène. Oui, je passe directement à la mise en scène sans trop m'arrêter sur l'image et les trucages. L'image est hideuse, tout bonnement. Quand aux trucages, ils vont du moyen au lamentable.
Oh, la jolie incrustation de la mort qui tue! Et la pixellisation n'est pas due à la capture d'écran.
On peut donc difficilement dire que Jack Moik ait été directeur de la photographie...
La mise en scène donc. Bof, c'est tout ce que l'on peut en dire. Les scènes spatiales ne sont pas trop mal, mais dès que Moik a la mauvaise idée de faire des gros plans faciaux sur ses acteurs... voir ci-dessus pour les acteurs: on comprend vite qu'au lieu d'intensité dramatique, il développe chez le spectateur d'abord une irrépressible envie de sourire (mais pas de rire: il ne faut rien exagérer), puis une poussée de mauvaise humeur. La volonté de s'arrêter et de déclamer haut et fort "Mais qu'est-ce que c'est que cette merde" revient souvent.
Vous l'aurez compris: Space Cruiser est de ces films de passionnés qui peuvent obtenir bien des louanges au festival du film amateur de Trifouillis-les-Perpettes, mais qui par contre n'auraient JAMAIS du être commercialisés.
Par chance, je me suis contenté de l'édition en DVD, que j'ai d'ailleurs déjà réussie à revendre, mais je plains tout ceux qui ferons l'acquisition de la version Blueray: un Blueray pour un truc à l'image digne d'une VHS démagnétisée, c'est presque de l'escroquerie.
13:35 Publié dans Film, Planète-SF | Lien permanent | Commentaires (3)