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03/10/2012

The Gathering - Disclosure

The Gathering est un groupe que j'apprécie depuis un bail, pour sa trajectoire unique qui l'a fait évoluer du metal tendance doom le plus banal à quelque chose de plus pop-rock avec des accents progressistes. Et puis un ancien groupe de metal qui avoue le Pink Floyd comme influence majeure, je ne suis pas sûr que ça courre les rues.

Bref, The Gathering, ce sont des gens très talentueux, capable de se remettre en cause. Par exemple en réécrivant littéralement leurs vieilles chansons - un exercice périlleux s'il en est. Un petit exemple avec Like Fountains, une chanson initialement parue sur le deuxième album du groupe en 1994:

(attention c'est assez inécoutable...)

Et qui en 2005 devient cette petite perle de douceur:

Voilà qu'en 2007, la chanteuse Anneke Van Giersbergen, qui a largement contribué à bâtir le succès du groupe s'en va (avouons-le: tout ce qu'elle a fait depuis est assez mauvais...), et The Gathering recrute la Norvégienne Silje Wergeland, chanteuse du groupe Octavia Sperati, qui faisait du doom d'une banalité rare. Il faut dire que metal et médiocrité vont souvent de paire. Bref, de quoi avoir un peu peur.

De fait, l'album qui a suivi, The West Pole, tout en contenant tout de même quelques bons titres, m'a laissé assez froid. Aussi ai-je abordé le tout nouveau Disclosure avec un peu de scepticisme. Raté, et c'est tant mieux. Disclosure est un très bon disque, voire même oserai-je dire un grand disque. Il est en écoute gratuite ici, mais évidemment, c'est encore mieux de l'acheter, d'autant plus que l'on peut le faire avec des formats audio de très bonne qualité (FLAC notamment).

Huit titres, seulement, mais des longs: le groupe renoue avec sa tendance prog. Et ça commence par un Paper Waves bien entraînant qui prend tout de suite par sa ritournelle efficace.

S'ensuit un surprenant Meltdown, surprenant d'abord parce que le claviériste Frank Boeijen (qui a composé la plupart des titres) se met au chant, mais aussi musicalement, par son mélange intime de sonorité très diverses (électronique, cuivres, etc.). Ces deux premières chansons seraient presque à rapprocher du meilleur Tears for Fears, autre groupe que j'adulais en son temps.

Paralyzed, lui, retourne à un son "The Gathering" plus classique, période Souvenirs. Puis arrive le premier morceau de choix, Heroes For Ghosts, long (10:42) bijou de romantisme exacerbé (mais pas guimauve!), avec un chant qui prend des accents d'Anneli Drecker (Bel Canto), une perle, sans doute un des chef-d'oeuvres du groupe.

Avec Gemini I et Missing Seasons, on retombe dans du Gathering plus standard mais de très bonne facture, tandis que I Can See Four Miles constitue le deuxième poids lourd de l'album. D'une structure très similaire à celle de Heroes For Ghosts, il sonne pourtant de façon totalement différente, grâce à l'usage conjoint de cordes (violon et violoncelle), d'une batterie en roulements, et d'une thérémine totalement endiablé. On savait le guitariste René Rutten grand amateur de cet instrument: il réalise ici des merveilles. Là encore, chef-d'oeuvre!

Puis le tempo se calme avec Gemini II, qui offre une toute belle conclusion à l'album. Un album superbe.

15:12 Publié dans Musique | Lien permanent | Commentaires (0)

03/09/2012

Ketty Steward - Connexions interrompues

Steward.jpgOui, Rivière Blanche est l'éditeur d'une bonne partie de mes projets.

Oui, Ketty Steward est l'excellente correctrice de Géante Rouge, le fanzine que je dirige.

Et alors?

Copinage?

Rien à fiche. D'abord, ce livre, je l'ai payé, de mes petits sous. Non mais. J'ai donc le droit d'en dire ce que je veux. NON MAIS.

Sous une couverture assez... ... spéciale, se cachent quinze nouvelles. Dont sans doute certaines de trop. Je sais par expérience que vous faire un livre chez Rivière Blanche, il faut techniquement atteindre un certain volume, du coup Ketty Steward a beaucoup rassemblé de ses textes, et certains auraient mérité de passer par l'écrémage. Non qu'ils soient foncièrement mauvais, même si effectivement "L'ère des nourriciers" est un texte de jeunesse (l'auteur l'avoue volontiers), "Si mine de rien" est basée sur un postulat un brin bancal,  et si le texte du concours "Clavène" n'a pas grand intérêt. En fait, s'il eut fallu procéder à un écrémage, c'est plus recentrer le recueil sur une série de textes qui constituent un futur dystopique véritablement cohérent. Cette cohérence n'est pas annoncée, même pas dans les courtes présentations qui précèdent chaque nouvelle, mais elle apparaît grâce à quelques termes qui reviennent régulièrement: l'Arachnet ou le CRANE, par exemple.

Ces textes-là grouillent de belles trouvailles, des idées qui ne sont ni plus ni moins que des extrapolations logiques de ce qui existe déjà, de nos jours. Et ces visions font froid dans le dos, avec cette uniformisation accompagnée d'une douleur omniprésente. La douleur, voilà le thème central du recueil, plus que les connexions interrompues qui lui donnent son titre. Et à ce niveau-là, Ketty Steward tape très fort, très dur.

Et c'est bon - pour le lecteur, s'entend. Régulièrement on sent encore la plume qui se cherche, non pas au niveau du style, qui est maîtrisé, mais plus au niveau de la structure, qui laisse parfois quelques pistes non-suivies. Rien de bien grave, car le fond est là, un fond impressionnant. Et quand on achève une lecture sur un texte aussi formidable - fort, dense, émouvant - que "Ce qui compte", on ne peut qu'être content de connaître, pour de vrai, Ketty Steward.

Voilà. Et toc.

Copinage?

Rien à faire, vraiment.

Mais dis, Ketty, tu veux bien m'envoyer un texte pour Géante Rouge? Hein?

02/09/2012

Yves Dermèze - Le Titan de l'espace

Dermèze.jpgYves Dermèze. Voilà un grand ancien de la SF française que je n'ai pas lu depuis une éternité. A vrai dire, j'ai du lire de lui quelques romans, au tout début où je m'intéressais à la SF - j'étais ado - et vu la masse de livres que j'ai pu dévorer à cette époque, cela ne m'étonne plus guère que je ne souvienne plus de rien en dehors des Lumières, un chouette récit façon "mythe de la caverne" de Platon. Un bon point quelque part, car cela veut dire que ce que j'ai pu lire de Dermèze n'était pas assez mauvais pour me marquer. Et puis voilà que dans une brocante je tombe sur ce volume du Masque SF (1976), avec une couverture fort sympathique pour accompagner un titre: Le Titan de l'espace, roman initialement paru en 1954.

1954: autant dire que l'on se place au tout début de la SF française moderne. A cette époque, Yves Dermèze - qui n'est qu'un pseudonyme parmi d'autres de Paul Bérato, a déjà une bonne douzaine de romans à son actif, tous des petits romans populaires. Quand Le Titan de l'espace paraît, c'est dans la fameuse collection "Série 2000" de Métal (oui, les couvertures métalisées si chère à la SF en France viennent de là), une collection qui fut une des fondatrices du domaine d'après guerre, avec le Fleuve Noir Anticipation, Présence du Futur de Denoël et Le Rayon fantastique chez Hachette.

Dans Le Titan de l'espace, il est question de ce que l'auteur appelle un "être-force", une entitée immense, toute puissante, capable de voyager d'une galaxie à l'autre, et qui tire son énergie de la vie, qu'elle éteint d'un monde à l'autre. Chob, initialement, n'était pas seul. Mais la vie se faisant de plus en plus rare, les siens ont commencé à disparaître, et lui-même est sans doute un des derniers. Il est épuisé, d'ailleurs, voilà longtemps qu'il n'a croisé de planète porteuse de vie. Son "corps" s'éfiloche sur des années lumières. Et voilà qu'il croise un vaisseau spatial, venant de la Terre.

Aussitôt, il tue les membres de l'équipage et s'empare de leurs corps. Tous sont ainsi transformés en "robots", plus ou moins autonomes, tous sauf Robson, un obscur ingénieur, qu'un autre être-force, Akar, a sauvé. Cela fait longtemps qu'Akar reste à proximité de la Terre. Mais lui n'y a pas éteint la vie: il l'a cultivée, ne se nourrissant que des morts naturelles. Les êtres vivants de la Terre sont son bétail, et naturellement il va chercher à défendre son cheptel. Ainsi, un combat à mort entre Chob, Akar et Robson va s'engager.

Si l'on passe sous silence la relative pauvreté de style (relative car nous sommes clairement dans le domaine du roman populaire) et la simplicité psychologique des personnages, on retiendra de ce roman parfaitement bien structuté des images saisissantes. Notamment de ces entités, étranges, basée sur une physique que l'auteur ne maîtrisait sans doute pas, mais rendu crédible par un système logique interne impeccable. Notamment aussi du paysage social de ce futur lointain, avec un monde réduit, suite à une guerre nucléaire, à l'Amérique du Nord et à l'Europe unie, toutes deux devenues dictatures et voulant se faire la guerre, une guerre qui pourrait être la dernière. Car l'atome est partout dans ce monde visiblement devenu fou. C'est d'ailleurs ce qui sauvera une partie de la population: les être-force ne peuvent pénétrer les "écrans atomiques" sans perdre une grande partie de leur pouvoir. On retiendra aussi ce qui est sans doute la première invasion de zombies au monde, avec cette armée de corps manipulés que Chob met en place. Bref, ça grouille d'idées, et des bonnes. Ce Dermèze pouvait en 1954 sans conteste tenir tête à un Asimov ou à un Van Vogt (pour ne prendre que des auteurs américains sans style, mais à idées). Un petit roman brillant.