04/01/2012
Gaston Bouatchidzé - Le Frère de Cendrillon. Contes populaires géorgiens
Les recueils plus ou moins récents en français de contes populaires du Caucase sont rares. Si l'on fait exceptions des ouvrages de Mariel Tsaroieva sur les Tchétchènes et les Ingouches (lesquels sont d'ailleurs à manier avec précautions), et d'un recueil de contes ossètes récemment publié chez L'Harmattant sous la houlette de Yaroslav Lebedynski, il reste peu de choses. Si l'on remonte à la toute fin de l'époque soviétique, on trouve tout de même ce Frère de Cendrillon. Contes populaires géorgiens, choisis et traduits par Gaston Bouatchidzé, édité en 1988 par les Publications orientalistes de France à Paris et Radouga à Moscou. 171 p. presque intégralement consacrées aux contes merveilleux.
D'emblée ce recueil pose problème: Bouatchidzé s'abstient de mentionner ses sources, et tout au plus trouve-t-on, comme titre original, non pas un titre en géorgien, mais en russe! Il n'y a aucun apparat scientifique: on ne saura pas où ont été collecté les contes, quand et auprès de qui... Et évidemment on ne trouvera pas non plus de commentaires, et encore moins de classification des contes selon la typologie de Aarne et Thompson. Cette totale absence d'appareil critique est pour le moins étonnante pour une des Publications orientalistes de France, qui plus est patronée par l'UNESCO.
Bref, mais que trouve-t-on dans ce recueil. Ma foi la surprise est grande, car ces contes caucasiens sont très russisés, finalement. Changez les prénoms des personnages, transformez les dev (ces géants à têtes multiples) en dragons, et vous plongerez dans le recueil de contes russes d'Afanassiev. La structure, les motifs, sont les mêmes qu'en Russie. Ces contes sont profondément différents des contes ossètes ou encore tchétchènes et ingouches. Plus surprenant, ils sont même différents des contes oubykhs ou lazes, publiés en son temps par Georges Dumézil et dont pourtant la langue est apparentée au géorgien.
C'est à cela que l'on voit que les contes populaires peuvent être non seulement un objet d'émerveillement et d'études mythologiques, mais aussi un document d'histoire, en ce sens qu'ils aident à percevoir la richesse des échanges qui ont pu survenir en les peuples de différentes nations voisines.
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02/01/2012
Karl Reichl - L'épopée orale turque d'Asie centrale
Tiens, voilà longtemps que je n'avais pas parlé d'un truc sérieux, alors histoire de rattraper mon retard, voici du tout bon, avec le n°32 de la revue Etudes Mongoles et Sibériennes, paru en 2001.
Ce numéro est en effet pour l'essentiel constitué d'un énorme article de synthèse (plus de 155 pages) de Karl Reichl: "L'épopée orale turque d'Asie centrale. Inspiration religieuse et interprétation séculiaire" (p. 7-162.). Issu d'un cycle de conférences données en 1995 à l'Ecole Pratique des Hautes Etudes, cet essai possède le double mérite d'être court, volontiers intelligible par un large public, même de non-spécialistes, et surtout remarquablement synthétique.
Reichl présente d'abord les différentes formes que peut prendre l'épopée orale, essentiellement chez les Kirghiz, puis recherche ses sources et influences: musulmane d'un côté, bien évidemment (et l'auteur recherche donc les textes persans et arabes qui ont pu servir de modèle) et chamaniques d'un autre, ce qui oblige Karl Reichl à voir ce qui se passe chez les peuples turcs de Sibérie (les Yakoutes par exemple), mais aussi chez leurs voisins mongols proches: Bouriates et Kalmouks.
L'ensemble est au final très dense, remarquablement argumenté et construit, et se clôt par une bibliographie qui liste à la fois des sources, mais aussi présente des traductions d'épopées en langues occidentales (allemand, anglais, rarement français hélas).
Pour bien faire, ce numéro est intégralement en ligne ici, et sinon peut être commandé pour une misère (12€) là.
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27/12/2011
Jean et Doris Le May - Demain le froid
Lors d'une conférence organisé par une sorte de club informel regroupant des scientifiques de haut niveau venus de tous les pays du monde, un physicien français déclare pouvoir prouver que dans à peu près trente ans, le système solaire va pénétrer dans un nuage de poussières interstellaire de forte densité, ce qui va plonger le monde dans une période de bouleversement catastrophiques, essentiellement climatiques. Il faut donc d'urgence convaincre les gouvernements de collaborer et de préparer l'Humanité à ce changement.
Parallèlement, un scientifique japonais ose déclarer au grand jour que la plupart des gouvernements en question ont la preuve que des extraterrestres observent depuis longtemps la Terre, et que certains d'entre eux vivent même au sein de la population. Ces extraterrestres sont-ils là pour aider l'Humanité?
Il est évident que dans la carrière d'auteurs capables de publier un roman tous les trois mois, il y a des hauts et des bas. Demain le froid (1969) marque clairement un creux dans la production des Le May. Comme souvent chez eux, ce roman est fait de deux parties au style totalement différent, tout en ayant les mêmes protagonistes - comme s'il s'agissait de deux fragment mis bout à bout et uniformisés. La première partie est terriblement ennuyeuse. Le pire du pire dans le domaine de la SF de laboratoire. Même les Soviétiques n'ont pas pu faire plus bavard, puisque l'on a sur plus de cent pages le journal de la conférence scientifique ("Et je vais laisser la parole à mon honorable confrère et éminent physicien...", etc.). C'est lourd, indigeste, sans histoire, sans personnages intéressants.
Puis l'on passe subitement à un bien joli chapitre, cette fois en pleine campagne française. Puis l'on replonge dans le journal, et tout cela pour quand même s'achever sur un bien beau passage d'action. Cela ne suffit cependant pas pour rattraper l'ensemble, déséquilibré et bavard.
S'il fallait trouver une bonne raison de lire ce roman, elle serait peut-être d'ordre historiographique. En effet, Demain le froid est le parfait exemple du roman de SF gaulliste. La France y occupe une place centrale; on y célébre le fait qu'elle soit autant amie avec les Américains qu'avec les Soviétiques. On y vante son système de recherche qui favorise la pluridisciplinarité (le CNRS n'est pas nommé - nous sommes dans un roman de SF - mais il est clair qu'on pense à lui). Et finalement, un roman de SF gaulliste, ça n'est pas si banal que ça, surtout quand finalement en 1969 la SF française est soit apolitique, soit clairement marquée à gauche.
10:49 Publié dans Jean et Doris Le May, Livre, Planète-SF | Lien permanent | Commentaires (3)