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27/12/2011

Mike Resnick - Kirinyaga

Il est en général aisé de parler des dystopies. La SF aime ce genre: prédire des futurs sombres, tout en essayant d'être suffisamment crédible. Mais que dire quand il est question de bâtir une utopie? J'avoue alors être assez peu à l'aise, tant la chose est bien plus subtile, finalement. Du coup il n'est pas sûr que j'arrive à en dire quelque chose d'intelligent. Voilà sans doute pourquoi il m'a fallu plus de trois semaines avant de me décider à parler de Kirinyaga, de Mike Resnick.Resnick.jpg

Car Kirinyaga est censé être une utopie, mais pas du genre auquel on s'attendrait. Dans un futur indéterminé, il est possible d'aménager des astéroïdes en les dotant d'une gravité et d'une atmosphère terrestre. Et sur chaque astéroïde, des populations s'installent avec pour but de créer une utopie à leur goût. Ainsi, des Kikuyu s'installent sur Kirinyaga, et se donnent pour mission de reconstruire la société traditionnelle de leurs ancêtres, en rejetant totalement tout ce qui a été apporté au Kenya par les Européens depuis des siècles.

Koriba est un Kenyan, Kikuyu, brillant. Il a fait des études auprès des meilleures universités brittaniques et américaines, et pourtant, il se fait sorcier sur Kirinyaga, et devient donc le maître à penser de cette utopie. C'est son parcours (ou plutôt son absence de parcours) que Mike Resnick nous présente.

Absence de parcours, oui, car tout au long du livre, qui se compose de huit nouvelles encadrées d'un prologue et d'un épilogue, on peut voir que Koriba se révèle inflexible, totalement fermé à toute idée d'évolution, quels que soient les événements qui peuvent survenir sur Kirinyaga. Car pour que son système fonctionne, il faudrait que le système utopique soit totalement fermé. Or ce n'est pas le cas. Koriba lui-même a un ordinateur, qui lui permet de communiquer avec l'Administration des Utopies. Il est donc profondément hypocrite dans sa démarche - même s'il ne s'en rend pas compte - en interdisant à ses semblables ce que lui s'autorise. Cela, évidemment, finira mal.

Huit nouvelles, donc, dans lesquelles Resnick propose à chaque fois une variation sur le même thème: que se passe-t-il lorsque quelque chose pousse la société de Kirinyaga à s'adapter? En cela, le recueil est parfois redondant, car finalement tout est dit dès le premier texte: on sent bien que ce "retour à la terre" façon kenyane (finalement guère différent de sa forme pétainiste) ne pourra jamais fonctionner. Pourtant, ces huit textes sont nécessaires: car si à chaque fois la réponse est la même ("non, Kirinyaga ne fera pas appel à l'extérieur"), Resnick s'efforce de trouver une question différente et pertinente. Tout donne au final une lecture diablement intéressante, qui fait réfléchir sans ennuyer, d'autant plus que l'ensemble est servi grâce à un admirable talent de conteur (Resnick se sert d'ailleurs souvent de fables pour illustrer son propos), ce qui ne gâche rien.

11/12/2011

Au sujet de l'opposition en Russie

Tiens, juste un petit mot comme ça, au cas où. Ca fait déjà un moment que je retransmets sur Facebook, à mon petit niveau, les infos que je peux avoir sur ce qui se passe en Russie. Et que je soutiens, là aussi à mon petit niveau, ce que l'opposition peut faire, que ce soit en signalant les manifs, ou les actions sur le net. Pourtant, cette opposition ne devrait pas me plaire, puisqu'on y trouve les communistes (Guennadi Ziougianov), les nationaux-bolcheviks (Eduard Limonov), les libéraux (Boris Nemtsov, le parti Iabloko, et même Boris Strougatski!), les nationalistes, et quelques intellectuels comme Garry Kasparov. Parfois certaines personnes cumulent les étiquettes, comme Alexeï Navalny qui est à la fois un libéral et un nationaliste (et qui vient de se voir condamné à 15 jours de prison). Bref, tout et n'importe quoi sauf des socialistes et des socio-démocrates. Il est vrai que, selon la grille de lecture locale, Russie Unie, le parti de Vladimir Poutine, est officiellement un parti... de gauche. Si si, Poutine, ce grand ami de Berlusconi et de Sarkozy, est officiellement un homme de gauche. Le seul parti fréquentable de la scène politique russe devrait être Russie Juste, classé "centre gauche". Mais chacun sait qu'il n'est que le jouet du Kremlin, malgré une certaine volonté à s'émanciper.
Reste que Poutine n'est pas un homme de gauche. C'est un dictateur. Un organisateur d'élections factices. Il n'y a ni droite ni gauche pour un dictateur, mais seulement le pouvoir, et le profit personnel.
Alors voilà pourquoi j'accepte de soutenir des gens qui n'ont pas forcément les mêmes idées que moi, et que dans un tout autre contexte je qualifierais parfois d'infréquentables (les nationaux-bolchéviks). Parce que tout dictature, quelle soit de droite ou de gauche, est insupportable.

03/12/2011

Jean et Doris Le May - L'Odyssée du Delta

Et voilà. C'est donc parti pour un cycle de lecture consacré à Jean et Doris Le May, ce couple d'auteurs qui produisit parmi les meilleurs pages de la collection Anticipation au Fleuve Noir durant les années 70. Je n'ai hélas pas leurs trois premiers romans, et c'est donc par cette "enquête galactique" qu'il m'a fallu commencer, enquête qui porte fort mal son nom, L'Odyssée du Delta (1968), puisque du Delta en question, un gigantesque vaisseau de croisière, on ne verra que peu de choses.Delta.jpg

Nous sommes donc dans un futur très lointain, dans lequel l'humanité prend part à une Fédération Galactique, organisation pacifique règnant sur de multiples mondes. Et cette Fédération dispose d'un tout-puissant service d'investigations, Interco, lequel fait travailler ses employés en binômes. L'un de ces binômes, celui de Jeln Davril et de Veldro Olsen, se voit un jour confier une mission d'importance: le Delta a été détourné, et ses ravisseurs demandent en rançon plus de cent tonnes d'une matière particulièrement dangereuse. Ils doivent donc rassembler la rançon, puis se rendre au point de rencontre fixé par les mystérieux ravisseurs. Mais ceux-ci semblent être particulièrement redoutables: la façon dont ils se sont emparés du Delta, et dont ils s'y sont pris pour envoyer ensuite leurs messages montre qu'ils disposent d'une science et d'une technologie bien plus avancées de celles de la Fédération.

Pour cette nouvelle enquête, Jeln et Vedro devront s'associer à un autre binôme, formé de deux femmes, Joris Hagmar et Paule Riva.

Pour ce quatrième roman en moins d'un an, les Le May font déjà preuve d'une remarquable maîtrise. Certes, la taille des chapitres, variable à l'extrême, pourrait laisser penser que l'on a à faire à un roman déséquilibré: il n'en est rien. L'intrigue étant linéaire, les chapitres ne servent finalement pas à grand chose. Mais si linéaire qu'elle est, cette intrigue n'en est pas moins parfaitement construite, sans faille. On regrettera peut-être que la profondeur des personnages sonnent un peu artificielle, mais leur comportement, leurs réactions, sont elles toutes naturelles. Enfin, il y a l'histoire elle-même. Nul conflit, nulle guerre stellaire ici (une chose encore rare dans le domaine du space opera populaire), mais un premier contact, avec quelque chose d'énigmatique. Quelque chose qui, toute proportion gardée, n'est pas loin du Solaris de Lem. Le tout dans un petit roman parfaitement lisible par tous. On peut alors sans crainte avancer une comparaison avec Star Trek (la série originelle ou la nouvelle génération).

Clairement, les Le May pouvaient d'ors et déjà être considérés comme de vrais et bons auteurs professionnels. On attend alors plus que les belles images poétiques qu'ils introduiront par la suite dans leurs oeuvres.