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17/08/2018

E. C. Tubb - Les Vents de Gath

Tubb.jpgJe dois posséder une dizaine de volumes de la série "Dumarest", écrite par E. C. Tubb de 1967 à sa mort, et même si c'est un auteur que j'apprécie beaucoup, je n'en avais encore jamais ouvert un seul. Il était temps de rattraper ce retard, avec le premier tome, Les Vents de Gath

Earl Dumarest est un homme étrange, il voyage de monde en monde à la recherche de la Terre. Il est né sur cette planète, mais il s'en est enfui à l'âge de 10 ans, et depuis, il en a oublié le chemin. Or la Terre est devenu un monde secret, à l'écart, oublié de tous. Dumarest arrive un jour par erreur du Gath. Gath est un trou perdu de la galaxie, un monde qui ne vit que par le tourisme: des visiteurs venant chaque année assister à une tempête dont la particularité est d'être accompagnée de vents mystérieux porteurs de voix. 

Pauvres comme puissants arrivent ici. Et parmi les puissants, voici que débarque la Matriarche de Kund, avec toute sa suite. Une vieille femme qui s'accroche au pouvoir et qui s'apprête à nommer celle qui doit lui succéder. Une situation qui ne manque pas d'attirer les tueurs armés par des factions rivales.

Voilà un roman fort sympathique, avec un univers qui tient debout: on sent déjà que Tubb a envie de l'explorer dans des suites. Pour autant, il n'est pas nécessaire de lire ces suites: l'histoire propre à ce volume s'achève bien à la dernière page de celui-ci, sans laisser de fil narratif en plan. Cependant, Les Vents de Gath est aussi un roman très tributaire d'influences passées, et on sent notamment le poids de Leigh Brackett. Earl Dumarest est en effet comme un jumeau d'Eric John Stark: endurant, increvable, maître de ses émotions, tout peu lui arriver, il s'en sortira quand même, fusse dans un état lamentable.

Comme d'ordinaire avec les premiers volumes de la collection Galaxie-bis, deux courtes nouvelles accompagnent ce roman. Elle sont de Fredric Brown et Mack Reynolds pour l'une, et de Clifford Simak pour l'autre. Les deux sont anecdotiques. 

11/08/2018

Stephen King - Le Fléau

Fléau.jpgVoilà des années que je n'ai plus lu de roman de Stephen King. Certes, ce que j'ai lu de lui m'a beaucoup plu, mais d'une manière générale, l'horreur a tendance à m'ennuyer. Mais j'ai récupéré récemment Le Fléau, un énorme roman qui se présente comme une œuvre de SF: un virus au taux de mortalité ahurissant s'échappe d'un complexe scientifique secret américain et éradique en à peine trois semaines plus de 99% de la population. Et en un peu moins de 1200 pages, Stephen King va décrire le devenir d'une grosse vingtaine de personnages, du début de l'épidémie à ce qui n'est pas vraiment un épilogue, un an après. Une description clinique, s'attachant au trajet de quelques survivants et s'offrant le luxe de donner quelques instantanés parlant des morts. De ceux qui ne sont "pas une grande perte". Sa description de la plongée progressive des USA dans le chaos est glaçante... un chaos d'ailleurs aggravé par la volonté des autorités de ne surtout pas dévoiler le fait que la maladie est d'origine artificielle. Les survivants ne sont donc qu'une poignée, dispersés un peu partout. Ils ne connaissent pas les raisons de leur survie, et de fait, leur diversité est importante: des vieillards, des enfants, des intellectuels, des attardés mentaux. 

Tous cependant, se mettent à faire des rêves. Les uns rêvent d'un homme noir, à l'Ouest. Des rêves glaçants, mais hypnotiques. Les autres rêves de Mère Abigaël, une centenaire noire, qui passe ses journées à s'occuper de son antique maison, à jouer de guitare et à rester assise sur une balançoire faite d'un vieux pneu. L'homme noir et mère Abigaël vont devenir les deux pôles de la nouvelle société qui va se former.

Stephen King a un don pour brosser le portrait de ses personnages en quelques lignes, pour les rendre vivants. Il les rends tous intéressants en peu de mots, et le lecteur ne peut que vouloir en savoir plus ce qu'il va leur arriver, qu'ils soient de gentils paumés, ou de dangereux criminels. Et Le Fléau peut se lire comme une passionnante chronique de l'après-maladie, de cette manière qu'on les êtres humains de chercher à reconstruire la même chose, à refaire les mêmes erreurs, quand de nouvelles bases pourraient être posées. Aussi ce roman aurait pu être un modèle du roman apocalyptique: sombre, cruel, mais en même temps ouvert sur le futur.

Malheureusement, Stephen King n'est pas un auteur de fantastique pour rien. L'homme noir et mère Abigaël sont réellement dotés de pouvoir particuliers. Les rêves ont une fâcheuse tendance à se réaliser, de même que les miracles. Et ce côté mystique gâche tout de même la lecture: cette religiosité, basée sur un manichéisme assez peu subtil, fait que Le Fléau est certes un tourne-page efficace, mais n'est pas pour autant un grand roman, sauf par son volume.

Une note pour finir, concernant l'édition. Par chance, l'édition que je possède est celle de France Loisir. Un éditeur qu'on a plutôt l'habitude de dénigrer, mais qui a fait ici un beau travail, d'abord en choisissant une illustration de couverture autrement moins laide que les versions en poche, mais aussi en incluant les illustrations de Bernie Wrightson (même si elles sont parfois disposées un peu au hasard). Tout cela dans un fort volume relié avec signet et jaquette. 

24/07/2018

Daniel Walther (dir.) - Les Soleils noirs d'Arcadie

Soleils.jpgDepuis le début des années 70, la SF française est en pleine mue. Des tentatives sont faites par divers auteurs pour acquérir un style plus relevé que l'écriture efficacement narrative en usage d'ordinaire, et surtout, la politique fait son entrée en force, depuis mai 68.

L'anthologie Les Soleils noirs d'Arcadie, dirigée par Daniel Walther et publiée en 1975 dans la collection Nebula des éditions Opta, s'est voulue le reflet de cette mutation, de cette maturation, une sorte de Dangerous Visions à la française.

Qu'en reste-t-il, plus de quarante ans après? Que valent maintenant ces quatorze textes?

De la nouvelle de Bernard Mathon, je ne peux rien dire, simplement parce qu'à la fin de la lecture du volume, je ne m'en souviens déjà plus... En revanche, Vaches grasses, vaches maigres, de Dominique Douay, a gardé toute sa force: que se passerait-il si l'État de droit commençait à se déliter, libérant la violence, forçant les gens à se retrancher dans leur maison? Vaches grasses... est un texte apocalyptique implacable. Les Imputrescibles de Patrice Duvic se laisse toujours lire mais n'emporte pas l'adhésion. L'idée, tournant autour de la notion d'ordure (dans tous les sens du thème), aurait mérité un texte plus développé. Salut Wolinski! de Jean-Pierre Andrevon relève du trash le plus gratuit. Dans le futur qu'il imagine, tout semble permis. Ainsi un homme a pour métier d'être terroriste à plein temps. Il passe ses journées à errer d'un quartier à l'autre et à tuer au hasard, par tous les moyens possibles, sans jamais être arrêté par qui que ce soit puisqu' "il a le droit". Malheureusement, une fin un peu bâclée vient gâcher un peu ce texte. ACME ou l'anti-Crusoé de Gérard Klein nous révèle ce qui peut passer par la tête d'un cosmonaute envoyé vers une autre étoile, et qui revient enfin aux approches de la Terre alors que l'humanité a disparu. Non seulement ce texte est formellement une réussite, même s'il fait le pari d'une déconstruction similaire à celle de l'esprit du cosmonaute, mais il est aussi dans le propos. Un bijou.

Dernière autoroute pour le Seigneur, de Jean Le Clerc de la Herverie est absolument sans intérêt. Un dieu bienveillant (Gwenn) et un autre maléfique (Du), s'affronte sur font d'embouteillage géant. Je n'ai gardé aucun souvenir de Vibrax, de Yves Olivier-Martin. Là encore, c'est mauvais signe. Michel Jeury, avec Les Transpondus, fait à nouveau joujou avec le temps, comme à son habitude. Mais est-ce vraiment le temps, d'ailleurs, ou une illusion fournie par un nouvel appareil de contrôle des esprits? 

Ne lisez pas! de Pierre Suragne (alias Pierre Pelot), est astucieux en diable... Patientant dans un cabinet médical, un homme prend un livre, entame la lecture d'une nouvelle... et y découvre raconté tout ce qu'il vient de vivre, et la suite. Mais là encore, tout ceci est-il bien réel? Des Humains... ou des poissons d'une espèce hybride, de Gilbert Michel est un beau texte très poétique, dans lequel il ne faut pas chercher à tout comprendre et accepter de se laisser porter par les mots. Il en est de même pour Observations en vallée fermée, d'Henry-Luc Planchat, assurément un des meilleurs textes (mais aussi un des plus courts) du recueil. En revanche si je n'ai rien compris à Super-jam pour Noël rouge, de Joël Houssin, cette absence de compréhension n'a pas été compensé par le style. Ce texte m'est resté totalement hermétique. V.V. de Jean-Pierre Hubert est un joli manifeste soixante-huitard. Sur une planète lointaine, colonisée par l'homme, mais ne possédant qu'une seule cité, tout est aseptisé, entretenu jusqu'à la maniaquerie. Quelques rares personnes entre dans la clandestinité en devenant graffeurs, taguant autant en des lieux sensibles, n'hésitant pas à tuer pour échapper aux gardiens de l'ordre. Enfin, Passion sous les tropiques de Philippe Curval est un brin à part: il s'agit en effet d'une sorte d'uchronie, un genre encore fort rare alors, dans laquelle les Mayas ont atteint un stade industriel de civilisation, mais sont toujours sous l'emprise des prêtres. Pire: leur sexualité est totalement contrôlée, seules deux périodes de rut par an étant admise, le mot amour étant même absolument proscrit. Une excellente nouvelle pour clore ce recueil.

Que dire au final? Oui, c'est inégal. On trouve ici de l'excellent, du bon, et du mauvais. Mais il faut noter cette volonté des auteurs à vouloir briser les cadres d'alors, qu'ils soient narratifs ou de l'ordre des idées. Il faut déstabiliser, choquer, heurter le lecteur, et à ce titre, Les Soleils noir d'Arcadie valent le détour.