01/05/2019
Liu Cixin – Le Problème à trois corps
Lorsqu'on est amateur de science-fiction, il faut reconnaître que l'essentiel des ouvrages lus dans ce genre est le fait d'auteurs anglo-saxons, et, à un degré moindre, d'auteurs francophones. Les auteurs n'existent quasiment pas sur le marché français. Or voici donc un Chinois, Liu Cixin. C'est déjà un phénomène en soit. Mais il n'est pas venu directement de Chine: comme tant d'autres, il lui a fallu l'adoubement, par la grâce d'un autre Liu, Ken, du lectorat américain pour avoir une chance de percer ailleurs, et notamment en Europe. En France, ce sont les éditions Actes Sud qui ont traduit ce roman: Le Problème à trois corps.
L'action démarre en Chine, durant la période la plus dure de la Révolution culturelle. Les différentes factions des Gardes rouges se déchirent, et les milieux intellectuels sont purgés de leurs éléments considérés comme réactionnaires. Le père de Ye Wenjie, une physicienne, est ainsi tué publiquement. Elle-même est déportée en province, contrainte de travailler à de grands chantiers de défrichement, jusqu'à ce qu'un jour elle se retrouve intégrée à une base scientifique secrète, Côte Rouge, un gigantesque radiotélescope expérimental.
Mais l'action se passe aussi de nos jours, là encore dans les milieux scientifiques. De mystérieux problèmes surgissent, empêchant des chercheurs pourtant brillant de travailler. Wang Miao, chercheur dans le domaine des nanomatériaux, voit par exemple s'afficher perpétuellement un compte à rebours l'intimant de cesser toute recherche dans son domaine. D'autres chercheurs sont morts: on dit qu'ils se sont suicidés.
Voilà donc un roman qui est arrivé sur le marché comme LE grand truc qu'il faut lire, au point même de décrocher un prix Hugo en 2015. Un prix Hugo, donc américain, à un auteur non-anglo-saxon, qui plus est chinois, c'était tout de même un signal fort.
De fait, c'est un roman intéressant, farci d'idées parfois vertigineuses. La lecture en est aisée, et on tourne les pages facilement. Mais à mes yeux, ce n'est pas un grand roman. Sur le fond, par exemple, il n'est pas tout à fait neuf. Le postulat de scientifiques empêchés de travailler par un puissance autre, supérieure (extra-terrestre?) est strictement le même que celui de Un milliard d'années avant la fin du monde, d'Arkadi et Boris Strougatski. Durant toute la lecture je n'ai pu m'empêcher de penser que Liu Cixin s'est inspiré de ce texte. On notera par ailleurs que du point de vue du ton, ce roman de science-fiction chinoise aurait très bien pu être soviétique: on n'y trouvera pas de sexe, pas de violence gratuite, pas de jurons.
Mais là où les Strougatski livrent un récit dense, court, et ouvrant sur une fin vertigineuse, Liu se veut moderne, en produisant un texte épais croisant les fils narratifs. Et c'est là un des défauts du roman chinois: en croisant le destin de plusieurs personnages pourtant intéressants, il les survole du point de vue psychologique, et seule Ye Wenjie possède un semblant d'épaisseur. De plus, si les fils narratifs se croisent, il n'empêche que la progression de l'intrigue est totalement linéaire: les flash-backs n'interviennent que lorsqu'ils sont strictement nécessaire à l'intrigue se déroulant dans le temps présent. Et du coup, pour certain, leur insertion dans la narration est plutôt artificielle.
Bref, ce n'est pas un grand roman, il n'en reste pas moins un bon roman qui aura eu le mérite de susciter mon intérêt pour la science-fiction venue de Chine, moi qui pour l'instant n'avait lu que les bandes-dessinées de Zhang Xiaoyu.
13:23 Publié dans Livre, Planète-SF | Lien permanent | Commentaires (2)
14/04/2019
Claude Joste – Le Chandelier de Noël (1967)
Je ne suis pas très polar. Je n'en lis quasiment pas, en regarde fort peu au cinéma ou en série. Je trouve ça trop proche du réel, alors que pour toute mes lectures, il me faut un décalage par rapport à mon espace et à mon temps. Mais lorsque qu'un roman policier commence à être ancien (1967 dans le cas présent), le décalage temporel commence à être effectif. Du coup, en trouvant celui-ci dans la bibliothèque parentale, j'ai voulu essayer. Un essai d'autant moins difficile que le roman est fort court. Voici donc Le Chandelier de Noël, premier roman de Claude Joste.
Jacques Morin est steward chez Air France. À l'issu d'un vol ordinaire, il se fait pincer en atterrissant aux USA: sa valise, dotée d'un double-fond, contient de la drogue. Arrêté, il clame une semi-innocence: il savait qu'il convoyait quelque chose d'illégal, mais pour lui, il s'agissait de bases de parfums. On lui propose alors un deal: sa peine sera réduite s'il permet de faire tomber ses destinataires. Morin accepte, et une partie du réseau est ainsi capturer. Il est cependant envoyé en prison, mais au bout de six mois, il peut bénéficier d'une remise de peine. De retour en France, il n'a qu'une seule envie: disparaître, car il sait que le syndicat à qui devait être livrée la drogue le poursuivra où qu'il ira. Il cherche alors à recontacter la femme qui lui a proposer de convoyer les "parfums".
Voilà un petit roman, dans tous les sens du terme, mais pas du tout indigne. L'intrigue est classique, mais elle bénéficie d'une fin en pied de nez qui pourrait passer pour un deus ex machina si elle ne faisait simplement que prendre le lecteur à rebrousse poil en lui montrant si ce qu'il avait lu jusqu'ici lui semblait tenir debout seul, il n'en était rien. Mais il est difficile d'en dire plus sans trop en dévoiler.
Claude Joste n'est pas un grand styliste, mais il raconte honnêtement, une histoire assez bien construite. N'ayant rien de révolutionnaire, vite lu, ce roman aurait pu cependant donner un bon téléfilm.
18:56 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0)
18/02/2019
Charlemagne-Ischir Defontenay - Star ou Ψ de Cassiopée
Publié initialement en 1854, Star ou Ψ de Cassiopée de Charlemagne-Ischir Defontenay est un pur OVNI littéraire. Ce n'est pas un roman, ni un recueil de nouvelles ou de poésie. C'est un traité historique et ethnographique du même genre que ceux qu'on publiait alors sur les pays d'Asie, par exemple. À ceci près qu'il concerne un autre système stellaire, celui de Star ou Ψ de Cassiopée. Les textes s'y présentent comme la traduction de manuscrits découverts dans une météorite dans l'Himalaya, puis patiemment déchiffrés. On nous donne ainsi à lire une histoire des Stariens, un peuple humanoïde créateur de plusieurs civilisations originales, qui se sont cependant effondrées sous les coups d'une terrible maladie. Une poignée de survivants a cependant pu fuir dans l'espace, pour coloniser les autres planètes du système, où ils ont rencontré là encore d'autres civilisations.
Suivent, après cet historique, des fragments de la culture starienne: des textes littéraires, des pièces de théâtre, des poésies. La forme du livre est d'autant plus surprenante que la partie "terrienne", qui relate la découverte des documents et leur lecture, est entièrement rédigée en vers.
Il est difficile de décrire dans l'ensemble cette œuvre hors normes, dont la date même de publication surprend, tant elle contient d'éléments absolument originaux non seulement pour l'époque, mais aussi pour les décennies à venir.
Star ou Ψ de Cassiopée est un bijou, et sa réédition chez ArchéoSF est une excellente chose.
12:21 Publié dans Livre, Planète-SF | Lien permanent | Commentaires (4)