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23/07/2019

E. C. Tubb – Derai

Derai.jpgJ'aime beaucoup ce que j'ai pu lire de E. C. Tubb, qui offre en général des récits d'une SF certes classique, mais bien construit, intelligents, et avec des personnages forts et attachants. J'ai découvert sur le tard sa série "Dumarest", avec le premier volume Les Vents de Gath, et je n'ai que trop tardé à enchaîné avec le deuxième tome, Derai.

Dumarest, toujours à la recherche de la Terre, passe de monde en monde, en se louant au passage comme homme demain ou simple gladiateur. Sur un monde qu'il souhaite quitter, le régisseur lui confie Derai, une jeune femme qui cherche un protecteur pour retourner chez elle. Dumarest embarque ainsi pour la Ruche, un monde gouverné par onze grande famille. Derai est l'héritière de l'une d'elles, et elle est télépathe. Un don rare, voire unique, qui attire les convoitises, d'autant plus qu'on aimerait bien sonder l'esprit du Vieux, un homme maintenu en vie depuis des décennies grâce à l'unique production de valeur de la Ruche, l'ambroisie, mais qui est maintenant totalement coupé du monde, son cerveau étant déconnecté de ses cinq sens.

Avec son récit mené tambour battant et la description de ce monde à la limite de la fantasy, Tubb atteint son objectif: distraire. Et il le fait bien. Il ne faut guère de temps pour avaler ce récit en se disant une fois la dernière page tournée: encore!

En revanche, les deux nouvelles qui accompagnent le roman, dans l'édition de chez Opta, signées William Tenn et Raymond E. Banks, sont totalement sans intérêt.

Henri-Luc Planchat – Derrière le néant

Planchat.jpgJ'ai dans ma bibliothèque un stock assez important d'anthologies anciennes, et il faut bien avouer que je suis loin d'avoir tout lu. De temps en temps, je tente un rattrapage et ma pioche de ces derniers jours m'a fait découvrir Derrière le néant, dirigée par Henri-Luc Planchat (1973, Marabout). 

Sous une très belle couverture (comme d'ordinaire concernant Marabout à cette époque), on découvre ainsi une sorte de best-of du fanzine L'Aube enclavée, et à ce titre la préface pourrait sembler prétentieuse, tant Henri-Luc Planchat semble fier de ce qu'il a fait. Cependant, la lecture du volume lui donne clairement raison. Il faut qu'il est allée puiser aux bonnes sources: la revue New Worlds, de Michaël Moorcock, ou encore l'anthologie Dangerous Visions d'Harlan Ellison, qui n'était alors pas encore traduite.

Bien sûr, certains textes ont vieilli. "Autodafé" de Roger Zelazny est même carrément mauvaise. Mais on trouve aussi une belle poignée de bijoux, voire de chef d'œuvre. Les deux nouvelles de Cordwainer Smith, bien sûr, extraites de ses Seigneurs de l'Instrumentalité. Celle de Ballard, extraite de Vermillion Sands. Celle de Gordon Eklund est particulièrement touchante, de même que celle de Joe L. Hensley. 

Tous ces textes reflètent une SF alors en pleine mutation et dont on commençait alors à prendre connaissance en France. Une SF qui a mes yeux est restée la meilleure, et qu'on peine de nos jours à dépasser.

Vill Lipatov – Fedor Aniskine, détective de Sibérie

Lipatov.jpgDans ma quête du polar soviétique, j'ai cru tomber sur quelque chose de plus ancien que les romans des Weiner, avec Fedor Aniskine, détective de Sibérie, de Vill Lipatov. Mais il ne s'agit pas ici de polar, et la couverture rigolote offerte par les Éditions du Progrès à ce volume aurait dû me mettre la puce à l'oreille.

Fedor Aniskine, certes, fait partie de la Milice. Mais il est garde-champêtre, dans un petit village de Sibérie, dont il est de fait le seul gardien de la paix. Il a soixante ans, il a combattu durant la Guerre Civile, puis durant le Seconde Guerre mondiale. C'est un parfait communiste, un ancien héros. Mais il est aussi un géant, et gros, très gros. Sa journée de travail, entrecoupée de repas et de siestes, le pousse à arpenter le village et à se tenir prêt à résoudre tous les problèmes. Et des problèmes, il y en a: on a volé l'accordéon du président du Club, on a volé des matériaux à la forge, on a tué un élan dans la taïga. Et Fedor Aniskine, toujours, découvre le coupable. Car, étant un peu la mémoire de l'endroit, il connaît tout le monde jusqu'au fond de son âme. Il ne lui faut guère de temps pour résoudre les énigmes qui se posent à lui.

Cependant, Fedor Aniskine est plus qu'un détective. C'est un personnage, un bonhomme. Un genre de Don Camillo rouge, qui veille sur ses ouailles comme s'il s'agissait de ses enfants. Et il le fait à sa manière, sans forcément respecter les directives qui viennent de la ville. Pour cela, il est respecté de tout le monde, "papa" Aniskine. 

Ainsi découvre-t-on, au fil des nouvelles qui composent ce volume, un personnage attachant, haut en couleur, qui nous mène du rire aux larmes, et décrit par Lipatov avec beaucoup de tendresse, de finesse. Si Aniskine a de prime abord l'air d'un rustre, il n'en est rien, et le dernier récit, qui occupe à lui seul un tiers du volume, porté qu'il est par une véritable enquête policière, finit par achever son portrait: celui d'un homme simple, en effet, qui a vécu quarante ans au même endroit, servant avec fidélité ses concitoyens et l'État, mais qui finit par se rendre compte, avec désarrois, à l'aube de la retraite, que son petit monde (y compris sa famille) va bientôt changer.
Fedor Aniskine, détective de Sibérie, s'avère ainsi un petit bijou, une véritable découverte pour moi, et la preuve que l'on peut produire une oeuvre à la fois marquée par l'idéologie dominante et brillante malgré tout. 

18:37 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0)