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05/02/2011

Darnaudet / Girodeau / Ward - Le Glaive de Justice

Difficile, toujours, de critiquer un livre co-écrit et édité par son propre éditeur - et néanmoins ami, à savoir Philippe Ward. Pas question pourtant de tomber dans le lèche-bottisme ou l'hypocrisie, bref, tant pis, je me risque: il me faut parler du roman Le Glaive de Justice, tome 1 de la saga de Xavi El Valent, par François Darnaudet, Gildas Girodeau et Philippe Ward, publié chez Rivière Blanche.

 

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Difficile déjà de faire l'impasse sur la couverture, de Christophe Palma, dont la version en noir et blanc présentée il y a quelques mois sur Facebook avait bien plus de force. Difficile aussi de ne pas s'arrêter sur le chapitre introductif, lourd à souhait tant il prétend mettre en place les éléments, présenter l'univers dont il est question: le Katland et le royaume d'Ock, version alternative de tout notre versant nord des Pyrénées, dans une version tout aussi alternative de notre XIIIe siècle: le style y est parfois tout aussi lourd que dans un manuel d'histoire de collège. Difficile enfin de passer sur des personnages sans grandes nuances, avec des grands méchants qui font irrésistiblement penser à ceci.

Bref, tout pour rebuter...

Sauf que...

En réfléchissant un peu, en remettant la chose en contexte, on est bien forcé d'avouer qu'il faut en continuer la lecture. Ce roman est publié chez Rivière Blanche, un éditeur qui revendique sa filiation avec le Fleuve Noir Anticipation des années 70. Pas question ici de grande littérature, mais plutôt de littérature populaire, à tendance feuilletonnante. Objectif atteint avec Le Glaive de Justice, même s'il s'agit de fantasy et non de SF. Car on sait très bien que les trois auteurs sont capables d'un tout autre niveau littéraire, et l'on est donc en droit de penser que ce qu'ils ont écrit là relève d'une démarche volontaire.

Le lecteur est donc invité avant de se plonger dans le livre, à abandonner la moitié de son cerveau sur la table de chevet à côté de lui, et à laisser le reste réfléchir à tout ce qui fait le sel de ce roman: des allusions, des clins d'oeil, et surtout, une bonne dose de bouffonerie et de délire de plus en plus outrancier. Ainsi croisera-t-on une Olympe de Fois qui cumule en elle-même les deux Jeanne (Jeanne Hachette et Jeanne d'Arc), un lapin-tigre tout droit sorti du Sacré Graal des Monty Python, et même un tigro-raptor, dinosaure venu des Carpathes, et nommé Too, donc le Rap'Too. Si si.

Et finalement, on se laisse entraîner pour quelques heures dans ces aventures rocambolesques, dont on en vient à se moquer pas mal de la vraisemblance; on rigole, on s'amuse. Ca tombe bien, c'est justement ce qu'on fait les auteurs... Reste à n'espérer qu'une chose: que pour la suite, les trois compères n'en viennent pas à se prendre trop au sérieux.

23/01/2011

Ayerdhal - La Bohême et l'ivraie

Ca n'est pas malin. Quand on est à moitié malade, fatigué à force d'accumuler travaux et responsabilités, de n'avoir plus que cinq heures de sommeil par nuit quand il en faudrait huit, non ce n'est pas malin que de se replonger dans un roman pourtant déjà lu il y a plus de dix ans. Car bien évidemment, les nuits qui ont suivi en ont été encore plus courtes. Enfin bref, quand on est bête...

J'avais donc déjà la toute première édition de La Bohême et l'ivraie d'Ayerdhal, parue en 1990 en quatre volumes dans la défunte et très regrettée collection Fleuve Noir Anticipation. Et voilà qu'il m'a fallu racheter l'édition de 2000, toujours au Fleuve Noir, mais en grand format et en un seul volume, et surtout avec un texte revu et corrigé par l'auteur.

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De quoi s'agit-il donc? D'un space opera. Bon, normal au Fleuve Noir à l'époque. Oui, mais aussi d'un roman politique, et d'un des plus subtils.

L'Homéocratie est une sorte de fédération rêgnant sur plusieurs centaines de mondes et dotée d'un parlement manifestement démocratique, secondé par une toute puissante Commission d'Ethique. L'Homéocratie règne donc pour le bonheur de tous depuis plus de deux millénaires. Tout pourrait sembler être parfait, s'il ne se trouvait des esprits forts, jeunes, souhaitant un peu secouer ce qui leur semble être un carquant, une société qui échange la liberté contre le confort. Ces jeunes, regroupés dans une mouvement informel, sont les Bohêmes.

Imaginez maintenant une forme d'art ultime, le kineïrat, permettant à des artistes de projeter directement dans la tête des foules des illusions de tous types, mettant en jeu tous les sens. Cet art est entièrement sous la coupe d'un Institut, qui en surveille jalousement les règles.

Que se passe-t-il maintenant si de jeunes kineïres trouvent eux aussi ces règles trop strictes et s'en viennent à rejoindre les Bohêmes? Une révolution, forcément. Une révolution artistique et sociétale.

Ylvain, c'est de lui ici qu'il s'agit, est exclu de l'Institut, et voulant malgré tout devenir kineïre, s'en va de monde en monde, se perfectionnant à coup de tatonnements, avant de rencontrer sur Still les Bohêmes, dont la mystérieuse Ely, qui vont donner un sens à son errance et à son art. Mais l'Homéocratie n'entendra pas ainsi se faire bousculer sur ses bases et abandonner à ces gens une trop grande liberté individuelle... L'ensemble tiendrait presque dans une seule question: grand âge signifie-t-il sagesse?

La Bohême et l'ivraie est un premier roman et cela se sent. On y trouve évidemment des défauts de jeunesse: des histoires de fesse un chouillat trop culcul, des fils narratifs abandonnés en cours de route, des incohérences civilisationnelles (de la presse écrite dans plusieurs millénaires? des soldats humains dans une société où tout est robotisé?), quelques termes pseudo-exotiques mais qui ne trompent personnes (maës, quand on devine derrière maestro...). Mais on passe aisément outre. Ayerdhal a su dès le départ développer un vrai talent de conteur (chose importante évidemment, lorsqu'on écrit un roman sur l'Art!), et l'on est littéralement emporté par la lecture, jusqu'à en oublier l'heure qui passe. Dommage: je n'ai encore pas dormi cette nuit.

Tant mieux: j'en ai tiré un plaisir immense.

21/01/2011

Alain Goraguer - La Planète sauvage

C'est bête, mais je n'ai pas la moindre intention de parler de La Planète sauvage, le film de Topor et Laloux. J'adore l'oeuvre de Topor, le scénario du film, basé sur un roman de Stefan Wul, est vraiment intéressant, mais sa technique a hélas bien trop vieilli, l'animation étant finalement trop saccadée, les personnages trop rigides: de ce point de vue, le film ne supporte pas la comparaison avec d'autres oeuvres de la même époque (1973).

L'originalité du film, par contre est indéniable, et elle tient en partie dans sa bande son. La musique a en effet été confiée à Alain Goraguer, un jazzman qui s'est rendu célèbre en arrangeant des albums de Serge Gainzbourg jusqu'en 1964, puis pour un grand nombre de célébrités de la chanson française, de tous genres et tous styles. Il s'est aussi déjà fait connaître pour d'autres musiques de films (28 en tout de 1954 à 1973). Et la façon dont il s'en sort avec son premier film de science-fiction est simplement remarquable. Imaginez une sorte mix entre l'Ummagumma ou le Meddle des Pink Floyd, donc la période post The Man and the Journey, et les premiers essais de Tangerine Dream, période Electronic Meditation et Alpha Centauri.

Goraguer ici utilise relativement peu d'instruments électroniques, use au contraire de tout ce qui fait la base du rock, le trio guitare (presque systématiquement branchée à une pédale wah-wah), basse, batterie, avec en renfort flûte traversière (instrument alors à la mode) et orgue. Pourtant, l'ensemble sonne indéniablement krautrock (du fait de nombreux bruittages étranges - pour faire SF, dira-t-on), même si on ne peu s'empêcher d'avoir Gainzbourg à l'esprit lors de certains morceaux.

Cela donne en tout cas un album brillant, malheureusement introuvable de nos sauf en téléchargement...


 

 

Allez, histoire de casser l'ambiance, pensons aussi qu'Alain Goraguer est coupable de ça...