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08/05/2012

Jean et Doris Le May - Les Trophées de la cité morte

Trophées.jpgUn lointain futur. Une catastrophe, sans doute due à l'Homme, a eu lieu et a ravagée la Terre. L'Humanité ne survit plus que sous forme de petits clans soumis à une organisation strictement matriarcale. L'homme ayant par le passé détruit la civilisation, c'est donc maintenant la femme qui a le pouvoir. Un pouvoir strict et sévère: l'homme n'est plus qu'un outil, le serviteur de la femme. Mais Ion et celle qu'il aime, Sri Ea, n'entendent pas laisser les choses ainsi. Ils veulent rester ensemble tandis que Mara Han Sul, la maîtresse du clan, voudrait les séparer, et envoyer Ion dans un autre clan. Ion se rebelle et lance un défi.

Il doit alors se lancer dans une course, contre un chasseur de l'autre clan, en direction de la Cité morte, et en ramener quelque chose que tout le monde pense inaccessible: un trophée prélevé sur une chimère, un de ces monstres qui hantent les ruines antiques. Mais Ion n'écoute que son courage et se lance dans l'aventure.

Avec Les Trophées de la cité morte, les Le May publient en 1971 un roman qui de nos jours serait sans doute publié en collection pour la jeunesse. L'intrigue est simple, le cadre classique. Et pourtant c'est une belle réussite. Ce roman ne souffre d'aucun temps mort, et surtout son contexte, qui semble simpliste, ne l'est pas tant que ça. Bien sûr on a là le récit de la rébellion d'un jeune homme face à une société qui l'étouffe. Mais il ne souhaite pour autant pas détruire cette société: juste en fonder une autre, ailleurs. A chacun sa vie. De même, l'idée d'une société strictement matriarcale imposant une quasi servitude aux hommes aurait pu être à l'origine de propos plus ou moins misogynes: il n'en est rien. Ion et Sri Ea veulent être égaux. Bien sûr Ion est plus fort physiquement et sera dévoué aux tâches difficiles, mais chacun, pourtant, aura son rôle à jouer dans la lutte contre les chimères, ces reliques des temps passés.

Clairement, les Le May se hissent ici au niveau des meilleurs romans de Stefan Wul. On pense à Niourk, notamment, qui fut lui-même régulièrement réédité dans des collections pour la jeunesse. Les Trophées de la cité morte mériteraient d'être redécouverts.

31/03/2012

Jean et Doris Le May - Les Cristaux de Sigel Alpha

Continuons notre exploration de l'univers des Le May avec Les Cristaux de Sigel Alpha (1971), un roman qui prend place dans le cycle des enquêtes galactiques. Somelekan Greer est un prospecteur: doué d'un talent rare, il n'a pas son pareil pour détecté dans toute roche ou tout terrain les cristaux les plus précieux. A ce titre, il est admis à prospecter sur la très fermée Sigel Alpha, une planète dont la géologie particulière a justement pu engendrer des cristaux de tous type d'une valeur immense. Contrôlée par la Ligue des Gemmologues, Sigel Alpha est en fait une prison pour prospecteurs malchanceux: la Ligue en effet se réserve l'intégralité du commerce des pierres, et rachète celles-ci aux prospecteurs à un prix dérisoire, les empêchant ainsi de repartir. Pourtant, des traffics existent, et la famille d'Arne Viggen, le commandant d'un petit vaisseau de commerce semi-clandestin, semble bien y être mêlée.Le May2.jpg

Somelekan Greer, avec l'aide de deux Adamalones - sorte de fourmis géantes intelligentes mais que tout le monde prend pour des animaux - va tenter d'échapper à ce piège, secondé Sheen Viggen, la fille Arne, coincée avec lui lors d'une tempête mortelle dans l'abri du prospecteur.

Les Cristaux de Sigel Alpha est un roman qui n'a pas les qualités poétiques et philosophiques des Landes d'Achernar, autant le dire d'emblée, mais il offre malgré tout un excellent petit space opera, un western sidéral bien troussé, à l'intrigue basique, mais intelligente. Et pour pimenter cela, les Le May y ont ajouté une confrontation qui leur est chère: celle du baroudeur et de la jeune femme intrépide. Sheen et Somelekan passent leur temps à s'envoyer des piques, et, alors que parfois les auteurs échouent à faire de ce type de passage quelque chose de digeste (cf. Vacances Stellaires dont je parlerai plus tard), ici il n'en est rien. Bref, on tient entre les mains de quoi donner au lecteur quelques bonnes heures de détente: de l'action, de l'amour, un scénario pas trop linéaire et réservant quelques surprises. Un bon cru du Fleuve Noir Anticipation!

09/02/2012

Jean et Doris Le May - Les Landes d'Achernar

C'est à partir de 1971 que l'on peut réellement dire que Jean et Doris Le May deviennent des auteurs avec lesquels il faut compter. Et notamment avec Les Landes d'Achernar, signalé à l'époque par une longue critique de Jean-Pierre Andrevon dans Fiction (n°216), une longueur inusuelle pour un simple Fleuve Noir. LeMay1.jpg

Cinq adolescents, bientôt des adultes, vivent isolés sur un monde dangereux, recouvert d'une jungle aux arbres millénaires et peuplé d'espèces toutes potentiellement mortelles. Quatre garçons et une fille, installés dans ce qui semble être les vestiges d'un vaisseau spatial, vestiges dispersés dans la forêt et dont ils ont fait des « Temples ». Ils ignorent tout de leurs origines, et ensemble, ils travaillent à la construction de l'Œuvre, un engin dont les plans leurs sont dictés par les Puissances, des entités qui ne peuvent communiquer qu'avec Zetha, la fille. Mais Delten, un garçon que rien ne semble favoriser dans ce monde cruel, se pose des questions : quel est le sens de cette Œuvre ? Que sont les Puissances ? Pourquoi finalement nombre d'entre eux ont été tués lors d'épreuves imposées par ces Puissances ? LeMay2.jpg

Évidemment on peut considérer le personnage de Delten comme un personnage facile : celui de l'adolescent-type qui se rebelle contre l'ordre établi. Le cadre de l'intrigue aussi était déjà bien balisé : les paysages de jungle sont des poncifs des romans populaires. L'histoire – la survie d'un groupe de naufragés – n'est pas moins banale. Mais il y a clairement un plus, dans ces Landes d'Achernar. Contrairement à la plupart des romans des Le May précédemment publiés, son intrigue est remarquablement ficelé, sans faille : les auteurs nous en donnent la clé à peu près au milieu du roman, sans pour autant que cela entraîne une perte d'intérêt pour le lecteur, bien au contraire. Cette clé est si surprenante qu'en soit elle fait se poser bien des questions supplémentaires, voire même entraîne un certain vertige. Tout cela étant servi par un style maintenant bien rodé, à la fois efficace et poétique, d'une grande clarté. Le lecteur est littéralement plongé dans le paysage que les Le May veulent nous décrire. On vit aux côtés de Delten, et même si l'on en sait plus que lui sur ce qui se passe, on ne peut s'empêcher de trembler sur son sort.

Clairement, Les Landes d'Achernar mérite le titre de classique de la science-fiction française. Une réédition serait la bienvenue, que les lecteurs actuels puissent redécouvrir ce petit chef-d'oeuvre.