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09/03/2013

Jean et Doris Le May - La Mission d'Eno Granger

Le May Eno.jpgIl est des romans des Le May qui sont maladroits, ça n'est pas une nouveauté pour ceux qui suivent ce blog. Parmi ceux-ci, les romans qui, avant de plonger le lecteur au coeur de l'histoire, passent par une longue séquence d'introduction qui tient parfois du remplissage. Ainsi en est-il de La Mission d'Eno Granger (1970). Les Le May ont voulu écrire une histoire de naufragé, un thème récurrent chez eux. Mais avant de nous plonger dans le vif du sujet, ils nous exposent longuement, trop longuement, les origines du naufrage. Des astronomes ont détecté au sein d'un groupe d'étoiles des mondes riches en éléments utiles à la navigation interstellaire. Une première mission est envoyée, mais on perd bientôt toute trace de celle-ci. Interco dépêche alors sur place un de ses chasseurs, avec à son bord deux de ses meilleurs éléments, accompagnés comme il se doit de leurs bis féminins. Mais le chasseur, en approche d'un des mondes, est touché par un projectile. Ce qui n'aurait du prendre à la limite que cinq ou six pages, en prend ici plusieurs dizaines, les Le May délayent, mettent en place inutilement des personnages qu'on ne reverra plus par la suite.

Mais enfin, on arrive au roman en tant que tel. Un homme seul, gravement blessé, possédant - heureusement encore - sa combinaison de sauvetage. Touché à la tête, il ne se souvient plus que d'une chose: il a une mission à accomplir. Mais laquelle? Et est-il seul sur ce monde hostile? Eno Granger, un nom qu'il ne se remémorera que tardivement, va errer à la recherche de sa mémoire, et donc de ses coéquipier, cherchant à tout prix à comprendre ce qui lui arrive.

Si l'on fait abstraction de sa calamiteuse introduction, La Mission d'Eno Granger est un formidable roman. D'abord de par son contexte: un homme seul, amnésique, échoué sur un monde appartenant à un systéme binaire, l'une de ses faces exposée à une étoile, et l'autre à l'autre astre, chaque étant porteuse d'une civilisation différente, que tout oppose. Et là dedans, Eno Granger va être comme un grain de sable, un élément pourchassé car forcément hostile à des êtres que paradoxalement il ne verra quasiment pas.

Formidable, ce roman l'est aussi par son style, épique, tenant presque de la poésie en prose. Une façon de faire inhabituelle dans la collection Anticipation du Fleuve Noir, et même dans toute la SF de l'époque. Le phrasé des Le May porte le lecteur d'une page à l'autre, dans une sorte d'ivresse qui permet l'identification à ce héros sans mémoire.

La Mission d'Eno Granger est à la fois subtil et beau, mais voilà, en raison de son défaut de construction, il restera un roman mineur.

13/01/2013

Jean et Doris Le May - Il était une voile parmi les étoiles

VOile.jpgJe vais me faire mentir par rapport à ce que j'écrivais hier (dernier Le May avant la fin de mon congé), mais bon, autant que je profite de ce dernier jour pour rappatrier une note rapide que j'avais écrite sur le forum d'ActuSF il y a plus de quatre ans, concernant le roman Il était une voile parmi les étoiles (1976).

Un roman décevant, il faut le dire, un de ceux visiblement fabriqué à partir de deux sujets travaillés séparément, puis unis vaille que vaille pour faire un volume.

Qu'on se le dise! Pour avoir un bon astronef, choisissez un astronef FRANCAIS! Oui, madame!
Le début de ce roman est franchement ridicule, pseudo intrigue d'espionnage, où un savant au nom improbable (Danne Bedanne), vend volontairement une de ses inventions à une multinationale pour pouvoir financer une invention autrement plus importante: un astronef qui serait d'une simplicité étonnante. Le ton très gaulliste de cette partie est limite pathétique, avec ce bon gouvernement français qui doit faire face à toute la puissance des Multinas et de leur dieu Dollar. Mais cela change heureusement assez vite lorsque l'action se déplace dans l'espace, qui semble tout de même bien être le milieu de prédilection de nos deux auteurs. Une course parmi les planètes du système solaire, mettant aux prises humains et ET, est l'occasion d'une vaste entreprise de propagande en vue de faciliter les contacts entre les humains et lesdits ET. On a là au passage un bien belle réflexion sur le rôle de la propagande. Y a-t-il une bonne propagande, a-t-on le droit d'en faire, même pour une noble cause? C'est plutôt intéressant et réussi. Dommage que le style ne suive pas toujours. J'ai parfois souvent eu l'impression de lire un roman de Kazantsev, d'autant plus qu'au fil de l'histoire, il se créé une improbable Nouvelle Union Socialiste d'Eurasie.
A la lecture de ce roman, on peut d'ailleurs à une question que certains se posaient concernant l'orientation politique des auteurs: ils étaient probablement gaullistes de Gauche.

12/01/2013

Jean et Doris Le May - L'hypothèse tétracérat

Tétracérat.jpgAllez, un dernier Le May pour la route, avant la fin de mes trop courts - hélas - congés. J'ai voulu cette fois-ci faire un bon dans le temps, histoire de voir comment avec les années le style de ces auteurs a pu évoluer. Avec L'hypothèse tétracérat (1978), nous sommes toujours dans le cadre de la Fédération galactique, même si ici Interco n'apparaît pas. L'Elenobora est un vaisseau transgalactique, un transporteur de passagers d'un monde à l'autre. Mais voilà qu'une nova lui fait subir une avarie de moteurs et même le transporte fort loin de sa trajectoire prévue. Incapable de se déplacer plus vite que la lumière, il est contraint d'aborder un monde placé en réserve du fait de la présence d'une forme de vie possiblement en voie de bâtir une civilisation.

Ainsi les quelques centaines de passagers survivants se retrouvent-ils à la surface d'un monde particulièrement hostile, et l'équipage doit même se préparer à la possible sédition d'un groupe de perturbateurs, dont un homme qui semble être un tueur né, Ek Danil. Aussi une jeune femme, membre de l'équipage, décide-t-elle de former une mission d'exploration composée quasi-uniquement de ces hommes potentiellement violent.

Le début de ce roman ne brille guère par son originalité. Le naufrage vient - dans les moindes détails - d'Arel d'Adamante. La révolte possible des passagers est quant à elle pompée dans Les Fruits du Metaxylia. Mais c'est ainsi que les Le May procèdent, après tout: par collages de pièces mobiles. Parfois ça casse, souvent aussi ça passe, comme ici où la soudure entre ces parties se fait sans trop de problèmes pour aboutir à un bon récit d'aventures dans une jungle inhospitalière. C'est loin, cela-dit, d'atteindre le niveau des Landes d'Achernar, pour rester dans le même thème.

Stylistiquement, les Le May n'ont guère changé, même si l'on peut constater une plus grande propention à employer des injures qu'on ne trouvait auparavant pas, du moins dans les romans de leurs premières années de carrière.

Ces injures sont mêmes accompagnées de quelques propos à la limite de la misogynie, assez déplaisants, puisque les femmes y sont parfois décrites comme des femelles soumises à leurs sécretions hormales. Bref, les femmes sont des chieuses encore plus pénibles et inutiles lorsqu'elles ont leurs règles. Sauf que les auteurs apporte vite la preuve qu'il ne s'agit-là que de la pensée de leurs personnages, en montrant une jeune femme toute menue être finalement assez coriace pour survivre à la jungle, mais aussi pour tenir tête tant au commandant du vaisseau, son supérieur, qu'à Ek Danil, deux hommes qu'elle va dompter.

Bref, tout ça pour dire que ce roman, s'il ne casse pas des briques, n'en constitue pas moins une agréable lecture de détente.