10/07/2018
Joan D. Vinge - Les Yeux d'ambre
Joan D. Vinge, après quelques romans intéressants, s'est beaucoup perdue en produisant de multiples novelisations de films. Mais avant cela, elle aussi publié une poignée de nouvelles, dont une a reçu le Hugo en 1978, nouvelles dont une partie a été réunie dans le recueil Les Yeux d'Ambre.
Commençons justement par la nouvelle éponyme, celle qui a reçu le Hugo. Les Humains ont envoyé une sonde su Titan, et y ont découvert une civilisation primitive, mais bien structurée, dont le mode de communication est la musique. Le concept pouvait paraître original à l'époque, mais plus trop maintenant. Qui plus est, passé leur apparence insectiforme et leur mode de communication, ces ET ont un esprit par trop humains, qui fait d'eux des sortes de personnages de fantasy. C'est bien raconté, mais ça ne m'a pas transcendé.
Depuis des hauteurs impensables est une courte nouvelle particulièrement touchante. Quel serait le meilleur candidat pour une mission solitaire, dans l'espace, devant durer plus années? Une mission dans un vaisseau minuscule, avec des contacts radios qui se font de plus en plus rare? Tout simplement une jeune femme qui, malade et immunodéficiente, a toujours vécu isolé du monde.
Mediaman nous transporte dans un autre système solaire, colonisé par les Humains, qui vivent dans un nuage d'astéroïdes, les planètes elles-mêmes étant réputées inhabitables. Mais cette société, qui peine à se relever d'une guerre, est sur le déclin. On n'y vit plus que de récupération dans les vestiges laissés par la guerre, et on n'y pense plus que par le biais des mediamens, des journalistes d'un nouveau genre. Psychologiquement bien troussé, basée sur un récit bien construit et un cadre original, voilà une nouvelle remarquable.
L'Aide du colporteur, par contre, déçoit. Dans un village de type médiéval, arrive un colporteur qui vent des merveilles, de la magie. Un groupe de jeunes hommes décide de l'escorter en forêt – avec pour objectif avoué de le détrousser dès que possible. Mais l'homme a de réels pouvoirs et échappe à tout, même aux maîtres de la grande ville, qu'on dit aussi magiciens. Cette nouvelle, de par son thème et son traitement, aurait pu paraître dans les années 50. Ici, elle arrive presque 30 ans trop tard.
Mais le recueil se finit en beauté avec Soldat de plomb, une nouvelle évidemment inspirée par le conte d'Andersen, mais qui le réactualise en le plaçant dans l'espace, sur un monde lointain, alors que depuis des siècles l'humanité s'est répandue. Cependant, les vols spatiaux restent compliqués: seuls des femmes peuvent piloter les vaisseaux. Des femmes qui, effets de la relativité obligent, semblent ne pas vieillir, en comparaison des habitants des planètes. Mais l'une d'elles, Brandy, rencontre un barman, Soldat, qui est un cyborg, et qui de se fait ne vieillit que très lentement. Tous les vingt cinq ans, elle fera escale sur son monde, pour quelques jours, avec l'espoir de le retrouver inchangé. C'est romantique à souhait, mais ça fait beaucoup de bien.
20:10 Publié dans Livre, Planète-SF | Lien permanent | Commentaires (0)
03/07/2018
A. E. Van Vogt - La Faune de l'espace
Je n'en reviens pas. Après À la poursuite des Slans et La Guerre contre le Rull, voilà, avec La Faune de l'espace (The Voyage of the Space Beagle, 1950), le troisième roman de A. E. Van Vogt que je lis ou relis, avec plaisir. Je dois vieillir...
Ceci-dit, il y a de bonnes raisons à cela, avec ce roman qui n'est en fait qu'un fix up de quatre nouvelles, quatre aventures d'un officier scientifique à bord d'un vaisseau, le Space Beagle, parti pour des années d'exploration spatiale, à la recherche des créatures les plus inattendus. Et ma foi, c'est très distrayant: Van Vogt, même s'il exploite comme toujours l'idée d'un héros supérieurement intelligent, et donc quasi-invincible, sait construire ses récits et les rendre passionnants à l'aide de rebondissements bienvenus. De fait, les créatures rencontrées sont toutes originales et remarquables.
Le passionné de SF trouvera un autre intérêt, d'ordre historique, dans ces textes, qui ne sont pas, en effet, sans rappeler la série originale de Star Trek. D'une part par le principe de cette expédition scientifique supposée passer d'une planète à l'autre, en mission d'exploration et de contact. On pense aussitôt à l'Enterprise. D'autre part par certains éléments directement empruntés par la série. Elliott Grosvenor, le scientifique nexialiste, qui sait tout sur tout, imperturbable, souvent considéré comme amoral par ses compagnons car il sert un idéal supérieur, quitte à sacrifier quelques personnes pour le bien du plus grand nombre, fait penser à Spock. Zorl, la créature extraterrestre qui se nourrit du potassium des autres créatures, rappelle l'être de Ils étaient des millions (The Man Trap), qui tue pour se nourrir du sel des corps. On pourrait trouver sans doute encore d'autres points de comparaison.
Un seul regret: la traduction. On peut se poser des questions sur cette traduction déjà ancienne, dans laquelle le Space Beagle, rebaptisé le Fureteur, est qualifié régulièrement de "bateau" ou de "fusée", alors que Van Vogt le décrit explicitement comme une sphère. De quoi avoir des doutes sur d'autres éléments à caractère technique du texte.
20:29 Publié dans Livre, Planète-SF | Lien permanent | Commentaires (1)
23/06/2018
James Gunn - L'Holocauste
Cela fait un petit moment que je me remets à faire des brèves chroniques de lecture sur Facebook. Mais voilà, c'est Facebook, ces notes ne sont pas publiques, alors que j'ai ce blog, qui dort depuis trop longtemps. Bref, Blog, lève-toi et marche!
Commençons avec L'Holocauste de James Gunn. Publié en 1977 au Masque - SF, ce volume est la réunion de trois nouvelles publiées en anglais entre 1956 et 1972. Une longue durée d'écriture, mais qui n'empêche pas la grande cohérence de l'ensemble. Dans le premier texte, nous suivons les aventures de Colin Wilson, un scientifique, mi-psychologue, mi-sociologue, qui assiste à la destruction de son université par une foule furieuse. Nous sommes dans une Amérique du futur: les savants y sont considéré par un nouveau mouvement populaire qui a débordé les Républicains par la droite, comme la source de tous les mots: le chômage? – c'est la faute des machines, créées par les savants. Ce mouvement Plébéien, animé par un sénateur retors, parvient à faire passer l'incendie de l'université pour un acte criminel commis non pas par la foule, mais par les universitaires eux-mêmes, qui auraient voulu se poser en victimes. Wilson, l'unique survivant, doit fuir.
Dans la deuxième nouvelle, nous assistons au procès de Wilson. Un Wilson drogué, incapable de se défendre, malgré son avocat plein de bonne volonté, et qui entrevoit, dans des séquences d'hallucination, le futur: les USA ne sont plus qu'un souvenir. On trouve à la place qu'un Empire qui ne règne cependant que sur la côte est, un empire formé d'une myriade de villages, au sein desquels officient discrètement des sorciers, dont Colin Wilson. Des sorciers aimés de tous, qui prodiguent au peuple soins et bienfaits. Mais d'où tirent-ils donc leur puissance, et sont-ils une menace pour l'empire?
La troisième nouvelle, elle, nous emmène définitivement dans ce futur, alors que la civilisation semble s'être définitivement effondrée, les "sorciers" paraissent prêts à revenir sur le devant de la scène.
L'Holocauste, que l'on peut qualifier de roman malgré tout, est clairement un livre qui fait réfléchir, notamment sur la place de la science dans la société, et sur le fait de savoir s'il faut faire de la science pour la science, ou pour rester systématiquement utile au peuple. Pour Gunn, lorsqu'une université brûle, les scientifiques ont leur part de responsabilité dans la catastrophe, par leur enfermement, leur volonté de faire une science déconnectée de la société.
Mais il n'empêche que la situation qu'il décrit trouve un singulier écho de nos jours: il n'y a jamais autant eu de méfiance envers la science, et notamment la médecine, qu'à l'heure actuelle. "On nous cache tout, on nous dit rien" (voir par exemple tous les délires anti-vaccins qui circulent). Cette méfiance vient d'une population qui ne croit plus en ses élites, et qui en vient à élire constamment des gens dangereux, du moment qu'ils la flattent. La première nouvelle de L'Holocauste pourrait très bien n'être qu'une exagération de la situation actuelle aux États Unis, où certes on ne brûle pas les universités, mais où on y perpétue des massacres.
13:28 Publié dans Livre, Planète-SF | Lien permanent | Commentaires (1)