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19/08/2015

Jean-Marc Ligny - La Saga d'Oap Tao

Oap2.jpgIl fut un temps, dans ses dernières années, où le Fleuve Noir, pour sa collection Anticipation, avait pris la sale manie de tronçonner des romans trop gros en plusieurs tomes. Mauvaise idée, car il suffisait d'en manquer un pour que tout soit fichu. 

Ça fait des années que je possède deux des trois tomes de La Saga d'Oap Tao, de Jean-Marc Ligny, volumes restés dans ma bibliothèque sans être lus, faute d'avoir le troisième. Et puis ActuSF a eu la bonne idée de rééditer le tout en un seul bloc. 

Oap.jpgAlors voilà, plus d'excuse. 

Tout commence d'une façon très "Star Wars": Oap Tao est un bourlingueur à l'ancienne, façon Han Solo. Deux étudiants le rencontre dans un bistrot de l'espace, qui, à son heure de gloire, fut sans doute un peu que le bar de Tatooine (c'est d'ailleurs le nom donné à un monde par l'auteur, en guise d'hommage). 
Mais il y a une grosse différence. Certes Oap Tao est assez peu recommandable, il trafique de tout et n'importe quoi. Mais il ne tire pas le premier. Il a même horreur de se servir de ses armes. 

Il est un tout jeune paumé quand il recueille, presque par inadvertance, un droïde endommagé, impliqué dans le traffic d'une mystérieuse drogue: la fleur. Nulle ne sait exactement d'où vient la fleur, en dehors de ce droïde à la mémoire effacée, et son ancien complice maintenant mort. Aussi un chef mafieux confie à Oap Tao le soin de trouver le monde d'origine de la fleur. Mais Oap Tao n'est pas du genre à abandonner son indépendance au profit de qui que ce soit.

Du space op, et du bon. Pas de métaphysique, pas de hard science, mais des bourlingueurs, de débrouillards, des paumés, des types sympathiques ou non, des personnages hauts en couleur, et des rebondissements, des tas de rebondissements. Tout cela au final pour une lecture estivale parfaite.

14/01/2015

Richard Marsh - Les Enquêtes de Judith Lee

judithlee01.jpgJe sais, copinage, tout ça, j'ai été édité dans la même collection, blabla. Je m'en fiche. J'aime Rivière Blanche, et pas simplement en tant qu'auteur ou anthologiste, mais aussi et surtout en tant que lecteur. 
D'autant plus qu'il y a ce projet complètement dingue de Jean-Daniel Brèque, de faire revivre le roman policier victorien (avec quelques écarts tout de même) dans sa collection "Baskerville". 

Je ne suis pas très amateur de policier, mais ces Enquêtes de Judith Lee, je ne sais pourquoi, m'intriguaient. 

Judith Lee a un talent encore rare pour l'époque: elle sait lire sur les lèvres des gens. Ce qui lui permet d'ailleurs de vivre, puisqu'elle fait ordinairement office de préceptrice auprès d'enfants sourds.

Mais c'est aussi une indécrottable curieuse, qui ne peut s'empêcher de saisir ce que se disent les autres dans les espaces publics. Et lorsque ces propos contreviennent à la loi ou à sa morale, elle ne peut pas plus s'empêcher d'intervenir, sûre de son bon droit.

Car Judith Lee est ce qu'on appellerait une admirable chieuse. Une casse-pied qui se mêle de ce qui ne la regarde pas, au grand détriment des truands. Certes, les nouvelles qui composent ce recueil sont toutes bâties sur le même canevas (Judith Lee surprend une conversation, laisse passer un peu de temps, puis surprend une autre conversation et décide d'intervenir, et lorsque tout va mal, Scottland Yard a la bonne idée d'intervenir au premier signe). 

Mais voilà, Judith Lee, toute chieuse qu'elle est, est charmante. Vraiment charmante. Presque adorable. Misanthrope (non dans le sens qu'elle n'aime pas l'humanité, mais dans celui qu'elle n'aime pas les hommes, qu'elle considère comme des crétins), et totalement désintéressée (elle sauve des gens gratuitement, juste pour satisfaire sa propre morale), elle fait preuve parfois d'une grande naïveté mais a le don de retomber toujours sur ses pieds. Et on se prend à la suivre dans ses aventures avec un réel plaisir.

Ces enquêtes ne sont bien sûr pas un monument de littérature, mais elles détendent, et invitent régulièrement à sourire, ce qui n'est pas un moindre mal par les temps qui courent. Bref, une lecture qui fait du bien. 

09/01/2014

Robert C. Wilson - La Cabane de l'aiguilleur

Mysterium.jpgParmi les choses notables ayant subi ma frénésie de lectures de vacances, il y eut le gros omnibus Mysterium, de Robert Charles Wilson, paru chez Denoël "Lunes d'Encre". Mais comme je ne me sens pas de taille à tout critiquer d'un coup, autant y aller roman par roman, en finissant par les nouvelles. Et donc, d'abord, La Cabane de l'aiguilleur, premier roman de l'auteur, datant de 1986. Nous sommes pendant la grande dépression, qui frappa les USA durant les années 1930. Travis Fisher est le fils d'une prostituée. Sa mère étant décédée, il est contraint de se réfugier chez sa tante et son mari, une baptiste rigoriste. Le mari, lui, dirige une fabrique de glace qui bat de l'aile, tout en entretenant chez lui une étrange maîtresse, une jeune femme à la beauté sans pareille, mais sur laquelle il est difficile d'apprendre quoi que ce soit. Isolé dans un milieu réactionnaire qui l'étouffe, Travis a pour unique soutien Nancy Wilcox, une jeune femme libre penseuse, qui croît en l'amour libre.

A des kilomètres de là, L'Os est un clochard parmi tant d'autres. Son aspect étrange, noueux, aux muscles placés là où nul humain n'en aurait, n'a qu'un seul but: rejoindre la source d'un appel, auquel il ne peut se soustraire, une source qui n'est autre qu'Anna, la mystérieuse hôte de l'oncle de Travis.

Il paraît donc que c'est un premier roman. On ne le croirait pas, tant, d'un point de vue structurel, ce récit ne souffre guère de défauts. On sent que Wilson s'est d'abord fait la main sur des nouvelles, et de fait, cette Cabane de l'aiguilleur en a souvent la saveur: on a plus l'impression d'une longue novella que de ces romans fleuves à multiples fils narrateurs que l'on produit actuellement. Et c'est tant mieux! Sobre, La Cabane... en est diablement efficace pour décrire les effets de la crise de 1929 que la vie au sein d'une petite ville baptiste, où la religion tient lieu de seul et unique mode de vie convenable. Un mode de vie qui ne propose que deux voies aux gens: s'y plier, ou s'enfuir. Ce fond culturel, finalement, est bien plus intéressant que l'énigme que nous propose Wilson, même si ici il esquisse des thèmes qui reviendront régulièrement dans son oeuvre, comme la communication avec d'autres univers, totalement étrangers. L'auteur nous offre un portrait saisissant d'une société qu'il aime visiblement explorer: l'Amérique profonde (et pas seulement les USA), dont il reparlera dans Mysterium et dans Julian, une Amérique religieuse, façonnée en profondeur par des interprétations rigoristes de l'Ancien Testament.

La Cabane de l'aiguilleur est pour le coup un excellent roman, immersif et passionnant.