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09/01/2013

Eolomea

 

Du cinéma de science-fiction est-allemand, je ne connaissais jusqu'ici que Dans la poussière des étoiles (Im Staub der Sterne), improbable planet opera kitschissime, avec dictateur de pacotilles et danseuses nues. Je vous en colle une image, histoire de vous montrer à quoi cette étonnante chose peut ressembler :

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Mais comme en matière de cinéma de SF ancien, je n'ai pas vraiment froid aux yeux, j'ai voulu tester Eolomea, film de Hermann Zschoche sorti en 1972. Certes, les deux films ne naviguent pas dans les mêmes eaux. Eolomea est clairement une superproduction, internationale qui plus est, avec la participation de plusieurs pays de l'ex-bloc soviétique. Ainsi l'URSS est présente avec le grand acteur Vsevolod Sanaiev, ainsi qu'avec Boris Travkine (Ilya Mouromets, L'Arc-en-Ciel lunaire, Soy Cuba, entre autres) aux effets spéciaux. Plein de beau monde, donc. Mais de quoi est-il question ?

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Dans un futur proche, l'humanité a essaimé sur la Lune et sur quelques astéroïdes, où elle entretient des bases dont la plus importante est Margot. Mais voilà que Margot signale la mystérieuse disparition, coup sur coup, de huit astronefs. Et personne ne semble savoir où ils ont pu disparaître, sans laisser la moindre trace. Seul le professeur Oli Tal (Rolf Hoppe) ose avancer l'hypothèse de particules d'antimatière, sans que personne ne le croie. Aussi le conseil international chargé de gérer l'exploration spatiale, avec à sa tête Maria Scholl (Cox Habbema) décide-t-il de stopper net tout déplacement de vaisseau jusqu'à ce qu'on en sache plus. Maria Scholl se doute d'ailleurs que Oli Tal en sait plus qu'il ne veut bien le dire : lorsqu'elle lui apprend que sa fille se trouvait sur le dernier vaisseau disparu, Tal ne semble pas en être troublé outre mesure... Scholl enquête rapidement et découvre que par le passé, Tal a été littéralement humiliée, ainsi qu'un autre scientifique nommé Pierre Brodsky (Petar Slabakov) après avoir annoncé la découverte d'un possible signal extraterrestre qu'ils ont nommé « Eolomea ».

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Si si, c'est bien la directrice de l'agence spatiale mondiale... le temps d'un bal costumé

 

Eolomea a bien des défauts. Zschoche ne jouit pas d'un immense talent (le comparer à Tarkovski ou à Kubrick comme le fait la jaquette du DVD est un brin exagéré), et l'on trouve régulièrement quelques défauts de montage assez visibles. Mais les acteurs sont vraiment bons, à commencer par la belle Cox Habbema dans un rôle surprenant pour l'époque : une jeune femme qui dirige une organisation mondiale !; mais aussi Ivan Andonov et bien sûr Vsevolod Sanaiev, tous deux parfaits en astronautes désabusés et portés sur l'alcool. Et ce qui compte surtout est la qualité du scénario, particulièrement original, ainsi que le soin qui a été apporté à sa contextualisation. Le film est clairement crédible. Il n'y a nulle exagération, nulle surenchère dans ce futur proche, pacifié, décrit en détail non pas de façon directe et lourde, mais par petites touches, dans les conversations, dans les décors.

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Le robot a un bras cassé, et est un bras cassé

Certes, on y trouve sans doute le robot le plus idiot de tout le cinéma de SF – avec une allusion lourde aux lois d'Asimov -, mais à côté de cela, des personnages attachants, vivants, profonds.

 

Et puis il y a ce final, avec ce propos ouvertement optimiste, réjouissant, qui invite les scientifiques à sortir de leur torpeur, à faire preuve d'audace. Eolomea est un film qui fait du bien, et cela tranche franchement avec l'idée que l'on se fait d'une RDA grise et tristounette. Propagande, me direz-vous ? Oui, mais pas pour un régime politique, car tout propos idéologique est soigneusement évité, et cela évite ainsi au film de vieillir.

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S'il avait été tourné en Occident, il ne fait nul doute qu'Eolomea aurait été considéré depuis longtemps comme un petit classique de la SF, comme peut l'être son strict contemporain Silent Running de Douglas Trumbull.

 

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Eolomea n'est pas disponible en France. Il est possible de s'en procurer une version remasterisée et avec sous-titres en anglais éditée par First Run Features, soit à l'unité, soit dans un coffret intitulé The DEFA Sci-Fi Collection, qui contient aussi Dans la poussière des étoiles et L'étoile silencieuse. L'ensemble ne coûte d'ailleurs pas très cher et peut se commander aisément.

 

 

 

05/01/2013

Jean et Doris Le May - Solution de continuité

Encore un vieux Le May, du début de leur carrière, avec ce Solution de continuité paru en 1969. Nous sommes ici en présence d'une thématique assez peu abordée par ces auteurs, celle du roman apocalyptique (même si le post-apocalyptique reste un de leurs genres de prédilection).

Le May solution.jpgLa Terre est au bord du précipice: la guerre froide ne s'achève pas, les Chinois arment des missiles nucléaires, tout le monde en est à organiser des exercices militaires, et même les Français voudraient bien du coup pouvoir sortir de l'isolement gaulliste dans lequel ils sont. Fort heureusement (sic!) un événement va mettre fin à tout ce bazar. Une flottille extraterrestre de colonisation passe dans les parages, mais à la suite d'une avarie, l'un des vaisseaux coloniaux (un engin de plusieurs kilomètres de dimensions) percute la Terre. Le choc est, on s'en doute, particulièrement violent, d'autant plus que le vaisseau libère dans l'atmosphère un produit hautement toxique. Bref, tout être vivant de bonne taille qui n'était pas sous l'eau ou sous terre est instantanément tué, tandis que la croûte terrestre subit d'intenses déformations qui font par exemple que le fond de l'océan Atlantique se soulève.

Les autres membres de la flottille extraterretres, horrifiés par ce qui vient de se passer, décident de venir en aide aux survivants - quelques milliers - en leur proposant de les emmener avec eux sur le monde vierge qu'ils vont coloniser.

Solution de continuité nous propose de suivre le destin de plusieurs personnages: un amiral américain, commendant d'un sous-marin, son homologue russe, et un pilote d'essai français, Pierre Grelier, qui sur un coup de tête avait décidé de suivre un groupe de scouts emmené par un curé géologue dans une expédition spéléologique.

Disons-le d'emblée, le début de ce roman est haletant. Ne négligeant aucun détail, les Le May parviennent à nous faire vivre cette catastrophe et ses conséquences avec brio. Malheureusement, l'entrée en scène des extraterrestres donne un sérieux coup de mou à l'intrigue: le contraste entre cette société où tout le monde est beau et gentil sonne artificiel, alors que ce genre de contexte chez ces auteurs est bien venu dans leurs space operas. Mais ils se reprennent vite, heureusement, car quelques inconscients, dont Pierre Grelier, refusent finalement de quitter leur monde et tentent de s'installer dans un paysage quasi-vide qu'il faut reconstruire.

En dépit de ces variations de rythme, de quelques faiblesses psychologiques aussi (toujours au niveau des ET), on se surprend à prendre plaisir à la lecture de ce roman populaire, et même à penser que finalement, avec ses intrigues croisées, il fournirait une base parfaite au scénario d'une bonne série télé!

Solution de continuité surprend aussi par son personnage principal, Grelier, un aventurier pas aussi fort qu'il le voudrait. Il surprend moins par contre en le fait qu'on y retrouve l'éternel questionnement chez les Le May, sur le couple. Tout le monde doit être en couple chez ces auteurs, c'est une thématique forte. Cependant, ce questionnement ici trouve une réponse curieuse. Il est assez fréquent dans la SF post-apocalyptique des années 60-70 que le héros, bon gré mal gré, se retrouve en couple avec une jeune fille mineure (cf. Génocides de Thomas Disch, 1965, ou Les Furies de Keith Roberts, 1966). De fait, Grelier se retrouve d'abord au contact d'une jeune fille de 19 ans... mineure, donc, en 1969 (et même ici carrément infantilisée par Grelier). Mais comme s'ils voulaient faire un pied de nez aux auteurs anglo-saxons, les Le May donneront à leurs personnages un tout autre destin.

01/01/2013

René-Jacques Victor - Les Doigts du hasard

Mais qui est donc René-Jacques Victor? Un parfait inconnu, visiblement puisque celui-ci semble n'avoir signé qu'une nouvelle dans l'anthologie Complots capitaux publiée en 2008 au Cherche-Midi, et un petit recueil de nouvelles, en 1976, au Masque SF, Les Doigts du hasard. A moins qu'il ne s'agisse du pseudonyme connu par ailleurs... J'ai posé la question à quelques savanturiers, sur Facebook. Le nom de Gabriel Jan a été évoqué. J'ai moi-même pensé un temps à Jacques Hoven. Rien de bien sûr...

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Les Doigts du hasard contient six nouvelles, très hétéroclites, et qui semblent avoir été écrites sur un laps de temps très long. La première, Jlee, une histoire de naufragée extraterrestre qui finit par épouser un terrien et fonder une famille, sonne très pulp, très années 40/50. Un texte pas vraiment transcendant, vieillot voire poussiéreux. Le deuxième, Chut... chut... chut..., fait plus science-fiction française des années 60 avec ses airs de romans colonial. Les Terriens ont établi des concessions minières sur un monde hostile habité par une poignée d'indigènes hermaphrodites qui, eux, semblent amicaux. Pourtant des employés disparaissent régulièrement, et l'un d'eux est même changé en statue. Un médiocre policier est envoyé pour résoudre l'énigme. Une nouvelle maladroite, mal construite, avec des sautes inexplicables dans l'intrigue. Passons. Le niveau est à peine plus élevé avec Ambassadeur, encore une histoire coloniale, mieux construite, mais à l'humour un brin prout prout caca qui fait tout juste sourire.

Et puis subitement, trois nouvelles qui elles semblent bien dater des années 70. Et qui sont remarquables.

Dans L'Ange au bout de la piste, nous suivons les investigations d'un employé chargé d'enquêter sur des mystérieuses apparitions que voient un petit garçon de dix ans et sa grand-mère, qui habitent tous deux un pavillon situé en bout de pistes de l'aéroport d'Orly. L'enfant voit des géants qui avalent les avions, mais aussi des anges. Mieux: la grand-mère a réussi à arracher quelques plumes à l'un d'eux. Le portrait psychologique de l'enquêteur est remarquable et la progression dans l'angoisse parfaite.

Une Rose au coeur d'une montre est sans doute le chef-d'oeuvre du recueil. Il y a trois cent ans, un vaisseau s'est écrasé sur un monde océanique, et seule une poignée de survivants a pu atteindre une île, malheureusement isolée de tout par des vents aléatoires et de forts courants. Pourtant, régulièrement, de hardis marins tentent de rejoindre l'épave du vaisseau, histoire d'en ramener de précieux documents. Mais jusqu'ici aucun n'a réussi, aucun avant la folle tentative du jeune Helberg. Un récit fort, au croisement du Village de Kir Boulytchev (mais qui connaît ce roman en France?) et de Windhaven de George Martin et Lisa Tuttle.

Le recueil se conclut avec La Vieille maison dans les bartas, une nouvelle dont l'inspiration est assurément l'oeuvre de Clifford Simak. Et ici la copie est au niveau du modèle. Un écrivain parisien en vogue décide de s'installer en pleine cambrousse, du côté de Saint-Affrique, avec sa maîtresse du moment, dans une vieille masure sans électricité. Mais la maîtresse en question disparaît de temps en temps, pour réapparaître subitement, comme si de rien n'était. Et si la maison n'était finalement qu'un poste d'observation temporel?

Au final, rien que pour ces trois nouvelles, ce petit recueil vaut la peine d'être lu.