Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

25/12/2020

Jean et Doris Le May - Les Créateurs d'Ulnar

Ulnar.jpgLe Bételgeuse, un vaisseau d'exploration scientifique, armé par la Fédération Galactique, découvre par hasard un système stellaire hors-normes: il est en effet formé de trois soleils autour desquels gravitent sept planètes, formant un ensemble stable improbable dans la nature. De toute évidence, ce système a été artificiellement façonné.

Une partie de l'équipage va donc rester à bord, tandis que le reste s'en va explorer l'une des planètes. Mais il ne faut que peu de temps pour que chacun finisse par se découvrir d'étranges pouvoirs de création. Ce monde idyllique pourrait-il n'être qu'un piège mortel?

Les Créateurs d'Ulnar, de Jean et Doris Le May (1972), prend place dans une série d'œuvres du duo dans lesquelles il n'est pas question d'une enquête d'Interco, mais plutôt de la découverte de mondes étranges, avec un roman dans lequel la poésie et la fantaisie ont autant d'importance que l'intrigue elle-même. Sans doute n'atteignent-ils pas ici le niveau des Fruits du Metaxylia ou des Landes d'Acherner. Il n'empêche que ce roman est de très belle facture, avec un plan soigneusement établi pour faire basculer petit à petit le lecteur dans l'étrange, l'insolite, et finalement l'effrayant. Les Créateurs d'Ulnar sort largement au-dessus du lot ordinaire du Fleuve Noir Anticipation.

Thomas Owen - Cérémonial nocturne

Owen.jpgLorsque j'étais étudiant, j'ai eu la chance de tomber une fois, dans un magasin Emmaüs, sur une collection de la défunte revue Fiction, couvrant les années 1960-1970, à laquelle il ne manquait que peu de numéros. Je me suis alors lancé dans un marathon de lecture qui a largement contribué à l'élaboration de ma culture littéraire. Et parmi les auteurs que j'ai le plus apprécié alors, il y avait Thomas Owen, avec des textes comme "La Truie" (n°161, 1967), qui m'ont durablement marqué.

Et bizarrement, je n'ai jamais rien lu de lui depuis. Il était temps de me rattraper, avec Cérémonial nocturne (1966), un recueil de courtes, voire très courtes nouvelles fantastiques, donc certaines sont littéralement des chef-d'œuvres du genre.

La structure des nouvelles, à l'exception de la dernière (et la plus longue), "Étranger à Tabiano", est en général toujours la même. Owen pose une ambiance, par le biais d'une situation le plus souvent banale: un automobiliste qui parcours une route de campagne sous la pluie en pleine nuit, un officier de l'armée belge en pleine démobilisation en 1940, une vieille dame qui vient voir son notaire. Des situations banales, certes, mais dans lesquelles, avec un talent fou, Owen distille déjà quelques éléments qui laissent entrevoir un potentiel malaise. Quelle est donc cette jeune femme recueillie sur une bord de route et qui se prétend manucure? Et ce chasseur qui revient d'Afrique? Ou ce magnifique garçon qui hante les jardins publics parisiens?

Enfin arrive cette chute, surprenante en générale sur le coup de la lecture, mais qui, à la réflexion, ne l'est pas. Car ces textes font bien entendu réfléchir. On lit rapidement ces textes courts, mais on s'y plonge pleinement grâce à l'immense talent de conteur, puis on perd pied momentanément lors de la chute. Alors on attend quelques instants, le temps de se ressaisir, et on attaque le texte suivant. Bijoux parmi les bijoux: "La Fille de la pluie", "Le Chasseur" et "La Passagère".

11/10/2020

Jean-Pierre Andrevon - Le Monde enfin

Andrevon.jpgDans un futur proche, autant dire maintenant, un mystérieux virus s'est répandu dans le monde. Ceux qui en sont atteint meurent en quelques heures, liquéfiés de l'intérieur. Une personne sur mille survit, et ces survivants en ressortent le plus souvent stériles.

Dans Le Monde enfin, Jean-Pierre Andrevon nous propose de suivre le parcours à travers le temps d'une poignée d'entre eux, dans Paris et en province, avec pour fil conducteur le voyage d'un vieux cavalier solitaire, à travers une France retournée à l'état de nature, dans quelques décennies.

Le Monde enfin n'est pas un chef d'oeuvre: il souffre de quelques défauts structurels qui montrent qu'il s'agit d'un collage de scènes écrites sans doute séparément, et rassemblées par la suite. Pour autant, c'est un vrai bon roman, car la plume d'Andrevon s'y révèle magnifique. Chaque chapitre, à lire presque comme une nouvelle indépendante, est un petit bijou de poésie. Les descriptions du Paris inondée, ou de la campagne redevenue sauvage, sont superbe. Et si l'on peut regretter certains passages relevant plus du fantastique qu'autre chose, il n'empêche que l'ensemble, au final, est très beau, y compris et surtout le très bref mais bouleversant épilogue qui montre que l'on peut écrire de la science-fiction politique comme dans les années 1970, et être un véritable poète.