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27/05/2011

Du Gouvernement de Dieu dans Battlestar Galactica...

... ou de la nécessité du discours religieux dans une série de science-fiction militariste.

On peut dire que je suis fan de la série Galactica depuis la première heure. Autrement dit depuis la première diffusion française, que j'ai tâché de suivre attentivement lorsque j'étais gamin.

D'ailleurs, dès que je l'ai pu, je me suis précipité sur ça, quitte à être la risée des copains qui se demandaient ce que pouvait bien être cette chose:

Galactica.jpg

Et je l'ai revue. Et re-revue, cette série. Et il y a trois ans, sur le forum d'ActuSF, j'écrivais cela:

Il faut bien l'avouer, c'est une série truffée de défauts. Son but avoué était parait-il d'offrir une concurrence télévisuelle à Star Wars. C'est plus ou moins raté. D'abord à cause de trucages qui pouvaient être passables en 1979, mais qui de nos jours, sur un écran d'ordinateur portable, ne passent plus: par exemple on distingue nettement les découpages des incrustations lors des scènes spatiales, de même qu'on voit carrément les câbles lors des scènes d'apesanteur. Les batailles sont répétitives car faites à l'économie: on recycle sans arrêts les mêmes morceaux, dans un ordre différents histoire de faire illusion.

Deuxième gros défaut: le brave scénariste de la chose aurait quand même pu ouvrir un livre d'astronomie avant de se lancer dans un space opera. Il confond allègrement système stellaire et galaxie, au point que s'en est grotesque. Et ça n'est évidemment pas un problème de traduction (même si les sous-titres sont déplorables -on y confond atterrissage et décollage, par exemple), puis que j'ai vu chaque épisode en VOST.

Mais. Il faut bien l'avouer, cette série a tout de même énormément de qualité, qui justifie sans doute qu'on en ait fait un remake moderne. Les personnages, d'abord. Certes, ils sont caricaturaux. Chacun est à la place où on l'attend en fonction de son caractère. Mais les acteurs sont très bons et les aident à tenir debout.

Certains épisodes sont d'un point de vue scénaristique carrément excellents. Je pense à celui où la flotte croise sur son chemin une planète nommée Terra, déjà doté d'un petit empire stellaire, mais en pleine guerre froide (sauf que l'Alliance de l'Est n'est pas faite de méchants communistes, mais de fascistes. Ca change). On croit toucher au but. Raté. Ca n'est pas la Terre.
A côté de ça, d'autres accumulent les clichés carrément pulps, comme l'un des premiers, où la flotte tombe sur une planète occupée par des insectoïdes gérant un casino où tout le monde gagne. Il faut faire marcher à fond son rejet des incohérences pour aller jusqu'au bout.

Et puis il y a le dernier épisode lui-même (il n'y en a que 24), avec une chute que je ne dévoilerais bien sûr pas, mais qui est plus qu'astucieuse. Un petit bijou.

Autres choses repérés au visionnage: pleins d'éléments qui ont été ensuite recyclés dans d'autres oeuvres de SF. On devine l'influence de la série sur le tout récent Suprématie, de Laurent McAllister. Le convoi n'est pas non plus sans faire penser à Sillage. Les Cylons sont comme une sorte de prototype des Borgs de Star Trek, la dite Star Trek, notamment dans The Next Generation, ayant d'ailleurs récupéré pas mal de choses de Galactica.

Bref, au final, une série qui n'est absolument pas un chef-d'oeuvre, mais qui se laisse voir juste pour le plaisir, pour la détente. Même s'il y a quelques tentatives de "religiosité" dedans, elles sont là juste pour le fun, et rien d'autre.

 

Alors quand on a annoncé qu'une nouvelle version de la série était en production – une nouvelle version, pas une suite – j'ai d'abord eu peur avant d'être diablement intéressé. Je me suis procuré en premier lieu la mini-série (ou très long pilote si l'on veut – indispensable, en fait), puis l'ensemble des quatre saisons, à la faveur d'une bonne affaire. Et là, en trois semaines, visionnage intégral.

 

Comparaison la série originale

 

Battlestar Galactica entretient des relations complexes avec la série originale (à laquelle elle fait régulièrement des clins d'oeil – rappel de générique, réutilisation de centurions de l'ancienne génération, etc.), dont elle se distingue d'abord par sa longueur, pour les aspects formels, et par sa profondeur psychologique, pour le fond. Galactica mettait l'accent sur l'aventure, Battlestar Galactica met l'accent sur la lente destruction de ses personnages dans un contexte qui est celui d'une tragédie globale (ce qui ressortait trop peu dans l'original). Cependant, la nouvelle série ne renie pas l'ancienne. Nombre d'éléments narratifs sont repris, des scènes entières, voire des épisodes sont repris. Pourtant, malgré ce cadre similaire, Battlestar Galactica est largement supérieure à sa série originale. Elle bénéficie d'une production impeccable, d'une réalisation là aussi presque parfaite, de trucages parfaitement intégrés. Les scènes spatiales sont, à de rares exceptions-près, d'une beauté hallucinante, et notamment les combats, quasi-silencieux et donc particulièrement impressionnant. Tout cela est d'une densité rare.

Les acteurs aussi, sont le second point fort, Autre élément favorable: ses acteurs, avec Olmos (Adama) en tête. Sans doute Michael Hogan (Tigh) et Mary McDonnell (Roslin), ont-ils un jeu par trop monocorde, mais les autres offre vraiment une interprétation très juste, et là encore cohérente tout au long de la série: le jeu, tout comme leurs personnages, évolue au fil des quatre saisons. Il faut dire que les dits personnages sont aussi très bien caractérisés, et l'idée de féminiser Starbuck et Boomer est une vraie trouvaille. Seule ombre au tableau: si James Callis a une interprétation vraiment parfaite pour le rôle, il faut reconnaître que le « nouveau » Gaius Baltar n'arrive pas à la cheville de l'ancien (interprété par James Collicos): un classique du machiavélisme, certes, mais efficace, en regard de ce bellâtre pénible, traitre, couard... et cependant indispensable à la nouvelle trame scénaristique.

 

Du Gouvernement de Dieu dans Battlestar Galactica

 

Car ce qui a beaucoup fait parler, concernant cette nouvelle mouture, c'est l'aspect religieux du scénario. Un scénario qui est d'ailleurs en fait non pas celui d'une série, mais bien d'un feuilleton: il est impératif de regarder les épisodes dans l'ordre, certains n'ayant d'ailleurs ni début ni fin, s'inscrivant dans la continuité de l'ensemble. Et ce scénario global vaut le détour.

 

Attention, ce qui suit dévoile l'intrigue!

 

La religion, les bondieuseries dit-on même parfois, et donc le rôle de Baltar ont toute leur place dans l'ensemble, et enlever ces éléments reviendrait à faire de cette série ce qu'elle était dans sa version originale: une histoire d'aventure, en plus dramatique sans doute. Là, on touche à quelque chose d'historique. Certes, il y a des allusions à des choses actuelles, à des débats encore vifs, sur le terrorisme, sur Al Qaida, sur l'avortement, l'obscurantisme, les libertés publiques, etc.

Mais il me semble au final que l'entière trame de la série se base ni plus ni moins que sur l'histoire de l'Empire romain occidental au Ve siècle. Ca peut paraître énorme, aussi faut-il que je m'explique.

Tout commence par un soudain enfoncement des défenses des Douze Colonies par les flottes cylones, qui détruise l'intégralité de l'armée et ravage les mondes. Seuls subsistent un vaisseau de guerre, le Galactica commandé par Adama (un nom qui n'est pas choisi pour rien), et une flotte malgré tout importante de survivants. Après moult péripéties, Adama parvient à rallier à sa flotte des Cylons rebelles, puis, ensemble, ils vont s'attaquer au point fort de l'ennemi, la Colonie, une immense base stellaire, particulièrement défendue par une armée et une flotte largement supérieure. Contre toute attente, Adama et ses troupes en sortent vainqueurs. Mais lorsque tout le monde se retrouve sur Terre, il n'en demeure par moins que la flotte est dissoute, Cylons rebelles et Humains fusionnent en une nouvelle culture appelée à régresser.

Le rapport avec l'Empire romain? En 406, Vandales, Suèves et Alains franchisse subitement le Limes (ligne de fortifications) du Rhin, et s'enfonce dans les terres romaines, entrainant à leur suite diverses peuplades (Wisigoths, Huns, Francs, etc.) Rome est prise en 410. Trèves, autre ville impériale, est régulièrement prise par les Francs, notamment en 440. Bref, c'est ni plus ni moins qu'un effondrement. Et durant la première moitié du Ve siècle, l'Histoire ne retient (si l'on ne s'en tient qu'aux grandes lignes) qu'une seule résistance, celle d'Aetius, qu'on a fini par surnommer le « Dernier des Romains ». A la tête des restes de l'armée romaine en Gaule, il parvient à s'allier à certains peuples barbares qui craignent les Huns: les Francs (qu'il installe en Gaule comme fédéré – cf les Cylons qui obtiennent un siège au Quorum), les Wisigoths, les Burgondes. C'est à la tête de cette alliance qu'il va se lancer dans une ultime bataille pour défaire Attila et les peuples qui lui sont soumis, en 451, la bataille des Champs Catalauniques. Et Aetius gagne. Mais cela n'assura pas pour autant la pérennité de l'Empire, qui s'éteint définitivement en 476: il se fractionne en une multitude de royaumes, au sein desquels population romaine et population barbare vont petit à petit fusionner avant d'entrer dans le Moyen Âge.

Quel rapport finalement avec la religion? C'est que de façon contemporaine aux événements qui ont Aetius pour héros, un ecclésiastique, Salvien de Marseille, qui a vécu la chute de Trèves, va théoriser, dans son opuscule De Gubernatio Dei, les invasions barbares pour leur donner un sens moral. Pour lui, les Romains, païens comme chrétiens, sont corrompus, leurs moeurs sont décadentes, et l'arrivée des Barbares n'est qu'une juste punition divine. Mais il y a plus. Il fait de ces barbares de « bons » sauvages, inconscients de leur état et donc moralement purs. Il vante la pureté de leurs moeurs et surtout leur caractère innocent: « qu'y a-t-il d'étonnant à ce que le Hun ou le Gépide soit fourbe s'il ignore que la fourberie est un crime? est-il surprenant qu'un Franc se parjure, si celui-ci considère ce parjure comme un discours ordinaire? », écrit-il par exemple.

Il invite alors les Romains à prendre exemple sur cette pureté (même s'il s'agit d'une pureté involontaire): «Rougissez, peuples Romains, rougissez de votre vie. Il n'est presque pas de villes sans lieux de prostitution, il n'en est point qui soient exemptes de turpitudes, si ce n'est les cités seulement où les Barbares ont établi leur domination. Et nous nous étonnons de nos malheurs, nous qui sommes si impurs! Nous nous étonnons d'être surpassés en force par nos ennemis, lorsqu'ils nous surpassent en vertus! Nous nous étonnons de ce qu'ils possèdent nos biens, ceux qui ont nos vices en horreur! Ce n'est point à la force naturelle de leurs corps qu'ils sont redevables de leurs victoires, ce n'est point à la faiblesse de notre nature que nous devons nos défaites. Qu'on se le persuade bien, qu'on ne remonte point à une autre cause; ce qui nous a vaincus, c'est le dérèglement de nos mœurs ».

De fait, les Douze Colonies ne sont vaincues que parce que Gaius Baltar avait pour unique ambition de mettre n°6 dans son lit! Mais on peut aller plus loin. Au Ve siècle, même si le christianisme est une religion d'origine étrangère, comme tant d'autres à l'époque (culte d'Isis, culte de Mithra – Mithra qui est d'ailleurs cité lors d'une séance du Quorum, en comparaison avec les discours de Baltar), les élites romaines sont en grande partie chrétiennes. La majorité des gens reste cependant polythéiste. Or ce que Salvien sait, et cela a été bien établi aussi par les historiens contemporains, c'est qu'une bonne partie des Barbares qui attaquent alors l'Empire sont aussi chrétiens. Ariens, certes, donc hérétiques, mais chrétiens. Dans la série, les habitants des Douze Colonies sont polythéistes, alors que les Cylons croient... en un dieu unique. Et leur culte va petit à petit, par l'intermédiaire de Baltar, s'insérer dans l'Humanité survivante.

Et au terme d'une relecture rapide de l'oeuvre de Salvien (ceci n'est quand même qu'une note de blog, pas un article, et ce que j'ai écris ci-dessus se base sur l'édition de 1734 que je possède, je n'ai pas pris le temps de chercher plus récent), cela fait tout drôle de retrouver un écho de ses propos dans les discours, parfois un brin pénible du « méchant » de ce qui est bien une grande série de science-fiction.

Ouf.

Désolé si j'ai été long.

Je ne le referai plus, c'est promis. Sauf si vous n'êtes pas sages.

29/12/2010

George Frederick Abbott - Macedonian Folklore

J'ai deux bonnes raisons de parler de Macedonian Folklore, de George Frederick Abbott, initialement paru en 1903 aux Presses Universitaires de Cambridge. La première tient d'abord à la manière dont je me le suis procuré.

Amazon.fr propose en effet les services de plusieurs sociétés qui publient des reprints de livres anciens à la demande: Bibliobazaar, Nabu Press ou encore Bibliolife. Il s'agit vraisemblablement de filiales du même groupe, permettant de mettre en vente sur la plate forme d'Amazon plusieurs fois le même reprint, mais à des prix qui vont du simple au double. Ici justement l'exemple de ce livre d'Abbott

J'ai testé déjà par deux fois ces services, en prenant évidemment systématiquement le moins cher, et ai été très agréablement surpris. D'abord parce que le reprint est de très bonne qualité, et surtout le papier très agréable et la reliure, souple, d'une solidité à tout épreuve. Bref, du très bon travail d'imprimeur, s'il n'y avait systématiquement une photo fantaisiste en couverture (en général heureusement pas trop laide). Le livre, imprimé aux Etats Unis, met deux à trois semaines pour arriver dans votre boîte aux lettres, et surtout, le port est gratuit. Il s'agit donc vraiment de quelque chose d'intéressant.

Et le livre d'Abbott lui-même? Remarquable en tout point. Après avoir fait des études à Cambridge, Abbott est envoyé en Macédoine grecque, pour une mission ethnologique. Dès 1900, il publie un volume de chants populaires grecs modernes, puis, en 1903, cet essai sur le folklore des Grecs de Macédoine (il ne s'intéresse que marginalement aux autres populations de la région: Bulgares et Turcs).

Il nous offre donc d'abord un descriptif du calendrier populaire, marqué surtout au printemps, de très nombreuses fêtes dont certaines sont clairement d'origine slaves (la Dodola, pour faire tomber la pluie). Il recherche le plus souvent le moindre détail, mais lorsque quelque chose manque clairement à ses informations, il s'abstient pour autant de les compléter parce qui lui a été signalé dans d'autres régions de Grèce. Il reste attaché à son secteur d'étude.

Puis il s'intéresse aux pratiques divinatoires, nombreuses et variées; au symbolisme (chapitre dans lequel il donne quelques descriptions du culte de certains saints); aux pratiques liées à la naissance, au mariage et à la mort. Enfin, il s'intéresse au monde des esprits (on croisera évidemment le vampire), et donne un bon excursus sur la mythologie populaire, ses principaux monstres (le dragon et la lamie) et les croyances concernant Alexandre le Grand et son père Philippe. Il est très intéressant d'ailleurs de comparer au fil de la lecture ces éléments avec ceux que nous ont transmis les mythes antiques, et de voir à quel point les croyances ont évolué.

Abbott a le soin de toujours donner l'original grec des textes qu'il utilise, allant même jusqu'à publier et traduire deux petits manuscrits anciens de médecine populaire ainsi que quelques contes et chansons.

S'il possède lui-même quelques lectures en mythologie comparée (il cite régulièrement Frazer et Ralston), Abbott ne profite pourtant pas de son sujet pour étaler sa science: il ne surcharge pas son propos de considérations générales, comme ont trop souvent tendance à le faire les auteurs de son temps. Il est en quelque sorte un modèle.

25/11/2010

Bulletin de la Société Historique de Lisieux, n°70

Un peu de pub / copinage, aujourd'hui, puisqu'après tout, je suis non seulement membre de la Société Historique de Lisieux depuis des années, qu'en plus de cela, j'en suis officiellement archiviste, même si, il faut bien l'avouer, je n'ai pas été très assidu à ce poste...

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Bref, le n°70 du bulletin de cette société vient de paraître, et il est intéressant en diable, notamment grâce à une énorme étude (plus de 100 pages) par Jean Leblond, sur ce qui semble bien être un très beau cas de mystification au XVIIIe siècle, une mystification dont on peine à deviner le pourquoi. En 1663, le chanoine de Lisieux Jean Paulmier fait paraître des Memoires touchant l'etablissement d'une mission chrestienne dans le troisieme monde, autrement appellé, la terre australe, meridionale, antartique, & inconnue, et dans lequel il prétend être le descendant d'un indien du Brésil ramené en Normandie en 1505 par le capitaine de Gonneville.

Voilà tout à fait le genre d'histoire qui pourrait servire de base à un scénario ou à un roman du type Le Vaisseau ardent, de Jean-Claude Marguerite. Passionnant!

14:09 Publié dans Histoire, Livre | Lien permanent | Commentaires (0)