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15/12/2019

Maurice Limat - Vertige cosmique

Limat.jpgJ'ai beau être un lecteur régulier de la défunte collection "Anticipation" du Fleuve Noir, au point notamment d'avoir écrit des tas de choses sur Jean et Doris Le May, piliers de la collection dans les années 1970, je n'avais jusqu'ici jamais lu de roman de Maurice Limat, ce vieux routard des littératures populaires, dont la carrière s'est étalée sur des décennies, au service du fantastique, de l'aventure, et surtout de la science-fiction. 

J'avoue ne pas savoir pourquoi j'ai pu faire l'impasse sur cet auteur. Le hasard d'une découverte dans une boîte à livre m'a permis de remédier à cela.

Rikkel est un pirate spatial de la pire espèce, un dur à cuir, qui, avec ses camarades, pille astronefs et bases isolées. Mais voilà qu'il s'est épris d'une des rares femmes à bord, contre la règle qui veut qu'elles soient partagées. Aussi son capitaine l'abandonne-t-il sur un planétoïde très proche d'une étoile, qui de ce fait se transforme en fournaise toutes les trois heures. Rikkel est condamné à cuire. 

Mais il est sauvé in extremis par un groupe de savants qui l'emmène sur une planète où ils ont installé leur base de travail. Ceux-ci ont en effet besoin d'un cobaye. Ils ont élaboré un moyen de convertir un être en lumière, et de le faire ainsi, dans un état éthéré, partout où il se souhaite. Rikkel se prête d'abord de mauvaise grâce à l'expérience. Mais très vite une pensée lui vient à l'esprit: se venger.

Le résumé ci-dessus fait bien sûr penser à du space opera classique, sans grande imagination. Certes. On trouve ici les traditionnelles tavernes à cosmonautes, prostituées et robots serveurs inclus. On y trouve aussi des pirates, des savants. Bref, des clichés. Et pourtant, Vertige cosmique, de Maurice Limat (1974) est un excellent petit roman. D'une part l'auteur se garde bien de mettre en œuvre des personnages manichéens, bons ou mauvais: il y a du bon et du mauvais en tous. Nous sommes ici assez loin de la littérature populaire standard: même décrits très brièvement, les héros de Vertige cosmique sont complexes. 

Mais il y a aussi un style particulier, qui m'a profondément surpris. Le chapitre d'introduction, montrant Rikkel dans la fournaise, est haletant. Certains passages relèvent aussi clairement de la poésie en prose, et le final, doux amer, détonne dans la production du Fleuve Noir d'alors. 

Du coup, je ne sais si toute l'œuvre de Maurice Limat est ainsi, ou si j'ai simplement fait par hasard bonne pioche, mais ce roman m'a clairement donné envie d'en lire plus.

07/12/2019

Alien Nation - la série

AlienNation2.jpgJe parlais il y a peu du film Alien Nation, plus connu en France sous le titre de Futur Immédiat, Los Angeles 1991, excellent film de science-fiction.

Une série en a été tirée, dans la foulée. Pilotée par Kenneth Johnson, elle n'a duré que le temps d'une saison et d'une poignée de téléfilms.

La série reprend le postulat et les personnages du film: nous sommes au début des années 1990, soit deux ou trois ans dans le futur. Un gigantesque vaisseau extraterrestre s'est écrasé dans le désert de Mojave, avec à son bord 250000 "arrivants", qui sont pour l'immense majorité des esclaves, et pour certains d'entre eux des gardiens. Tous viennent de la planète Tencton, dont la culture est profondément inégalitaire et basée sur des castes. 

Tout ce petit monde s'est retrouvé, après une période de quarantaine, intégré bon an mal an à la population de la ville de Los Angeles. 

Alien Nation nous fait découvrir, au gré de sa poignée d'épisodes, la culture des Tenctonais, qui sont humanoïdes, et ont un intellect assez semblable au nôtre. À ce titre, les scénaristes ont fourni un gros travail pour penser ces êtres dans leur ensemble: leur physiologie, bien sûr, mais aussi leurs mœurs, leurs coutumes, leurs religions, et même leur langue: une langue à clics, comme le khoisan,  ce qui a dû donner bien des cauchemars aux acteurs.
Mais Alien Nation, c'est aussi une réflexion sur les USA et leur société. Une société mixte, qui, si elle est démocratique, reste aussi inégalitaire, les nouveaux venus étant souvent les mal venus. D'emblée, la série nous montre des Noirs, anciens esclaves, réagir comme des dominants face aux arrivants, clamant des slogans du même type que les "On est chez nous" des pseudo-Français de souche. Chaque épisode s'empare ainsi d'un thème différent permettant de scruter la société américaine: racisme, argent, sexe, tout y passe.

Enfin, Alien Nation, c'est une belle histoire d'amitié, entre le détective Sykes, la quarantaine, divorcé, une grande fille étudiante, homme potache et bordélique, éternel adolescent, et le détective Francisco, arrivant, qui voudrait bien devenir un Américain modèle, bon père de famille, et en même temps désireux de conserver ses traditions. Tous deux peuvent s'engueuler, voire se battre, mais ils deviennent vite inséparables, surmontant leurs différences, apprenant chacun à faire des concessions. 

Chaque épisode est aussi centré sur une affaire policière, une énigme. Et il faut bien avouer que si elles sont classiques, elles n'en restent pas moins très bien troussées. 

Bref, cette série a toutes les qualités: un arrière plan fouillé, des personnages attachants, des histoires prenantes, une réalisation soignée, qui a d'autant moins vieillie qu'elle fait peu recours aux trucages. Les acteurs sont remarquables, tant leur jeu est naturel, y compris lorsqu'ils doivent jouer des scènes hors normes, telle par exemple celle de l'accouchement de Susan Francisco.

J'oserai du coup dire que c'est sans doute une des meilleurs séries de science-fiction que j'aie pu voir ces dernières années. 

Et pourtant... elle est introuvable en français. Il existe un coffret comprenant l'intégralité des épisodes, mais les seuls sous-titres qu'on y trouve sont en anglais. De plus, la véritable intégrale, incluant les téléfilms qui ont été tournés par la suite pour clore la série interrompue trop tôt, n'est plus disponible dans le commerce. Pour avoir accès, il faut avoir recours... au piratage! Heureusement pour les anglophones médiocres comme moi, les aimables pirates ont pensé à leur conserver leurs sous-titres anglais.

Bref, une série majeure... et quasi-oubliée faute d'une distribution correcte. Un gâchis.

15:46 Publié dans Film | Lien permanent | Commentaires (0)

01/12/2019

Un playlist cyberpunk

Lire Carbone modifié de Richard Morgan a relancé mon intérêt pour le cyberpunk, un genre que j'ai toujours affectionné, mais que j'ai longtemps délaissé, faute de pouvoir tout lire. Si les transpositions cinématographiques du cyberpunk sont souvent assez décevantes, écrasées qu'elles sont par la magnificence du Blade Runner de Ridley Scott, qui lui a donné tous ses codes, les transpositions musicales, elles, sont riches et toujours actuelles.

Mais existe-t-il vraiment un cyberpunk musical? Pas vraiment. L'étiquette n'a jamais été accolée à un courant musical particulier, aussi la playslit qui suit repose-t-elle sur des critères totalement subjectifs.

Commençons par les grands ancêtres, avec tout d'abord Edward Artemiev, compositeur soviétique de musique de films et de musique électronique. Peu de choses dans son œuvre pourraient évidemment être placées sous l'étiquette "cyberpunk", mais il y a tout de même le long morceau Peregrini, initialement composé en 1976, révisé en 1983, et réécrit encore dans les années 1980. Il a servi à la bande son du film de SF soviétique Lunnaya Raduga. C'est un chef-d'œuvre de la musique électronique, et l'on y trouve déjà tout ce qui fait le cyberpunk: noirceur, ambiance urbaine sombre et chaude, samples de voix.

Une autre bande son de film ouvre aussi le bal, avec Eurythmics et The Ministry of Love, de l’album 1984 (1983). L'album a longtemps été mésestimé, inclassable qu'il est: ni vraiment synthpop, ni indus, ni pop tout court, et certainement pas rock. Noir, dystopique, mais chaud, voire brûlant: il offre déjà ce qui peut former une ambiance cyberpunk.

Autre évidence parmi les précurseurs: Skinny Puppy, notamment avec Solvent, un morceau que je préfère toutefois dans la version de l’album Weapon (2013), mais dont l’original date de 1984.

Plus inattendu: Clan of Xymox, avec le morceau Stranger, de l’album Clan of Xymox (1985). Ceux-là sont le plus souvent étiquetés "goth" qu'autre chose, mais Stranger est tout sauf du goth. 

Arrivent les années 1990, avec celui qui s'impose comme une évidence: Billy Idol, avec l'album bien nommé Cyberpunk (1993), et notamment Tomorrow People. Souvent décrié, Cyberpunk n'en reste pas moins un très bon disque à mes oreilles.

Il faut compter aussi avec The Cassandra Complex, qui déjà en 1990, a avait déjà publié un assez médiocre album intitulé Cyberpunx. Mais c'est surtout l'album Sex & Death (1993) qui offre une belle ambiance cyberpunk.

L'existence de Front Line Assembly ne date pas que des années 1990, mais c'est avec l'arrivée de Rhys Fulber que le groupe va donner son meilleur, avec des albums ouvertement cyberpunk, tels que Tactical Neural Implant, Millenium ou Hard Wired. Sex Offender, de l’album Millenium (1994) est un bel exemple de cette production:

Nine Inch Nails s'impose aussi, évidemment, mais ce sont curieusement plus les mix de Charlie Clouser sur Further Down the Spiral (1995), qui me donnent envie de foncer à toute allure sur les autoroutes de l'information, comme on appelait alors l'internet; Exemple avec Heresy (version)

Toujours attentif à l'air du temps, David Bowie, s'inspire aussi bien de la démarche de Billy Idol sur Cyberpunk, que de la musique de Nine Inch Nails pour produire avec Brian Eno un pur chef d'œuvre: 1. Outside (1995), avec entre autre la magnifique chanson I’m deranged:

Il y a eu beaucoup de "cyber" jusqu'ici, mais assez peu de "punk". Il faut y remédier avec un extrait du premier album d'Atari Teenage Riot, Delete yourself (1995), brûlot electro-punk jouissif, invitation à l'émeute urbaine.

Alan Wilder, ex Depeche Mode, sous le nom de Recoil, a mené une belle et trop rare carrière solo. Son chef-d'œuvre est l'album Liquid (2000), dans lequel il n'y a rien à jeter. Il y produit une musique à la fois organique et urbaine. Exemple avec le bien nommé Vertigen:

Après une carrière en dents de scie, Gary Numan revient sur le devant de la scène en s'inspirant de la scène industrielle, et notamment de Nine Inch Nails. C'est ainsi qu'il a pu produire quelques bons albums, et notamment Pure, qui, dans sa version en deux CD, contient une magnifique version de A Prayer for the Unborn. Cette version est tellement plus puissante que l'originale, que Gary Numan ne jouera plus que celle-ci en concert.

Plus extrême est la production du duo mexicain Hocico. Mais si l'on doit s'en tenir au thème de cette liste, c'est plutôt le projet solo de Racso Agroyam, Dulce Liquido, qui s'impose, notamment avec Disolucion (2000).

L'une des rares réussites visuelles du cyberpunk est l'ensemble Ghost in the Shell, constitué par les films de Mamoru Oshii et les séries Stand Alone Complex. C'est Yoko Kanno, artiste caméléon, qui s'est chargé de la musique des séries, avec au chant la Russe Origa. Inner Universe (2003), ouvre magnifiquement la première saison:

Restons au Japon (si l'on veut), avec un album hors normes, assez peu électronique (mais après tout, celle liste n'est pas un best off de l'electro, ni de l'indus), avec Hai!, de The Creatures, alias Siouxsie Sioux et Budgie. Les deux anciens Banshees s'y défoulent et livrent ici un bijou percussif, invitation à une plongée dans le Tokyo nocturne.


Après le Japon, la Russie, venue tardivement au genre, ici avec Dolphin et la chanson Kokon, sur l’album Yunost (Юность, 2007):

Et pour finir, un morceau de Conjure One, le projet de Rhys Fulber (ex Front Line Assembly), débarrassé de ses oripeaux industriels, et influencé par le Trip Hop, notamment de Massive Attack. Avec Oligarch, de l’album Exilarch (2010), Conjure One se montre comme un parfait continuateur de Recoil:

 

17:43 Publié dans Musique | Lien permanent | Commentaires (0)