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04/11/2012

Margarita Xanthakou - On raconte en Laconie...

Laconie.jpgLes collectes de contes populaires en Europe datant d'après la Seconde Guerre mondiale sont rarissimes, et celles qui datent des quarantes dernières années le sont encore. Je ne compte bien sûr pas les recueils factives, les anthologies voire les simples réécritures (qui parfois ne se présente pas comme telles, mais comme des collectes originales, ce qui relève de l'escroquerie). La faute en est à notre monde moderne - entendez par là le travail à la ville et la télévision, qui ont achevé de tuer les veillées, seul moment réellement propice au conte.

Pourtant, pour peu qu'on veuille bien s'en donner la peine, il est encore possible de collecter d'ultimes vestiges. En sont l'exemple parfait les publications d'Albert Poulain pour la Haute Bretagne (Contes et légendes de Haute-Bretagne, 1999). Bien plus à l'est, en Russie des collectes récentes sont publiées: ainsi en 2001 est paru la synthèse de travaux effectués de 1963 à 1999 dans la région de Novgorod (Tradicionnij fol'klor Novgorodskoj oblasti, éd. Vlasova et Zhekulina, 2001). J'ai signalé par ailleurs le remarquable répertoire des contes d'un Tzigane de Hongrie. Il y en a sans doute d'autres, mais a priori difficilement de quoi remplir un rayonnage de bibliothèque.

Et pour la Grèce, nous avons - en Français! - ce recueil de Margarita Xanthakou, des contes collectés dans les années 70 et 80 dans la région du Magne, essentiellement auprès de grand-mères dont la famille est partie travailler en ville. Autant dire qu'il s'agissait-là de la toute dernière génération de conteuses traditionnelles.C'est déjà en soit tout l'intérêt de ce petit livre.

32 contes en tout, et tous très brefs. C'est là quelque chose de frappant dans la plupart des collectes contemporaines: les contes sont courts. On est bien loin des longs développements que l'on pouvait trouver dans leurs homologues rassemblés au XIXe siècle. Ici, tout est dense et sec: pas un détail n'est oublié, mais on ne délaie pas, on va à l'essentiel. Il ne s'agit donc pas vraiment d'une perte de mémoire, ni d'un défaut dans la collecte, mais plus vraisemblablement d'une perte dans l'art de conter.

Margarita Xanthakou donne en annexe une présentation des lieux de collecte et des conteuses, ainsi qu'un petit lexique des prénoms des personnages, dont beaucoup font sens. Au final donc un très bon travail!

18:02 Publié dans Livre, Science | Lien permanent | Commentaires (0)

George R. R. Martin - Riverdream

Martin.jpgEt voilà, ça devait arriver avec le raz-de-marée ambiant... j'ai lu un livre avec des vampires. Le pire est que je m'en remettrai sans problème. Il faut dire que l'auteur n'est pas n'importe quel tâcheron, mais George Martin, un auteur pour lequel je voue une admiration sans borne pour ce qui concerne sa production des années 70/80 (oui, parce que Le Trône de Fer, ça va un moment, hein?). Bref.

Abner Marsh est le patron d'une compagnie de vapeurs sur le bassin du Mississipi. Et risque de ne plus l'être longtemps: ses navires font naufrage les uns après les autres, et il ne lui reste plus qu'un vieux raffiot qui risque bientôt à son tour de rendre l'âme. Mais voilà qu'une nuit il est contacté par un étrange personnage, Joshua York, un jeune homme pâle comme un fantôme et richissime. York propose à Marsh de lui construire le bateau le plus, le plus beau, le puissant que le fleuve ait jamais porté, et dont il serait le capitaine. York se contenterait, avec ses amis, d'en être les passagers permanents.

Le navire, avec un tel tonnage, promettant d'être particulièrement rentable, les hésitations de Marsh sont brèves, et rapidement, le Rêve de Fèvre est armé. Mais qui sont donc ces gens qui entourent York et qui ne sortent que la nuit? Et pourquoi donc York lui-même apparaît un soir devant Marsh, les vêtements tachés de sang? Les rumeurs vont bon train, notamment au sein des employés noirs qui menacent rapidement de quitter le navire.

Avec Riverdream (titre original Fevre Dream), George Martin livre un roman fantastique de facture classique (difficile de tout façon de faire original avec les vampires), et j'avoue par ailleurs ne pas avoir été particulièrement séduit par la théorie qu'il nous propose sur l'origine de ces créatures (on retrouve la même, à peu de choses près, dans Vision Aveugle de Watts, qui pourrait la lui avoir piquée). Mais ce qui compte dans Riverdream, plus que l'intrigue, c'est le contexte et le personnage central.

Le contexte: les USA juste avant la Guerre de Sécession. Un pays riche mais complexe, tiraillé par les tensions raciales. La description que fait Martin des villes du bord du Mississipi est fascinante, même si jamais, au grand jamais on souhaiterait y vivre tant elles sont le royaume de la crasse et de la violence.

Le personnage: Abner Marsh. Voilà un bonhomme qui n'a rien d'un play boy. Marsh ressemble en plus d'un point à Haviland Tuf, héros d'un roman de Martin de la même époque. Disgrâcieux, voire même laids, gros, pour ne pas dire énorme, mais roublards et rusés, et surtout emplis d'un sens profond de la justice, ils sont particulièrement attachants. Marsh, dans sa quête sans fin de "son" bateau, permet au roman d'acquérir un souffle presque épique impressionnant. Et rien que pour lui, Riverdream mérite d'être lu.

Ajoutons à cela un sens abouti de la narration qui fait que l'on tourne les pages sans pause ni répit, et l'on obtiendra un fort bon livre.

03/11/2012

Jean et Doris Le May - Les Gardiens de l'Almucantar

Almucantar.jpgLes Gardiens de l'Almucantar sont deux, un homme et une femme, détenteurs des ultimes bribes du savoir antique qui a disparu lorsque la terre fut par le passé ravagée. Sans en être les dirigeants, ils dominent la petite société qui s'est formée au sommet d'un montagne, rythmant sa vie grâce aux prédictions qu'ils tirent de l'observation des étoiles. Ce petit monde est isolé d'un milieu hostile par une barrière de roche puis par une forêt d'arbres gigantesques - et peut-être intelligents. Parfois, ces arbres laissent tomber une Coque, une énorme graine ailée, et donc volante. Alors peuple envoie ses jeunes les plus vigoureux la chercher, puis en sélectionne deux parmi eux, deux qui seront les éclaireurs, à bord de la Coque, destiné à frayer le chemin d'un possible essaimage. Mais jusqu'ici, aucun des couples envoyés lors des années passées n'est revenu. Gael et Elene parviendront-ils à être cette fois-ci les messagers et à réussir l'essaimage?

Avec Les Gardiens de l'Almucantar, les Le May reviennent au post-apocalyptique, mais dans un genre assez particulier, puisque le futur présenté prend place très longtemps après le cataclysme, à un moment où ne possède plus le moindre souvenir de ce que fut la civilisation auparavant. Ce qui donne à ce roman de singuliers aspect de fantasy, ce qui n'est pas déplaisant, le style des Le May s'adaptant parfaitement bien à ce genre. Les Gardiens de l'Almucantar est un roman particulièrement bien troussé, qui se place dans le haut du pannier de la production des auteurs: un plan parfait, un style sans faiblesse, tout au plus regrettera-t-on qu'en dépit des multiples allusions faites à quelque chose de supérieur, qui guide le destin, ou plutôt qui semble l'avoir préparé, des survivants, on n'en sache pas plus, comme si les auteurs avaient prévu une suite, suite qui à ma connaissance n'existe pas...