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10/11/2019

V - les séries originelles

V-1.jpgS'il est une série qui a marqué mon enfance, avec Galactica, c'est bien V. En France, elle était diffusée sur Antenne 2 alors que j'étais au collège: il est certain que j'ai dû rater quelques épisodes, et pourtant certaines scènes m'ont marqué pour toujours.

Hélas, se procurer cette série, ou plutôt ces séries, en DVD relève du casse-tête. Créée par Kenneth Johnson en 1983, sa production a été plus ou moins chaotique: en trois ans, il y aura donc eu non pas trois saisons, mais deux mini-séries de deux et trois épisodes chacune, et une série de 19 épisodes, avec à la clé des modifications du casting concernant les personnages secondaires, quelques incohérences inévitables et des changement de générique réguliers, le meilleur étant assurément l'inquiétant générique de la deuxième mini-série, La Bataille finale:

Le synopsis de V s'inspire essentiellement du roman Ça ne peut arriver ici, de Sinclair Lewis, et surtout de la fameuse nouvelle de Damon Knight "Pour servir l'homme". 

De quoi donc est-il question? Alors que sur Terre, c'est la routine habituelle de la Guerre Froide, avec son lot de conflits en Amérique latine, une armada de gigantesques vaisseaux extraterrestres  arrive, plaçant un vaisseau au-dessus de chaque grande ville. Le secrétaire général de l'ONU, bientôt suivi par le journaliste Mike Donovan, est invité à un premier contact. 

Les Visiteurs se présentent comme amicaux: ils viennent chercher sur Terre les ressources dont leur monde manque, et en échange, ils fourniront à l'Humanité leur science et leur technologie avancée.

Mais rapidement certains se rendent compte que des personnes disparaissent. Mike Donovan enquête, et découvre que les Visiteurs ne sont pas là pour d'obscurs composants chimiques, mais pour l'eau, et surtout la nourriture – les Humains occupant une place de choix au menu.

Jusqu'ici, voilà un synopsis on ne peut plus classique dans l'histoire de la science-fiction. Et V, il faut bien le dire, a des défauts, surtout au niveau du scénario et de la cohérence interne. Si dans les deux mini-séries, les Visiteurs ont une voix particulière, elle disparaît dans la série elle-même. Dans cette même série, Bates, devenu le dirigeant de Los Angeles, échappe à l'emprise des Visiteurs grâce à un bracelet qui, s'il venait à mourir, libèrerait dans l'atmosphère une toxine mortelle aux extraterrestres. Mais lorsqu'il meurt quand même, il ne se passe rien. Les épisodes finaux de la deuxième mini-série et de la série proposent des raccourcis calamiteux pour arriver à la fin. J'en passe, et des meilleures. Toujours dans la série elle-même (mais pas dans les minis), on peut constater que les visiteurs subissent comme les humains la mode du brushing gonflé aux hormones, et la guéguerre permanente entre Diana et Lydia vire rapidement à la querelle de mégères (qu'on songe à l'épisode grotesque où elles sont obligées de se livrer à un combat judiciaire). 

Mais... C'est aussi une série très bien réalisée, dotée de trucages qui tiennent toujours relativement bien la route pour l'époque et pour une production télévisuelle. Les personnages sont très bien écrits – et servis par des acteurs remarquables –, et les scénarios de chaque épisode sont suffisamment bien construits pour qu'aucun ne soit ennuyeux. Bref, on vibre et on trépigne pour cette petite bande d'aventuriers qui apprend à s'organiser, au départ avec fort peu de moyens, et à faire face au pire, avec des hauts et des bas. On notera aussi quelques petits détails qui montrent que les scénaristes connaissent fort bien la SF et n'improvisent rien, entre la souris de laboratoire nommée Algernon, les ET accueillis par une fanfare qui joue le thème de Starwars, les mentions d'Arthur Clarke et de Ray Bradbury. 

Donc oui, malgré tout ses défauts, V est une vraie bonne série classique qu'il faut voir.

Encore faut-il la trouver, car comme je le disais plus haut, trouver les DVD relève du casse-tête. Personne n'a songé – ou n'a pu – éditer l'ensemble en un seul coffret. La série finale n'a longtemps été disponible qu'en zone 1. Heureusement, que ce soit pour les mini-séries ou la série, chaque coffret est doté de la version française ou de la version originale sous-titrée. Bien sûr, cela a un coût que d'acquérir tout cela par petits bouts, mais ça en vaut la peine.

14:05 Publié dans Film | Lien permanent | Commentaires (0)

09/11/2019

Cyril Kornbluth et Judith Merril – Le Fusilier Cade

Kornbluth.jpgCade est un Homme d'Arme, un vrai, un dur, un bas du front. Stationné en France, auprès de l'Étoile locale, il sert avec fidélité l'Empereur du Monde, et pour cela il défend vaillamment son Étoile contre les incursions des autres. Depuis l'âge de six ans, il ne connaît qu'une vie monastique, durant laquelle on lui a enseigné que seul l'Empereur est bon, qu'il lui faut fuir les femmes, que les civils sont vils et mous. Son rythme quotidien, entre deux phases de combats, n'est qu'ascèse et méditation sur la philosophie de Klin, une philosophie millénaire, apparue aux origines du monde, il y a dix mille ans, avec le premier Empereur.

Mais voilà que lors d'un combat pour reprendre un village tombé aux mains de l'Étoile de Moscou, il est drogué par une civile, et porté disparu. Pire, lorsqu'il parvient à échapper à ses ravisseurs, il se rend compte qu'il a été donné pour mort, et lorsqu'il tente de se faire reconnaître, on le considère comme un usurpateur d'identité. Il devient alors un paria. 

Qu'à cela ne tienne: buté et conscient que l'ordre doit être rétabli, surtout que visiblement un complot menace l'empereur, il ne va cesser de vouloir contacter ses supérieurs, puis les supérieurs de ceux-ci, jusqu'à réclamer une audience à l'Empereur lui-même, chaque étape lui permettant de se rendre compte du degré de corruption de l'Empire du Monde, et du caractère totalement vain de sa vie.

Bien que publié initialement en 1952 (et en France, au Masque, en 1979), Le Fusilier Cade de Cyril Kornbluth et Judith Merril a franchement bien vieilli, au point qu'on retrouve un de ses principes, à peine modernisé, celui de la guerre factice, dans le film Sky Crawlers de Mamoru Oshii. Kornbluth et Merril décrivent à la perfection, dans un récit linéaire, le parcours mental d'un homme totalement endoctriné depuis la plus tendre enfance, serviteur fidèle jusqu'à l'absurde d'un système politique dystopique d'une stabilité remarquable, mais si stable qu'il ne peut être que dégénérescent. Seul un incident, un imprévu, pourrait le faire basculer. Sans doute que Le Fusilier Cade est un roman mineur, mais il est tout de même d'excellente facture, intelligent dans son propos (même si l'on pourrait critiquer l'ultime solution proposée pour clore le récit), et donc d'une lecture encore tout à fait recommandable de nos jours.

02/11/2019

Richard-Bessière – Les 7 anneaux de Rhéa

Bessière.jpgJe n'avais jamais lu jusqu'ici de romans de Richard-Bessière, auteur officiellement bicéphale, qui fut longtemps un des piliers du Fleuve Noir Anticipation. Curieux de savoir ce que pouvait bien valoir l'œuvre de cet écrivain prolifique. Alors j'ai jeté mon dévolu sur Les 7 anneaux de Rhéa (1962), présenté par le préfacier anonyme de la réédition chez J'ai lu comme son chef-d'œuvre. 

Il y a trois cents ans, le surface de la Terre a été victime d'un cataclysme qui a obligé l'humanité tout entière à émigrer sur Vénus. Ce choc a entraîné pour un temps une régression de la civilisation. Mais maintenant, une fusée va être envoyée sur Rhéa, le nouveau nom de la Terre, afin de découvrir ce que l'ancien monde est devenu. Un pilote et tout une équipe de scientifiques montent à bord et découvrent quelque temps plus tard que la Terre est devenue plus petite que par le passé, et que sa surface, loin d'être ravagée, est recouverte d'une végétation luxuriante. Mais un incident provoqué par d'étranges créatures éthérées.

Que dire... D'abord que le roman est très court (160 pages dans cette édition), ce qui est déjà une qualité. Parce qu'autrement, on se trouve face une science-fiction qui relève plus du merveilleux scientifique d'avant-guerre que de la SF moderne, du moins dans la construction du récit, dans la psychologie (ou plutôt l'absence de psychologie) des personnages, et surtout dans l'imagination totalement débridée dont fait preuve l'auteur, qui brasse une quantité de thèmes différents de façon absolument ahurissante. Tout y passe: pouvoirs psychiques, savant qui veut créer des surhommes, terre creuse, civilisations mystérieuses, invasion de créatures divines venues de l'espace, etc.

Ceci-dit, cette accumulation d'idées et de rebondissement ne suffit pas à faire un bon roman. Le style reste très plat, et, je l'ai dit, la psychologie des personnages est particulièrement sommaire. Mais cela reste intéressant à lire, pour l'histoire du genre.