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09/11/2011

Fabrice Colin -Comme des fantômes

Dieu qu'il va être dur de parler de ça.

Parce que Fabrice Colin est mort. En 2005. C'est ce qu'ils disent tout au long du bouquin. Un incendie. Et donc, tirer sur un corbillard, ça ne se fait pas.Colin.jpg

Bref, Richard Comballot s'est chargé du recueil posthume, avec force notes, commentaires, préface et postace. Du grand art, classique dans sa forme mais efficace, faisant appel à moult témoignages de personnalité plus ou moins proches du défunt. Tout ça pour emballer quoi? Ma foi une vingtaine de textes, a priori plutôt hétéroclites: des nouvelles essentiellements, mais aussi des notes encyclopédiques et une interview sans doute apocryphe.

Vaste fatras visant juste à publier l'ensemble de ce qui pouvait traîner dans les décombres de l'appartement incendié de l'auteur? Non. Car il s'y trouve une vraie unité d'ensemble. Et le titre du recueil est porté à merveille. Car il y en a des fantômes, ici. Des vrais, des fantasmés. Fantômes de l'enfance, essentiellement: Alice, Peter Pan et les pirates du Capitaine Crochet, divers personnages de Jules Verne. Tout cela fleure bon le tournant du siècle. Pas celui du XXIe siècle, mais celui du XXe.

Alors bien sûr on pourra reprocher à Fabrice Colin - mais que peut-on reprocher à un mort - de se livrer, au travers de ces personnages en quête de leur enfance, à une psychanalyse facile - et surtout gratuite - aux dépends de ses lecteurs. Bon. Sauf que ça tombe bien: Freud, lui aussi, est du tournant de ce siècle. Le XXe. Pas de chance.

En tout cas, à la lecture de cet ensemble, on ne peut que pester contre ce regrettable incendie, qui a mis fin à la carrière d'un auteur prometteur. Car des bons textes, il y en a, et plein. En premier lieu "Naufrage mode d'emploi", où l'on peut découvrir ce que deviennent les créations inexploitées d'un auteur de fantasy. "Un dernier verre, ô dieux de l'oubli" est une merveille montrant un Dionysos toujours aussi assoiffé, en quête de sa mère sur la côte ouest des USA au milieu des années 80. "Retour aux affaires" est une belle chasse aux fantômes dans une drôle d'ambience steampunk. Je ne supporte pas le steampunk, ce genre qui permet tout juste à la SF de se regarder le nombril. Mais là, c'est autre chose. Une autre trempe. Idem avec "Intervention forcée en milieu crépusculaire". Il faut du temps pour entrer dans ce récit et comprendre que l'on a affaire à des personnages de Jules Vernes peu connus. Mais l'effort en vaut la peine.

La plume de l'auteur est belle, subtile, tout en finesse. Son propos est profond, intime, et pourtant émaillé d'humour, de dérision jamais méchante, sauf peut-être parfois avec lui-même.

On regrettera juste deux textes qui auraient pu disparaître dans les flammes sans manquer vraiment:

"Intérieur nuit", une banale histoire de vampires, dont le style tient plus du brouillon qu'autre chose (et Baba Yaga n'est pas lithuanienne, mais bon); "Passer la rivière sans toi", un texte bien troussé mais qui relève de la bluette de jeune fille en fleur, manquant de la subtilité des autres textes.

Deux sur tout cet ensemble: une paille donc.

Maintenant, il ne reste plus qu'à faire tourner les guéridons, tenter de faire revenir Fabrice Colin "chez les vivants".

 

PS: vous ai-je dit que la couverture de Bastien L. est juste formidable? Non? Bon, c'est fait.