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28/09/2019

Quelques groupes et chanteurs russes récents

Il y a déjà pas mal d’années, je tenais un petit blog consacré au rock russe, que j’ai fini par fermer faute de temps pour m’en occuper. Il m’a cependant permis de me familiariser avec tout une culture ignorée en France, qu’elle soit d’époque soviétique ou actuelle, et je n’ai jamais cessé depuis d’explorer cet univers. Les chanteurs russes ayant cette «mauvaise» habitude de ne pas chanter en anglais et d'avoir des noms de groupes imprononçables pour le Française de base anglo-saxonnisé, ils restent hélas toujours largement méconnus. Or c’est un tort de ne pas y prêter plus attention, car un grand nombre de talents sont en train d’éclore là-bas, au sein d'une scène impressionnante de vitalité et de diversité.

La note ci-dessous n’a pas pour vocation d’être exhaustive, mais plutôt de présenter mes coups de cœur de ces dernières années, des groupes ou des chanteurs dont je n’ai pas eu le temps de parler sur mon ancien blog, ou qui sont apparus après la fermeture de celui-ci. On y trouvera donc aussi bien des artistes confirmés, avec une carrière déjà longue, que d’autres plus jeunes et en devenir.

Allez, c’est parti.

 

Dolphin (Дельфин)

Dolphin est avant tout le projet d’Andreï Lyssikov, ancien rappeur et poète, qui a débuté sa carrière dans le hip hop, avant de lancer ce groupe aux sonorités souvent plus rock. Pour ma part, je les ai découvert lors d'un séjour en Russie en 2005, alors qu'ils passaient sur MTV en jouant de la perceuse sur scène. Forcément, je me suis dit que ce groupe ne pouvait être mauvais. Après des débuts intéressants, le groupe a connu son âge d’or grâce au guitariste Pavel Dodonov, un génie de l’électronique, capable sur scène d’être un orchestre à lui tout seul, avec sa guitare et la myriade de pédales. Cela a donné quatre albums absolument formidables : Zvezda (Étoile, 2004), Yunost’ (Jeunesse, 2007), Suschestvo (Créature, 2011), et Andreï (2014). Las, depuis Pavel Dodonov est parti, et le groupe a depuis produit deux nouveaux albums, certes de bon niveau, mais sans l’intensité des précédents.

Voici Andreï, le plus sombre de tous, en intégralité. C'est un chef-d'œuvre:

 

Alina Orlova

Alina Orlova n’est pas russe, mais lituanienne. Cependant, elle même une large part de sa carrière en Russie, et chante dans trois langues : lituanien, russe et anglais (même si pour cette dernière langue elle ferait mieux de s’abstenir tant son accent est… spécial).

Alina Orlova a une voix tout à fait particulière, qui offre peu de comparaisons. Parfois comparée, à ses débuts, à Kate Bush, elle navigue plutôt dans les mêmes eaux que la Danoise Agnes Obel. Elle interprète ses chansons, toujours très courtes, aussi bien seule au piano qu’avec un groupe. Son dernier album, Daybreak, est sorti l’année dernière et c’est un petit bijou, avec pour point d’orgue la merveille qu’est Tlen (Cendres) :

Auparavant, elle a participé à la bande originale du film de fantasy Dragon inside me, adapté d'un roman de Marina et Sergueï Diatchenko, avec une interprétation toute particulière d'un chant traditionnel religieux russe:

 

Khadn dadn (Хадн дадн)

Khadn dadn est un tout jeune groupe de Moscou, formé en 2015 et mené par la chanteuse Varvara Kraminova. Avec déjà plusieurs albums à son actif, il propose une pop enjouée, même si parfois quelques chansons plus sérieuses viennent donner le change.

Voici leur premier album en intégralité:

 

Sozvezdie Otrezok (Созвездие Отрезок)

On retrouve Varvara Kraminova à la tête d’un autre groupe, Segment de constellation (Созвездие Отрезок), lequel n’a encore publié qu’un seul album, mais quel album! De la vitamine en barre. Centré sur un duo vocal, il est excellemment produit, et distille une pop joyeuse mais pas idiote, portée par un vent de folie douce.

Sur scène, c'est donc tout foufou:

Mais ça ne les empêche pas non plus de produire des titres plus sérieux, comme ce petit bijou:

 

Derevyannye kity (Деревянные киты)

Dans le même genre, voici les Baleines en bois, un groupe de Mourmansk, mené là encore par une genre chanteuse aux claviers. Ici aussi, on oscille entre pop guillerette et morceaux plus sérieux rappelant parfois les Néerlandais de The Gathering. Le groupe a déjà publié deux albums qui sont aussi bons l’un que l’autre. En concert, ils dégagent une énergie folle, particulièrement sensible dans cette vidéo qui montre un concert d’appartement (une spécialité d’origine soviétique).

Certes, au début, la chanteuse chante un rien faux, parce qu'elle ne s'entend pas. Mais quelle ambiance!

Et en studio, le groupe vaut aussi le détour:

 

Naadia (Наадя)

Encore une chanteuse à clavier ! Et encore de la pop. Avec ce groupe, la chanteuse Nadejda Gritskevitch brille tant par ses compositions que par ses reprises d’Alexandre Vertinski. Le groupe a publié deux albums depuis 2013. Ils sont aussi bons l’un que l’autre. On notera que Pavel Dodonov (qui officiait avant avec Dolphin), est le nouveau guitariste du groupe sur son second album.

Et donc, Naadia en solo reprenant une très belle chanson d'Alexandre Vertinski:

L'original de 1944 peut être écouté ici.

Et le premier morceau du dernier album du groupe:

 

Shortparis

Shortparis est basé à Saint-Pétersbourg. Après un premier album de chansons essentiellement en anglais, sympathique mais pas révolutionnaire non plus, le groupe s’est affirmé avec son second album, Pâques (Пасха), sorti en 2017. Mené par un charismatique Nikolaï Komiaguine, Shortparis livre des performances scéniques absolument hallucinantes et sauvages. Il y a quelque chose chez eux du Wolfgang Press des premières années. C’est assurément un groupe à suivre, et c’est sans doute pour cela que, contrairement à tous les autres, ils sont déjà passés deux fois dans Trax sur Arte. C’est mérité.

 

Biopsyhoz

Changement de genre avec Biopsyhoz, puisque là, on plonge dans le métal. Projet phare de Sergueï Choubine, Biopsyhoz oscille entre indus, EBM, ambiant et électro, et donne des concerts qui en mettent plein la figure visuellement parlant, même si on est toujours à la limite du grotesque et du grand guignol. Leurs albums sont aisément disponibles en ligne, ils y sont mis gratuitement par le groupe lui-même. Le dernier en date, Effleurement (Касание,2016), est tout bonnement excellent.

 

Un dernier mot pour finir: ne me demandez surtout pas le sens des paroles des chansons en question. Je n'en sais strictement rien. Que ce soit en russe, en anglais, en allemand ou même en français, j'ai toujours été incapable de retenir autre chose que deux ou trois mots par chanson. Mon plaisir ici est purement musical.

19:04 Publié dans Musique | Lien permanent | Commentaires (0)

Jan de Fast - Le Plan de clivage

Fast.jpgLe docteur Alan, héros récurrent  des œuvres de Jan de Fast, est envoyé par Alpha pour aider un richissime entrepreneur. Cela sort de l'ordinaire, car habituellement, il est supposé aider des planètes entières, mais on lui demande de faire une entorse à la règle car l'entrepreneur en question est à la tête de la principale société de terraformation, et surtout, ça n'est quelqu'un qui a toujours fait preuve de générosité. Alan arrive donc sur la planète privée de l'homme d'affaire, et se retrouve à devoir soigner sa fille. Celle-ci, quelques jours auparavant, a mystérieusement disparu, avant de réapparaître totalement amorphe: vivante, mais sans conscience propre. 

Alan doit donc rester durant quelques jours auprès de la belle jeune femme, en compagnie de sa belle-mère, presque aussi jeune, laquelle n'est pas vraiment humaine: elle vient d'un autre monde, mieux, d'un autre univers, une planète qui par le passé a été mystérieusement projetée au-delà d'un plan de clivage.

L'intrigue de Le Plan de clivage (1978) de Jan de Fast, fleure bon à la SF ancienne, celle à la Star Trek, et a tout pour être plaisante. Sa structure est astucieuse et repose sur des problèmes spatio-temporel qui n'auraient pas déplu au capitaine Picard. Mais hélas, ce roman est sans doute écrit un rien trop vite, et la psychologie des personnages n'est que survolée. Pire: on savait le docteur Alan un tantinet fleur bleue, lui qui tombe amoureux dans chacun des romans dont il est le héros. Mais là, il se surpasse: il couche avec quasiment tout ce qui a une paire de seins et une belle chevelure, en amoureux sincère. Ce n'est pas en soit pas bien gênant: on est dans une SF post-soixante-huitarde, qui prône une liberté totale de mœurs. Le hic, est qu'il fait la même chose avec la fille inconsciente de l'homme d'affaire. Celle-ci, véritable pantin, s'offre inconsciemment à lui, et lui ne résiste pas, au contraire. Pire: il est même carrément dépité... parce qu'elle ne participe pas vraiment et se contente de se laisser faire. Bref, il s'agit clairement d'un viol. Voilà un véritable faux pas de la part d'un auteur d'ordinaire plutôt progressiste.

Au final, au-delà de cet aspect dérangeant, Le Plan de clivage est un roman plus que mineur, qu'on peut oublier sans regret.

21/09/2019

Olivier Bérenval - Nemrod

Bérenval.jpgDans un futur très lointain, l'humanité a essaimé d'une étoile à l'autre. De gigantesques vaisseaux, pilotés par des IA, ont permis la colonisation de chaque monde habitable rencontré en y adaptant sa cargaison d'humains aux conditions locales, créant ainsi des "variants", des populations humaines au physique très variable. L'ensemble de ces mondes est placée sous la coupe d'une Communauté. Humains et IA vivent en harmonie. Mais voilà qu'un monde lointain est littéralement dévasté par une force inconnue. Cette même force repousse la flotte militaire de la Communauté et peut alors s'attaquer à n'importe quel monde colonisé.

Basé sur un tel univers, Nemrod d'Olivier Bérenval (Mnémos, 2017), nous invite à suivre les aventures de trois personnages principaux: un jeune colon d'une planète agraire reculée, une militaire appartenant aux Forces de la Communauté, et un vidocq, autrement dit une sorte d'homme de main / détective / agent de sécurité. Tous les trois n'ont rien en commun, mais leurs parcours respectifs vont nous permettre de prendre connaissance d'un univers particulièrement riche, un univers menacé d'effondrement par l'Adversaire.

Second roman de l'auteur, Nemrod est un étonnant projet littéraire. Volumineux space opera, le texte est cependant truffé de références à des poésies et des chansons du XIXe siècle, notamment de Victor Hugo. Préciosité? Pas le moins de monde: ces inclusions, qui n'ont pas valeurs de citations car elles sont souvent adaptées à l'univers développé ici, font sens. Olivier Bérenval a visiblement eu de saines lectures. Son Adversaire a tout du Titan de l'espace d'Yves Dermèze. On sent aussi le poids d'Hypérion, de Dan Simmons. Sans doute aussi la série Andromeda a-t-elle été une source d'inspiration. Pour autant, il ne s'agit pas d'un patchwork boiteux, mais bien d'un bon roman, bien construit, bien écrit, et pour le coup passionnant. 
Je me permettrais cependant de relever deux petits défauts. L'auteur n'est visiblement pas scientifique, aussi emploie-t-il parfois des expressions et des concepts mal à propos. Non, quand on vit sur une planète jovienne, on acquiert pas un physique plutôt courtaud comme celui de Czar Santo: on devient une crêpe, tout bonnement. Et non, il est peu recommandé de passer à plusieurs dizaines d'UA d'une nova. À quelques années lumières, pourquoi pas, mais à quelques UA, on grille. 
Ce reproche est à rapprocher d'un second: Olivier Bérenval jargonne terriblement. Je sais bien que c'est le propre de la SF que d'inventer son vocabulaire spécifique. Mais encore faut-il que cela soit utile. Ainsi les "câbles titanotressés" sont tout bêtement des câbles en titane, puisque les câbles sont toujours tressés.
Mais peu importe ces détails, qui peuvent agacer sur le coup, ils n'empêchent pas la lecture. Il règne sur Nemrod un souffle épique et poétique indéniable, qui fait de ce livre un très bon roman.