Un playlist cyberpunk
01/12/2019
Lire Carbone modifié de Richard Morgan a relancé mon intérêt pour le cyberpunk, un genre que j'ai toujours affectionné, mais que j'ai longtemps délaissé, faute de pouvoir tout lire. Si les transpositions cinématographiques du cyberpunk sont souvent assez décevantes, écrasées qu'elles sont par la magnificence du Blade Runner de Ridley Scott, qui lui a donné tous ses codes, les transpositions musicales, elles, sont riches et toujours actuelles.
Mais existe-t-il vraiment un cyberpunk musical? Pas vraiment. L'étiquette n'a jamais été accolée à un courant musical particulier, aussi la playslit qui suit repose-t-elle sur des critères totalement subjectifs.
Commençons par les grands ancêtres, avec tout d'abord Edward Artemiev, compositeur soviétique de musique de films et de musique électronique. Peu de choses dans son œuvre pourraient évidemment être placées sous l'étiquette "cyberpunk", mais il y a tout de même le long morceau Peregrini, initialement composé en 1976, révisé en 1983, et réécrit encore dans les années 1980. Il a servi à la bande son du film de SF soviétique Lunnaya Raduga. C'est un chef-d'œuvre de la musique électronique, et l'on y trouve déjà tout ce qui fait le cyberpunk: noirceur, ambiance urbaine sombre et chaude, samples de voix.
Une autre bande son de film ouvre aussi le bal, avec Eurythmics et The Ministry of Love, de l’album 1984 (1983). L'album a longtemps été mésestimé, inclassable qu'il est: ni vraiment synthpop, ni indus, ni pop tout court, et certainement pas rock. Noir, dystopique, mais chaud, voire brûlant: il offre déjà ce qui peut former une ambiance cyberpunk.
Autre évidence parmi les précurseurs: Skinny Puppy, notamment avec Solvent, un morceau que je préfère toutefois dans la version de l’album Weapon (2013), mais dont l’original date de 1984.
Plus inattendu: Clan of Xymox, avec le morceau Stranger, de l’album Clan of Xymox (1985). Ceux-là sont le plus souvent étiquetés "goth" qu'autre chose, mais Stranger est tout sauf du goth.
Arrivent les années 1990, avec celui qui s'impose comme une évidence: Billy Idol, avec l'album bien nommé Cyberpunk (1993), et notamment Tomorrow People. Souvent décrié, Cyberpunk n'en reste pas moins un très bon disque à mes oreilles.
Il faut compter aussi avec The Cassandra Complex, qui déjà en 1990, a avait déjà publié un assez médiocre album intitulé Cyberpunx. Mais c'est surtout l'album Sex & Death (1993) qui offre une belle ambiance cyberpunk.
L'existence de Front Line Assembly ne date pas que des années 1990, mais c'est avec l'arrivée de Rhys Fulber que le groupe va donner son meilleur, avec des albums ouvertement cyberpunk, tels que Tactical Neural Implant, Millenium ou Hard Wired. Sex Offender, de l’album Millenium (1994) est un bel exemple de cette production:
Nine Inch Nails s'impose aussi, évidemment, mais ce sont curieusement plus les mix de Charlie Clouser sur Further Down the Spiral (1995), qui me donnent envie de foncer à toute allure sur les autoroutes de l'information, comme on appelait alors l'internet; Exemple avec Heresy (version):
Toujours attentif à l'air du temps, David Bowie, s'inspire aussi bien de la démarche de Billy Idol sur Cyberpunk, que de la musique de Nine Inch Nails pour produire avec Brian Eno un pur chef d'œuvre: 1. Outside (1995), avec entre autre la magnifique chanson I’m deranged:
Il y a eu beaucoup de "cyber" jusqu'ici, mais assez peu de "punk". Il faut y remédier avec un extrait du premier album d'Atari Teenage Riot, Delete yourself (1995), brûlot electro-punk jouissif, invitation à l'émeute urbaine.
Alan Wilder, ex Depeche Mode, sous le nom de Recoil, a mené une belle et trop rare carrière solo. Son chef-d'œuvre est l'album Liquid (2000), dans lequel il n'y a rien à jeter. Il y produit une musique à la fois organique et urbaine. Exemple avec le bien nommé Vertigen:
Après une carrière en dents de scie, Gary Numan revient sur le devant de la scène en s'inspirant de la scène industrielle, et notamment de Nine Inch Nails. C'est ainsi qu'il a pu produire quelques bons albums, et notamment Pure, qui, dans sa version en deux CD, contient une magnifique version de A Prayer for the Unborn. Cette version est tellement plus puissante que l'originale, que Gary Numan ne jouera plus que celle-ci en concert.
Plus extrême est la production du duo mexicain Hocico. Mais si l'on doit s'en tenir au thème de cette liste, c'est plutôt le projet solo de Racso Agroyam, Dulce Liquido, qui s'impose, notamment avec Disolucion (2000).
L'une des rares réussites visuelles du cyberpunk est l'ensemble Ghost in the Shell, constitué par les films de Mamoru Oshii et les séries Stand Alone Complex. C'est Yoko Kanno, artiste caméléon, qui s'est chargé de la musique des séries, avec au chant la Russe Origa. Inner Universe (2003), ouvre magnifiquement la première saison:
Restons au Japon (si l'on veut), avec un album hors normes, assez peu électronique (mais après tout, celle liste n'est pas un best off de l'electro, ni de l'indus), avec Hai!, de The Creatures, alias Siouxsie Sioux et Budgie. Les deux anciens Banshees s'y défoulent et livrent ici un bijou percussif, invitation à une plongée dans le Tokyo nocturne.
Après le Japon, la Russie, venue tardivement au genre, ici avec Dolphin et la chanson Kokon, sur l’album Yunost (Юность, 2007):
Et pour finir, un morceau de Conjure One, le projet de Rhys Fulber (ex Front Line Assembly), débarrassé de ses oripeaux industriels, et influencé par le Trip Hop, notamment de Massive Attack. Avec Oligarch, de l’album Exilarch (2010), Conjure One se montre comme un parfait continuateur de Recoil:
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