Poul Anderson - La Reine de l'Air et des Ténèbres
30/12/2019
Après Clifford Simak, Poul Anderson, autre grand classique de la SF américaine, et avec là encore un recueil de nouvelles: La Reine de l'Air et des Ténèbres, paru chez J'ai lu en 1982 et reprenant tel quel un recueil américain de 1973.
Si ce volume contient six nouvelles différentes, n'ayant a priori rien en commun, il faut bien avouer cependant que ce recueil est remarquablement cohérent par les thèmes qu'il aborde. Ou plutôt, par LE thème. Car chaque nouvelle nous montre ce qui peut se passer lorsqu'une colonie, éloignée de la Terre dans le temps comme dans l'espace, se retrouve à évoluer seule, au contact d'un environnement différent, parfois totalement autre. Ainsi dans la nouvelle éponyme, sur la planète Roland, les indigènes ont tout fait pour disparaître de la surface du globe, du moins aux yeux des envahisseurs humains, qui ne se doutent pas de leur présence. Mais petit à petit, tout se passe comme si les colons agriculteurs étaient hantés par des fées, des elfes...
Dans Chez nous, les occupants d'une petite base scientifique, installée sur une monde paradisiaque, refusent de revenir sur Terre lorsque l'ordre leur en est donné: ils sont persuadés qu'ils vont pouvoir se fondre pacifiquement dans la population locale.
Dans L'Ennemi inconnu, le monde de Sibylle, lui, est au contraire hostile, et la colonie locale a toutes les peines du monde à s'y maintenir. Pire: d'étranges extraterrestres y ont mené un assaut violent il y a quelques décennies. Aussi la flotte du Directorat vient-elle enquêter.
La nouvelle Le Faune semble revenir sur le monde de Chez nous. Mais cette fois-ci, tout s'y passe pour le mieux: les humains ont appris à respecter ce monde et à s'y intégrer.
Dans l'ombre, sans doute la nouvelle la plus faible du recueil – mais une très bonne nouvelle tout de même: c'est dire de la valeur du reste –, nous montre une expédition scientifique aller à la rencontre d'un astre inconnu, invisible, errant, sans doute venu d'un univers de matière noire.
Enfin, Décalage horaire, qu'il aurait mieux valu titrer en français Décalage temporel, nous montre comment une planète du même type que celles présentées dans Le Faune ou Chez nous, et ses habitants s'y prennent pour résister aux tentatives d'invasions menées par un monde industriel surpeuplé.
Voilà un recueil qui se lit d'une traite, servi par une belle plume (même si l'on peut regretter quelques problèmes de traduction) mise au service d'un propos intelligent. Chaque nouvelle, en quelques pages, nous dresse un arrière plan riche, des personnages attachants mais pas infaillibles. Le thème du colonialisme est au cœur de la réflexion de l'auteur, mais aussi celui des décalages temporels entre une métropole lointaine, la Terre, et des mondes qu'on ne peut atteindre qu'après des décennies de vol relativistes. Car si Poul Anderson n'écrit ici pas de hard science bardée d'équations, il n'en respecte pas moins les règles de la physique de notre temps.
Une lecture aussi agréable que réellement enrichissante.
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