R. A. Dick - Le Fantôme et Mrs Muir
21/12/2019
À trente-quatre ans à peine, Mrs Lucy Muir est veuve. Mariée sans amour à un architecte médiocre qui lui a fait deux enfants avant de tomber malade et de laisser la famille ruinée par ses spéculations boursières, elle a toujours été soumise à l'emprise de sa belle famille, qui n'a eu de cesse de choisir pour elle ce qui lui serait bon.
Aussi décide-t-elle de s'exiler et de s'installer dans un petit village sur la côte. Une maison, "Les Mouettes", a attiré son attention dans le catalogue d'un agent immobilier. Coquette, elle est pourtant proposée à la location pour une somme on ne peut plus modique. La raison? Elle serait hantée. En tout cas les précédents locataires n'ont jamais pu rester plus d'une journée dans ses murs. Mais voulant jouir de sa toute nouvelle liberté, Lucy Muir n'en fait qu'à sa tête: elle loue la maison, s'y installe avec ses enfants et rencontre... le capitaine Clegg. Ou du moins son fantôme, qui s'est juré de rester en ce lieu tant que la maison ne sera pas devenu un asile pour vieux marin. Et gare à quiconque osera modifier les lieux.
Mais Mrs Muir, pourtant petit et frêle, va non seulement lui tenir tête, mais aussi tâcher de l'apprivoiser.
Roman méconnu, unique œuvre traduite en français de R. A. Dick (pseudonyme de Josephine Aimee Campbell Leslie), Le Fantôme et Mrs Muir (1945) est un petit bijou. Au premier abord, il joue dans le registre de la comédie légère, et se révèle souvent drôle dans sa description de la confrontation entre un caractère fort, celui du vieux marin, et un autre en passe de le devenir tout autant, celui de Lucy, qui compte bien ne plus laisser quiconque lui dicter ses choix.
Mais cette œuvre est aussi une satire de la bonne société britannique, de ce milieu où les femmes doivent être de jolies petites poupées qui se tiennent bien, qui vont au club de bridge, s'occupent de bienfaisance, parlent peu, et font tout ce que leur mari leur dit, bref d'éternelles mineures. Mrs Muir a ici quelque chose de Madame Bovary, mais une Madame Bovary patiente, qui s'en voudrait de faire du mal à qui que ce soit, et qui préfère rester seule – ou presque, puisqu'il y a le fantôme –, tranquille, que mal accompagnée. Et lorsqu'elle tombe amoureuse et apprend que son prétendant est en fait déjà marié, elle préfère rompre aussitôt, quitte à se faire mal, tout en reconnaissant que cet amour l'a tout de même rendu heureuse.
Roman sensible, drôle, romantique sans tomber dans le mièvre, Le Fantôme de Mrs Muir est un de ces petits bijoux capables de raconter avec finesse toute une vie en à peine deux cents pages.
1 commentaire
Et le film de Joseph Mankiewicz dont une scène orne la couverture du livre est pas mal non plus !
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