Vill Lipatov – Fedor Aniskine, détective de Sibérie
23/07/2019
Dans ma quête du polar soviétique, j'ai cru tomber sur quelque chose de plus ancien que les romans des Weiner, avec Fedor Aniskine, détective de Sibérie, de Vill Lipatov. Mais il ne s'agit pas ici de polar, et la couverture rigolote offerte par les Éditions du Progrès à ce volume aurait dû me mettre la puce à l'oreille.
Fedor Aniskine, certes, fait partie de la Milice. Mais il est garde-champêtre, dans un petit village de Sibérie, dont il est de fait le seul gardien de la paix. Il a soixante ans, il a combattu durant la Guerre Civile, puis durant le Seconde Guerre mondiale. C'est un parfait communiste, un ancien héros. Mais il est aussi un géant, et gros, très gros. Sa journée de travail, entrecoupée de repas et de siestes, le pousse à arpenter le village et à se tenir prêt à résoudre tous les problèmes. Et des problèmes, il y en a: on a volé l'accordéon du président du Club, on a volé des matériaux à la forge, on a tué un élan dans la taïga. Et Fedor Aniskine, toujours, découvre le coupable. Car, étant un peu la mémoire de l'endroit, il connaît tout le monde jusqu'au fond de son âme. Il ne lui faut guère de temps pour résoudre les énigmes qui se posent à lui.
Cependant, Fedor Aniskine est plus qu'un détective. C'est un personnage, un bonhomme. Un genre de Don Camillo rouge, qui veille sur ses ouailles comme s'il s'agissait de ses enfants. Et il le fait à sa manière, sans forcément respecter les directives qui viennent de la ville. Pour cela, il est respecté de tout le monde, "papa" Aniskine.
Ainsi découvre-t-on, au fil des nouvelles qui composent ce volume, un personnage attachant, haut en couleur, qui nous mène du rire aux larmes, et décrit par Lipatov avec beaucoup de tendresse, de finesse. Si Aniskine a de prime abord l'air d'un rustre, il n'en est rien, et le dernier récit, qui occupe à lui seul un tiers du volume, porté qu'il est par une véritable enquête policière, finit par achever son portrait: celui d'un homme simple, en effet, qui a vécu quarante ans au même endroit, servant avec fidélité ses concitoyens et l'État, mais qui finit par se rendre compte, avec désarrois, à l'aube de la retraite, que son petit monde (y compris sa famille) va bientôt changer.
Fedor Aniskine, détective de Sibérie, s'avère ainsi un petit bijou, une véritable découverte pour moi, et la preuve que l'on peut produire une oeuvre à la fois marquée par l'idéologie dominante et brillante malgré tout.
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