J.-H. Rosny aîné - L'Énigme de Givreuse
01/12/2018
Élaborer le dossier spécial « science-fiction et Première Guerre mondiale » pour la revue Galaxies a été l’occasion pour moi d’aborder des œuvres que je connaissais peu ou mal, et de prendre beaucoup de plaisir à leur lecture. Mais plutôt que de raconter des bêtises, j’ai toutefois préférer laisser le soin à de vrais spécialistes de parler de certains auteurs, et c’est donc Clément Hummel qui s’est chargé d’éclairer le cas de L’Énigme de Givreuse, bref roman de J.-H. Rosny aîné. Ce n’était cependant pas une raison pour ne pas le lire, d’autant plus que la BNF vient d’en fournir une nouvelle édition.
1916. Alors que la guerre fait rage, on découvre sur le front deux blessés qu’on évacue en urgence vers un hôpital. Là, le personnel médical se rend compte que les deux hommes sont en tous points semblables : ils se ressemblent comme des jumeaux, sont atteints des mêmes blessures, portent les mêmes vêtements, et leur livret militaire est absolument le même. Pire : tous deux affirment s’appeler Pierre de Givreuse. Autre phénomène étrange : ils pèsent chacun la moitié du poids d’un homme normal, et lorsqu’on les sépare, ils semblent perdre leurs forces. Que s’est-il donc passé ?
Voilà un texte dont la trame peut ravir les amateurs de science-fiction intelligente. Même si l’on se doute bien que l’énigme qui donne son titre au roman sera résolue, cela importe peu : Rosny explore plutôt les conséquences de ce dédoublement sur la vie de Pierre de Givreuse : qui va être le vrai, qui va être la copie ? Qui va rester avec la fiancée qui attend à l’arrière ? Que va devenir l’autre, qui n’aura pas d’existence légale ? Que va-t-il se passer aussi à partir du moment où les deux hommes, qui partagent le même passé, vont commencer à diverger ?
On est typiquement dans le type d’histoire qui a fait le charme d’une série comme Star Trek, où l’on joue parfois sur les cas de doubles involontaires, à cause d’accidents de téléporteur (un problème arrivé notamment à Ryker, qui se découvre un double). Mais on notera aussi que le roman de Rosny est assurément une des sources d’inspiration du Prestige, de Christopher Priest, qui repose sur un postulat singulièrement proche.
Au-delà de cet intérêt pour l’histoire de la SF, on notera tout de même que ce n’est pas un texte parfait, il accuse un léger coup de mou au milieu de la narration, mais il se lit toujours tout seul, et avec un grand plaisir : ce n’est pas un texte qui a vieilli.
La nouvelle qui l’accompagne, La Haine surnaturelle, est, elle, un petit chef d’œuvre. Un frère et une sœur vivent isolés dans une grande maison au bord d’un marais. Chaque soir, ils ont soin de fermer toutes les issus de leur demeure. Pourtant, une nuit, l’homme est attaqué par quelqu’un qui a cherché à le tuer. Qui donc ? Servi par une très belle ambiance, cette nouvelle repose sur un postulat vertigineux.
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