Christopher Priest - La Fontaine pétrifiante
08/01/2014
Il est plus que temps que je rattrape mon retard en chroniques de lectures: et c'est peu dire que j'ai beaucoup durant les dernières vacances. Une boulimie salutaire. Si La Fontaine pétrifiante de Christopher Priest (lu ici dans son édition Folio SF) n'est pas la première de ces lectures, elle n'en est pas moins une des plus intéressantes, et des plus décevantes.
Peter Sinclair est un Londonien victime de la crise, crise durant laquelle il perd tout: son emploi, sa petite amie, et même son père, qui décède tout en lui léguant cependant un petit pécule. Se faisant un brin associable, il se fait cependant prêter un cottage, à charge pour lui de le restaurer et de l'entretenir. Mais voilà qu'il se pique d'écriture, et se lance dans la rédaction d'une pseudo-autobiographie prenant place à Jethra, en Faiandland.
Peter Sinclair est un habitant de Faiandland, mais il est surtout l'un des heureux gagnants de la Loterie Collago, dont le prix est un traitement rendant immortel, au prix d'une perte totale de la mémoire. Par chance, il a rédigé auparavant son auto-biographie, un récit qui cependant le fait vivre... à Londres.
Bien que régulièrement publié au sein de collection de SF, La Fontaine pétrifiante n'est pas un roman de SF. Et s'il n'y avait pas le recueil contemporain de L'Archipel du rêve, rien ne permettrait vraiment de le rattacher au genre. Car ce que décrit Priest avec un immense talent semble ici plus un cas de schizophrénie particulièrement sévère. Mais peu importe, car au passage Priest livre justement bien des choses sur la perception - faussée ou non - que l'on peut avoir du monde, sur le rapport de l'écriture au réel (un texte narratif est-il le reflet fidèle de la réalité), et sur la mémoire. Mais curieusement pas la mort, pourtant au centre du propos, sujet qui justifie pourtant le titre français: le traitement de la Loterie Collago obligeant à figer sa mémoire, comme la fontaine pétrifiante immortalise les objets qu'on y plonge tout en les figeant définitivement.
Priest est un stylise remarquable, sa plume est tout en finesse, il joue aussi facilement sur le premier que sur le second degré, bref, ce roman est particulièrement riche. Et pourtant au final il ne m'a pas plu. Car à mes yeux Peter Sinclair est un personnage particulièrement ingrat: un indécis, nombriliste, obnubilé par sa petite personne pourtant de peu d'importance. Autrement dit, je n'ai jamais rien eu à faire des états d'âme de ce personnage. Je suis resté aussi étanche à ses pensées que que je le suis à celle de nombre d'écrivains français pratiquant l'auto-fiction.
Cela-dit, ça ne m'empêchera pas de continuer à lire Priest, assurément. C'est un grand écrivain.
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