Jacques Sadoul
19/01/2013
Jacques Sadoul est mort. Et même si je ne le connaissais pas personnellement, cela me fait quelque chose, car, lorsque je regarde les rayons de ma bibliothèque, je me rends compte à quel point les volumes SF de chez J'ai Lu, du temps où il dirigeait cette collection, sont présent. Je pense même quasiment tout avoir.
C'est aussi chez J'ai Lu qu'il avait lancé la revue (ou anthologie périodique) Univers, que j'avais découverte par hasard, en achetant une collection presque complète au début des années 1990.
Cela correspondait aux années durant lesquelles j'ai créé et animé, à l'université de Caen, un fanzine littéraire qui s'appelait Palinods. L'idée me vint assez rapidement d'envoyer quelques questions à Jacques Sadoul sur Univers. Ce qui fut fait, et quelques temps plus tard, je reçus à ma grande joie les réponses, accompagnées d'un exemplaire d'Univers 1988, le seul qui manquait à ma collection. Cette interview n'est jamais paru, suite à l'arrêt du fanzine et à mon départ de l'université en tant qu'étudiant. Elle est restée longtemps à dormir dans mes dossiers, même si de temps en temps je ne pouvais m'empêcher de me demander ce que je pouvais bien en faire.
Mais voilà, Jacques Sadoul est mort. Alors tant pis, voilà cette interview, maladroite certes - je n'étais qu'un étudiant en géologie, après tout - mais qui a le mérite d'exister.
PL: Comment se sont passés vos rapports avec Yves Frémion, de 1975 à 1979?
JS: J'avais déjà établi le sommaire du n°1 quand j'ai engagé Frémion pour devenir rédacteur en chef. Nos rapports ont toujours été excellents.
PL: Lors de la deuxième période de parution d'Univers, on constate un apport massif de textes primés (prix Hugo, Nebula...). Etait-ce volontaire de votre part ou bien ceux-ci étaient-ils traités de la même manière que les autres?
JS: Les textes primés n'ont pas été choisis parce que primés, mais ont été lus en priorité, ce qui explique leur présence massive.
PL: Dans sa première série, Univers a confié ses couvertures à des dessinateurs français (Bilal, Moëbius, Mézière...) qui s'inspiraient de son contenu. Pourquoi ne pas avoir continué sur ce principe après 1980, plutôt que de faire appel à des dessins américains n'ayant pas forcément de rapport avec les textes publiés?
JS: J'ai choisi des dessins américains à partir d'Univers 1980 pour marquer la rupture avec le premier Univers.
PL: Vous avez déclaré dans Univers 1981 qu'il y avait d'autres revues que la votre pour l' "expérimentation littéraire". Or auparavant vous n'avez pas hésité à publier des auteurs parmi les plus difficiles et les plus avant-gardites (Burroughs, Ellison, Ballard, Douay...). N'y a-t-il pas contradiction?
JS: Les textes d'expérimention littéraire parus dans les 19 premiers Univers ont entraîné la désaffection du public. Ventes du n°1: épuisé à 50.000 exemplaires. Ventes du n°19: 19.000 exemplaires.
PL: Vous sentiez-vous en réelle concurrence avec d'autres revues pour ce qui était de la qualité, et par là même, de l'acquisition des textes étrangers ou français?
JS: Non.
PL: Concernant les auteurs français, quels étaient vos critères de sélection? Souhaitiez-vous qu'ils soient comparables aux Anglo-Saxons ou bien qu'ils aient un style particulier?
JS: Aucune différence de critères entre les Français et les Anglo-Saxons.
PL: Comment se fait-il que bon nombre d'auteurs français publiés dans Univers dans les années 80 aient été obligés de publier leurs autres oeuvres au Fleuve Noir?
JS: Le Fleuve Noir pouvait publier quatre titres par an d'un même auteur, ce qui était impossible en J'ai Lu. De plus, avoir écrit une bonne nouvelle ne prouve pas qu'on puisse écrire un bon roman.
PL: Pour vous, y a-t-il eu des périodes d'Univers meilleures que les autres?
JS: Je préfère les trois premiers numéros et Univers 1980.
PL: Qu'est-ce qui a motivé la cessation de parution d'Univers après le numéro 1990?
Ventes d'Univers 1980: 43.663 exemplaires. Ventes d'Univers 1990: 11.212 exemplaires. Ceci répond à votre question.
PL: Regrettez-vous Univers? Et seriez-vous prêt à la faire revivre?
JS: Il ne faut jamais rien regretter dans l'existence. Je suis heureux d'avoir fait Univers comme je suis satisfait d'avoir réalisé mes anthologies des vieilles revues américaines. Je ne recommencerai pas. En revanche, je viens de publier une sotre d'Univers français intitulée Genèses, dont j'ai confié la direction à Ayerdhal et qui ne comporte que des auteurs francophones. Il n'y en aura pas d'autre.
2 commentaires
Bonen idée de reposter.
Bel hommage, merci.
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