Caza - Le Jardin délicieux
31/12/2012
Je lis actuellement peu de BD. Bien moins que par le passé, en tout cas. C'est trop cher et trop vite lu, et souvent trop peu original. Bien souvent les scénaristes affichent un train de retard par rapport aux romanciers (le travers est d'ailleurs le même pour le cinéma), et rares sont les dessinateurs actuels à avoir un style propre.
Aussi est-il assez curieux que j'aie pris le risque de commander celle-ci, Le Jardin délicieux, de Caza, sans même la feuilleter ni la tenir en mains. Et pour cause: elle n'est disponible qu'en ligne, sur le site de l'auteur où l'on peut l'acheter soit en numérique, soit en tirage papier traditionnel. Mais voilà, c'est Caza. Si je n'ai pas toujours apprécié son travail d'illustrateur de SF, loin s'en faut, je reste un fan inconditionnel de ses BD, et notamment des plus courtes, celles publiées par exemple dans Métal Hurlant ou Pilote, dans lesquelles il fait souvent preuve d'humour, de satire, en développant pourtant un fond sérieux, avec un style poétique, parfois à la limite du surréalisme. Il en a d'ailleurs réédité quelques unes dans un ebook fort sympathique, Les Montres du placard.
Le Jardin délicieux (de son titre exact: Les aventures d’Adam et Eve au jardin d’Eden, avec tous les détails croustillants, racontées d’après le livre des livres (la Bible), récit agrémenté de quelques fantaisies apocryphes (avec du poil), par le Pr. Grandjardin, Maître de circonférence à la Faculté Cérébrale d’Athéologie Paranoïde de Gnôthi-Seauton), en revanche est une oeuvre créée en 2011-2012 et, de l'aveu même de Caza, refusée par les éditeurs. Du Caza refusé. Voilà une chose que je pensais difficilement envisageable. Tant pis pour eux. Quoi qu'il en soit Caza s'est donc pris en main et s'est auto-édité.
Et l'album dans tout ça? Eh bien il est remarquable. Caza fait le choix de faire du neuf avec du vieux, du très vieux même. Le livre I de la Genèse. Mais pour cela, il nous réécrit cette histoire en en montrant toute l'absurdité. Aussi Dieu est-il présent comme un gros bébé monoculaire qui fait mumuse dans son bac à sable. Et qui crée, juste parce qu'il s'ennuie. Evidemment, la création en question ne peut que s'ennuyer, surtout si elle est incomplète et qu'on la dote d'une prise mâle sans la prise femelle qui va avec. Bref, Adam s'ennuie à son tour, et malgré la présence de Dalila la chèvre, se retrouve à jouer tout seul avec sa prise mâle. De l'ennui arriveront les ennuis. Lilith, d'abord. Ici commence une série de pages somptueuses qui nous rappellent que tout humoristique qu'elle est, cette BD est sérieuse. Puis Eve. Et quelle Eve! Une femme libre, et qui libère aussi Adam. Caza nous montre par a +b (mais fallait-il en être convaincu), que si le mal frappe l'humanité, il est un peu vain d'accuser le libre arbitre donné à l'Homme quand c'est Dieu lui-même le responsable de tout cela.
Dire que le dessin m'a plu serait faible. C'est à la fois naïf et stylisé, et en même riche, colloré, gai même. Un dessin qui fait du bien à l'oeil, qui rafraîchit. Difficile du coup de croire son auteur, comme il nous l'explique dans cette vidéo (en tenue d'Adam), qu'il ne s'agit que d'une improvisation:
Caza - Le Jardin Délicieux - BD 64 pages couleur... par PhilippeCAZA
A moins évidemment qu'il ne s'agisse d'une improvisation de maître.
1 commentaire
Magnifique ! Que dire d'autre que merci !!!
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