Pierre-Barthelémy Gheusi et Charles Lomon – Soroé, reine des Atlantes
23/10/2021
De la fantasy française datant de 1904, cela se peut-il donc?
Les éditions Callidor nous en apportent une fois de plus la preuve avec Soroé, reine des Atlantes, de Pierre-Barthelémy Gheusi et Charles Lomon. Il s'agit-là de l'édition d'un manuscrit datant des années 1940, rédigé par Gheusi seul, et révisant en profondeur un roman paru initialement en feuilleton en 1904 et signé par les deux auteurs. Mais de quoi est-il donc question?
Un groupe de jeune barbares tentés par l'aventure prend la mer, avec à sa tête deux jeunes hommes, dont un est le fils d'une femme venue bien des années auparavant d'une contrée inconnue du sud. C'est vers cette contrée que les aventuriers vont voguer, et celle-ci est tout simplement l'Atlantide, sur laquelle règne la toute puissante reine Yerra, une magnifique jeune femme, qu'on dit d'ailleurs éternelle, dotée d'un savoir immense.
Cette Atlantide est en proie à des tensions fortes: le culte des dieux bienveillants a été évincé, avec le soutien de la reine, par le cruel culte de l'Or et du Fer, qui pratique volontiers le sacrifice humain. Mais la révolte gronde dans les provinces du Nord, où un grand seigneur songe à épouser la petite-fille du dernier grand prêtre des dieux bienveillants, et à s'associer ainsi à ce culte dans sa quête du pouvoir.
C'est dans ce contexte qu'arrivent, de façon inattendu, Argall, Maghé et leurs compagnons.
Commençons par les défauts: comme souvent avec les romans écrits à la manière des feuilletonnistes d'avant-guerre, les personnages ne brillent guère par leur psychologie. On a ici un roman qui aurait pu être signé Paul Féval ou Ponson du Terrail, avec des personnages attachant certes, mais à la limite de la caricature. Cependant, le genre en voulait ainsi, et ces personnages sont parfaitement adaptés à une intrigue chargés en rebondissements, dynamique, et qui forme au final un roman dont les pages se tournent à toute vitesse.
L'intrigue elle-même est en effet profondément originale pour l'époque. Nous ne sommes pas ici dans une proto-fantasy qui décalque les codes et les manières des romans médiévaux, mais bel et bien dans quelque chose de neuf. L'Atlantide de Gheusi et Lomon n'est pas grecque: elle est autre chose. Les deux auteurs ont tenté de bâtir une civilisation inédite, et ils l'ont fait avec brio.
Comme ne peut que le noter Brian Stableford dans le texte qui sert de postface, ce roman n'a connu aucune descendance littéraire, il n'a eu aucune influence... Quoi que... Si, de fait, il n'a pu influencer la fantasy épique anglo-saxonne, qui nous arrivera à partir des années 1970, je me demande s'il n'a pu influencer un tout autre genre: celui du péplum européen (et notamment franco-italien) des années 1950-1960. Prenez Hercule à la conquête de l'Atlantide, de Vittorio Cottafavi (1963), ou encore Hercule et la reine de Lydie, de Pietro Francisci (1959), secouez très fort et vous verrez surnager un grand nombre de thèmes et de motifs qui se trouvent déjà tels quels dans Soroé. De fait, durant toute ma lecture de ce roman, je n'ai cessé de voir le personnage d'Argall avec la tête de Steve Reeves. Alors, moi qui adore ces péplums aussi désuets que pleins de charmes, autant dire que j'ai adoré Soroé reine des Atlantes.
1 commentaire
Ma foi tu viens d'aiguiser ma curiosité de façon magistrale!
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