Joyce Thompson - Les Enfants de l'atome
30/10/2019
Le Lieu est une parfaite utopie. La sérénité y règne, et ses habitants, tous bienveillants, ont inscrit dans leur Code l'obligation d'entraide. Même si finalement l'obligation n'a pas lieu d'être, car cette entraide vient naturellement. Chacun a sa place, dans ce Lieu. Bartholomew, lui, fait la télévision, avec sa caméra. Bartholomew circule en fauteuil roulant. Il a une nageoire, un seul bras, et est hermaphrodite. Lucas est la voix du Lieu. Il raconte des histoires. Il n'est qu'une tête posée sur un cylindre dans lequel flotte ses organes. Boris est l'inventeur. Il créée instruments et prothèses pour tous les habitants du Lieu. Des habitants tous différents, tous monstrueux, et pourtant si beaux.
C'est là le tour de force de Joyce Thompson, dans le premier tiers des Enfants de l'atome (Conscience Place, 1984), de nous présenter comme belles des Êtres (c'est le nom qu'ils se donnent) qui seraient vus comme des monstres partout ailleurs. Ces Êtres sont les enfants difformes des employés de l'industrie nucléaire, officiellement morts à la naissance, mais qu'on a recueillis et rassemblés dans un centre où, sous observation, on leur offre un cadre de vie idyllique, comme en forme de reconnaissance pour le sacrifice de leurs parents. Ils s'auto-gouvernent, et ne connaissent rien du monde extérieur, le domaine des Pères. Seul Frère Alice est en contact avec les Pères, Frères Alice, qui est en fait une observatrice de ce petit monde pacifique.
Mais voilà que ce bonheur va avoir une fin. Les crédits s'épuisent, et le Lieu, comme tout centre de recherche, se doit de devenir rentable. Comment vont réagir les Êtres? Comment va réagir Frère Alice, qui a tant donné de sa personne pour les protéger?
Roman méconnu de nos jours, Les Enfants de l'atome est un très beau roman, empli de poésie, mais aussi un roman cruel, critique de l'ultra-libéralisme reaganien, mais aussi de l'hypocrisie de l'humanisme de l'époque qui l'a précédé. Un roman qui nous oblige à réfléchir sur qui sont réellement les monstres.
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