Isaac Asimov - Fondation
11/01/2013
J'ai du lire le cycle de base de Fondation, d'Isaac Asimov, au moins quatre fois. Mais ce fut il y a longtemps. A treize ans, quinze ans, dix-huit et vingt-trois. C'est dire si je l'ai aimé : je me souviens parfaitement de ces lectures. Et puis il y a eu le dossier de Bifrost n°66, consacré à cet auteur, et auquel j'ai très modestement contribué, dossier dans lequel plusieurs critiques – dont moi – ont eu à revenir sur ce qui constituait pour eux une excellente lecture de jeunesse. Or la lecture plus « adulte » a visiblement été souvent décevante. Alors je me suis décidé à me prêter à nouveau à ce jeu, mais avec une œuvre autrement plus importante que Les Dieux eux-mêmes, que j'ai eu à aborder pour Bifrost. Autrement dit, retour à Fondation. Mais pas l'ensemble du cycle, non, juste ce qui, dans mon souvenir, était ce qu'il y avait de mieux, la trilogie initiale. J'ai donc revendu mes anciennes éditions, et me suis procuré la réédition de 2006 chez Lunes d'Encre. Il faut dire qu'une note de Gilles Dumay concernant cette réédition ne pouvait que m'obliger à franchir le pas : « il manquait 36 feuillets à Fondation, 57 feuillets à Fondation et Empire, 30 feuillets à Seconde Fondation » !
Et puis ce fort gros volume a tout de même plus de gueule que les vieux Présence du Futur violets que j'avais.
Je ne vous ferai pas l'injure de vous présenter le contenu de la chose : Fondation est un classique, lu par tous ou presque, aussi passerais-je directement à la partie « critique » (si l'on veut, je n'ai pas l'intention non plus de faire un article).
On l'a souvent écrit, et il est possible même qu'Asimov en ait fait état, que son modèle pour Fondation, ou du moins pour décrire l'évolution d'un empire, était The History of the Decline and Fall of the Roman Empire d'Edward Gibbon, un immense classique de l'historiographie anglo-saxonne. Il serait bien évidemment vain de dire le contraire. Cette lecture est même particulièrement sensible dans l'histoire du général Bel Riose et de l'empereur Cléon II, qui mêle habilement deux séquences historiques concernant la chute de l'Empire romain, tout deux basées sur la rivalité entre un général tout puissant et un empereur jaloux : pour l'Occident, Aetius et Valentien III, pour l'Orient Bélisaire et Justinien. Ce passage est d'ailleurs un des morceaux de bravoure de Fondation, un de ceux que j'ai eu le plus plaisir à relire.
Oeuvre basée sur l'Histoire, Fondation est aussi, en quelque sorte, la réflexion de son auteur sur les théories de l'Histoire alors en vogue, et notamment sur le matérialisme historique de Marx. Hari Seldon, quelque part, c'est Marx. A savoir quelqu'un qui analyse l'Histoire avant de proposer une solution pour en modifier le cours. Voilà quelque chose dont on – en tout cas moi – n'a pas nécessairement conscience lorsqu'on est jeune et qu'on n'a pas le bagage nécessaire pour comprendre. En cela, pour son époque, Fondation est une œuvre brillante.
En revanche, on pourra lui reprocher sans conteste sa faiblesse, ou plutôt son inégalité stylistique. Certes l'écriture de l'ensemble a pris plus de huit ans, et il est normal que dans un tel laps de temps, le style d'un auteur évolue. Fondation – je parle toujours de la trilogie – est ainsi parfois un texte vif, enlevé, haut en couleur, du pur space opera, en quelque sorte, mais parfois aussi quelque chose de bien plus mou voire totalement raté, notamment dans Seconde Fondation où les choix de construction narrative tranchent parfois trop avec le reste pour convaincre – ainsi les interpolations de réunions au sein de la Seconde Fondation, avec orateurs anonymes, sont-elles totalement inutiles.
Quoi qu'il en soit, nous ne sommes pas, sur ce point, en présence d'une grande littérature. Fondation est désespérément / magnifiquement (choisissez selon la direction dans lequel votre cœur balance) pulp. C'est une lecture pour tous, et assurément une lecture « jeunesse ».
Autrement dit, si vous avez un ado à la maison, collez-lui donc ce bon gros livre sous le sapin de Noël, vous ferez ainsi une très bonne action. Après cette relecture, Fondation, malgré toutes ses imperfections, demeure à mes yeux un classique indémodable, et il ne fait guère de doute que je le relirai, sans doute pas dans un futur proche, mais au moins avant ma retraite !
1 commentaire
Vous avez su ici donner l'envie de relire ce monument inaltérable...
Les commentaires sont fermés.