Roland C. Wagner - La saison de la sorcière
18/09/2011
Que dire de ce court roman de Roland Wagner, paru initialement en 2003? D'abord que dans sa version poche il dispose d'une très chouette couverture de Benjamin Carré, bien plus sympathique que celle de la version grand format et surtout collant formidablement au texte. Et à vrai dire, c'est elle qui m'a attiré, non pas parce que la nénette est mignonne, mais par le contraste que cette illustration offre entre une sorcière sur un balet et le chasseur à réaction qui la poursuit. Comment, une sorcière, une vraie, chez Roland Wagner, un auteur de SF pur et dur?
Tout commence par les mésaventures de quatre pieds nickelés, quatre banlieusards, mi-petits délinquants, mi-chômeurs, mi-zonard (oui, ça fait beaucoup de mi-): Vater Traüm, Lord, Tête de Maure ("Maure", pas "Mort", ça a son importance), et surtout Fric qui sort de 18 mois de prison pour avoir été choppé en train de fumer un pétard. Quatre kékés pas forcément très futés, mais sympathiques qui, par bravade, ont décidé de dépouiller un GI ivre mort. Mais c'est sans compter sur la présence inattendue de deux policiers qui se retrouvent illico ficelés dans un local à poubelles. Et Vater Traüm de revendiquer l'action au nom d'un groupuscule terroriste qu'il vient tout juste d'inventer: le Front de Libération de la Banlieue Parisienne.
Car oui, Paris et sa banlieue, et même toute la France, sont occupées. Par les Américains (les Tazus pour reprendre l'expression argotique en usage). Mieux, avant ce débarquement en force, un ptérodactyle géant a volé la Tour Eiffel. Et la tour de Londres a fondu, et des statues de Mao géantes se sont animées et ont ravagé Pékin. Clairement, dans ce futur proche où les USA sont en position hégémonique, la magie a fait son apparition, et elle est entre les mains de "terroristes".
En voilà un chouette petit roman. Roland Wagner nous fait suivre deux fils conducteurs: les (mes)aventures de Fric, et celle d'une sorcière capturée par l'armée américaine et enrolée de force dans la Brigade des Maléfices, une armée de (pseudo)mages constituée tout exprès pour lutter contre le terrorisme. Et son propos est simple: se livrer à une critique en règle de cet impérialisme des USA, et surtout des doctrines qui ont eu cour (et encore actuellement) sous les Bush père et fils. Avec cela on obtient un roman efficace, drôle et vraiment plaisant à lire, doublé donc d'un propos qui, s'il n'est pas d'une grande finesse, m'est bien sympathique. Avec cela, on a déjà les ingrédients suffisants pour faire une oeuvre populaire de qualité.
Mais c'est sans compter sur l'art qu'à Roland Wagner à parsemer ses récits d'allusions diverses et variées, et qui font mouche quand on sait les repérer. Ainsi le rassemblement des troupes US au Petit-Clamart ne manque pas de sel. De même, l'auteur a su masquer tous ses personnages sous des pseudonymes plus ou moins probables: ça n'est pas pour rien, car leurs origines, du moins celles des quatre banlieusards, nous sont suggérées quasiment à la fin. Une façon de dire dire qu'en banlieue, Arabes, Juifs ou Gaulois ne forment qu'une seule population et que les barrières n'ont pas lieu d'exister. Bref, au-delà du simple aspect divertissant, La Saison de la Sorcière est un roman plus subtil qu'il n'y paraît.
Et au final, fantasy ou SF, on s'en fiche.
3 commentaires
Intéressante chronique ! Faudra que je me le procure.
C'est un bouquin très fun, qu'on peut lire juste comme ça, et en même temps, si on veut, on peut aller à la pêche aux références. Un double niveau de lecture en quelque sorte. Un bon bouquin du coup.
il est dans ma bibliothèque depuis un moment, je crois que je vais le faire redescendre et l'inclure dans la PAL du moment.
Merci pour la chronique Patrice.
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