Vladimir Khotinenko - 1612
12/08/2011
En France, lorsqu'on subventionne le cinéma, c'est le plus souvent pour faire des FFCAJBD - Films Français Chiants Avec Jeanne Balibar Dedans, variante moderne du FFCAERR, Film Français Chiant Avec Eric Rohmer Réalisateur. Du film faussement intellectuel, ennuyeux au possible. En Russie, tant qu'à faire du vide de sens, on préfère subventionner des choses à grand spectacle. Cela donne des choses parfois ratées, comme le Tarass Boulba dont j'ai parlé récemment, et puis parfois d'authentiques réussites de cinéma populaire, comme le 1612 de Vladimir Khotinenko, une production de Nikita Mikhaïlkov (2007 en Russie, sorti en 2011 en DVD en France).
C'est juste histoire de vous montrer ce que c'est que je poste ici la jaquette du DVD, et je ne mettrai pas de lien vers la bande annonce en français: l'un comme l'autre sont trompeurs, voire mensongers, une fois encore: 1612 est présenté comme un pur film de guerre, ce qu'il n'est absolument pas. Mais voilà, il faut vendre. La trahison du distributeur français est cependant moindre que dans le cas de Tarass Boulba.
1612, donc. Andreï est un serf, chargé avec tout un groupe d'esclave, de haler des navires sur un fleuve. Cinq ans aupavarant, il était page à la cour des Godounov, lesquels furent massacrés sous ses yeux par des Polonais. Or voilà que sur un des navires qu'il tire, chargé de mercenaires, il retrouve la princesse Xenia Godounov. Avec audace, il parvient à se faire racheter par un condotière espagnol sans foi ni loi, et se lie d'amitié avec son serviteur tatar. Mais voilà que bientôt l'Espagnol est tué lors d'une ambuscade. Andreï, qui a été racheté sans contrat, peut dès lors être considéré comme un serf en fuite, et donc être condamné à mort. Qu'à cela ne tienne: il va usurper, avec la complicité active du Tatar, l'identité de son maître. Ce qui va bien sûr l'entraîner fort loin...
Car Andreï doit assumer son rôle, celui d'un puissant mercenaire, payé fort cher par les Polonais, et devant donc prouver sa valeur. Mais il jouit de deux atouts: tout d'abord une mémoire extraordinaire, qui lui permet de répéter à la perfection les rares mouvements d'escrime qu'il a pu voir chez l'Espagnol; mais aussi sans doute la protection conjointe des mânes de celui-ci, qui l'accompagnent et semblent le soutenir tout le long de ses aventures, et d'Indrik, la Licorne, l'animal fabuleux qu'il s'est choisi pour "totem". Andreï est donc chanceux, très chanceux, et culoté au plus haut point. Il parvient sans cesse à se sortir des situations les plus rocambolesques.
Et c'est là le point fort du film: non content d'être un récit d'aventures picaresques (et non un film de guerre), il est aussi fort drôle. En cela, il rappelle singulière Pirates des Caraïbes; et le rôle principal, tenu par Piotr Kislov, aurait fort bien convenu à un Johnny Depp!
Bref, de l'aventure, de l'action, du panache, beaucoup d'humour, un brin de fantastique et même de fantasy, mais aussi quelques aspects trash (il faut bien mériter la mention "version intégrale non censurée"), car les scènes de guerre sont tout de même décrites dans toute leur cruauté. Ce cocktail fait de ce film une oeuvre appartenant au grand cinéma populaire. Une réussite, à laquelle on aurait tort de reprocher, comme on a pu le faire, ses quelques accents nationalistes: un nationalisme bien fade, et pas plus fort que dans Les Aventures de Robin des Bois de Michael Curtiz ou dans l'Ivanhoe de Richard Thorpe.
1612, c'est donc 2h23 de bonheur. Quel dommage qu'il soit sorti directement en DVD: il méritait clairement d'être distribué en salle, bien plus que nombre de productions hollywoodiennes!
4 commentaires
Merci pour cet excellent article, qui donne envie !
Il me semble que c'est toi qui avait évoqué sur le forum du Bélial le très bon Mongol de Serguei Bodrov.
N'ayant pas été déçu je suivrai une fois encore ton avis.
Oui, Mongol, c'était très bien. Pas parfait, mais avec des images vraiment fortes. J'attends avec impatience de pouvoir voir la suite. Là on est quand même dans un autre genre, avec un aspect comique vraiment prononcé. On peut penser parfois au duo Jean Marais / Bourvil, dans le Capitan, par exemple. Mais avec moins de panache.
J'avais bien compris. De même quand tu as insisté sur le côté réussi de cette comédie. J'ai d'ailleurs bien aimé le premier Pirates des Caraïbes.
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