Nick Sagan - Idlewild
05/06/2011
Halloween – un surnom bien sûr – est un adolescent. Il devrait bientôt avoir dix-huit ans. Intelligent, pour ne pas dire brillant, il doit pourtant suivre les cours d’un institut particulier, dédié officiellement à l’enseignement auprès d’enfants difficiles. Curieusement, il s’agit d’un institut médical. Et il n’y a que dix élèves. Cinq filles, autant de garçons.
Un jour, Halloween se réveille au milieu d’un champ, amnésique, et avec pour seule certitude : il a tué Lazare, un des autres garçons. Et très vite on découvre que les dix adolescents sont en fait plongés pour l’essentiel de leur temps dans un univers virtuel, éducatif, dans lequel chacun s’est créé son propre domaine et dont le centre est l’école. L’ensemble est gouverné par deux programmes, Nanny, qui fait office de bonne à tout faire, et Maestro, le professeur, copie du directeur de l’institut. Mais les choses ne sont pas aussi simples qu’il n’y paraît. D’un roman sur une réalité virtuelle à deux niveaux, tel qu’on a en déjà lu beaucoup, on passe à trois, et cette troisième réalité, inattendue, est pour le moins effrayante.
Premier roman de Nick Sagan, Idlewild est une belle surprise. Sans être un chef-d’oeuvre, il est toutefois original et mené de main de maître. Il faut dire que Sagan est bien connu comme concepteur de bonnes histoires : il a déjà scénarisé une palanquée d’épisodes de Star Trek, par exemple. Mais dans l’audiovisuel, le scénariste n’apporte pas le style, qui est la part du réalisateur. Là, Sagan conçoit avec Idlewild un scénario redoutable, qui aurait pu servir de base aux meilleurs épisodes d’Au-delà du réel ou de la 4e dimension. Mais il y ajoute un choix bien senti de références. Lovecraft est abondamment cité, mais cela reste superficiel : cet auteur est juste-là comme référent à l’univers mental d’un adolescent en proie à des pulsions morbides. Si Dick est mentionné en quatrième de couverture, il faut juste le voir par l’intermédiaire du film The Matrix, des frères Wachovski : l’influence de ce film est évidente sur Sagan, qui en reprend plus d’un motif. Enfin, pour le fond, il faut noter la réutilisation subtile, pour ne pas dire géniale, d’un vieux mythe juif (et avant cela indo-européen, puis gnostique : le mythe juif s’étant vraisemblablement forgé dans l’Egypte gnostique du début de notre ère) : celui de l’Adam Kadmon. Mais je m’abstiendrai d’en dire plus sur ce cas : cela ne ferait qu’en dévoiler trop sur l’intrigue finale. Et tout cela pour servir une galerie de portrait d'adolescents crédible, même si l'on devine assez vite que ceux-ci sont hors-normes.
Notons tout de même pour achever cette note quelques petites incohérences sur la fin du roman (des médicaments qui n’ont pas de péremption, par exemple), mais qui ne portent pas à conséquence.
Bref, Idlewild s’avère être un très bon choix pour inaugurer « Nouveaux Millénaires », la nouvelle collection de chez J’ai lu, avec un auteur inconnu mais qui prend tout de suite sa place parmi les bons.
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